Par Simon-Pier Labelle-Hogue
le rire perce
le premier espace
pour y installer son rituel
ou un saccage
au bas des pentes
à la fracture des ailes d’acier
les façades agitent le cancer
et les fenêtres encore endormies
couvrent les murs
d’un impressionnant varech
où la fumée se noie près de la biosphère
prestidigitateur de longues distances
je dompte la prunelle des réverbères
apprends à m’envelopper de leur pureté sodique
et me confine à l’inertie tranchante
des ruines en dissémination
je m’écoule dans le silence
des déshérités
à l’heure du désert
en proie aux rafales aériques
les pavés s’abîment sur mon visage
– larges flocons d’asphalte
en décrépitude –
et forment tôt des murs
des immeubles
des cellules
finalement des urnes
consacrées aux spectres du présent
la blessure me contraint
à revêtir différents crânes
aux trous couleur de caniveau
dont le souvenir de chair
me comble d’une survivance floue
et m’évite les embranchements
qui transposent mes organes
en leur décès prononcé
dans la gouttière
l’eau coule sans bruit
malgré la disette
et l’extension du droit à la chaleur
parmi l’étouffement et la vapeur grise
qui peuple les égouts
un monticule s’inscrit au demi-jour
excroissance en retrait
qui bat l’aurore
sans raison autre
que l’amour chrétien de la noirceur
sous son reflet scrutateur dans le fleuve
mes pieds tracent
les interstices oubliés sur le trottoir
les cadrans sonnent
les peaux en berne s’écroulent
dans la sueur
et mes semelles gommées
extirpent du sol un psaume anémique
relisent les fractures
qui animent le territoire
et forment des plaies nouvelles
pour rappeler aux soleils mécaniques
que le corps dépasse la péremption
que certaines lumières sont aveugles
malgré les scalpels
que la convalescence la plus intime
est celle du goudron
et que l’odeur de l’alcool sur la peau mate
trahit leur quête d’inévitable
l’infection s’insinue
par le frottement des automobiles
et le bruit abscons d’une foule
à l’absence renouvelée
mes pieds saignent
à en oublier le fait
que les yeux sont le premier cercueil
l’épidémie tient mes artères
et détourne ma trame errante
en la secousse caractéristique
du vivant tuméfié
Montréal s’incendie
Simon-Pier Labelle-Hogue est doctorant à l’Université McGill et membre du Centre de recherches interdisciplinaires en études montréalaises (CRIEM) où il étudie l’occupation des villes et les réseaux littéraires. Il a publié, en 2011, Morphologie du loup (Poètes de brousse) et travaille à un second recueil.