Imaginer, créer et lancer une pratique émancipatoire à HEC-Montréal

Par Jose Fuca et Anne Gauthier

(avec le témoignage d’Émilie Aubin)

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Une menace plane sur la spécialisation Études organisationnelles

La spécialisation Études organisationnelles, un programme de la maîtrise en sciences de la gestion à HEC Montréal (HEC), existe depuis l’automne 2009. Elle est une initiative du professeur Jean-Pierre Dupuis qui propose au département de management de créer un programme qui se différencie de l’étude du management classique. L’objectif est de mettre en valeur les différents profils des professeurs et de leurs cours, dont plusieurs ont une formation en sciences sociales : « Nous avions déjà un bon fond en théories des organisations et je savais que cela pouvait intéresser des étudiant.e.s d’autres disciplines des sciences sociales (sociologie, anthropologie, travail social, etc.). » (1)

La direction accepte alors le projet, mais ne permet pas au départ la création de nouveaux cours, ce qui aurait pu distinguer rapidement la spécialisation. Ceci ne surviendra que plus tard : « Après quelques années, nous avons pu convaincre l’École de créer deux nouveaux cours qui permettraient de nous distinguer davantage, soit le cours d’Yves-Marie Abraham sur la décroissance et le cours de Martine Vézina sur la gestion des entreprises coopératives, communautaires, etc. » (2)

Au début de l’année scolaire 2013, un changement se produit à la direction de la spécialisation. Une notification est reçue de la part de l’administration de HEC. Le programme d’études n’est pas rentable : « C’est alors que s’est imposée l’idée d’une nouvelle appellation pour cette option. Yves-Marie Abraham m’a accompagné dans cette démarche et c’est à ce moment-là que je lui ai laissé la responsabilité de l’option qu’il assume depuis. Je trouvais qu’il était la personne toute désignée pour faire croître cette option. » (3) Fraîchement arrivé, un nouveau professeur, Yves-Marie Abraham, prend la responsabilité de la spécialisation Études organisationnelles : « On m’a donné carte blanche en me donnant deux ans pour attirer au moins 20 étudiant.e.s par an dans cette spécialisation. » (4) En acceptant le poste, Yves-Marie Abraham est conscient du défi. Il propose alors aux étudiant.e.s de collaborer avec lui : « par principe, mais également par nécessité » (5).

Un des enjeux principaux est de clarifier et de préciser la mission de la spécialisation. Des réunions permettent de cibler le profil et les aspirations des étudiant.e.s au sein du programme. Ceux-ci expriment les opinions suivantes : « Nous sommes d’avis que le programme est légitime, car il répond à un besoin émergent dans notre société. Nous dénotons de grandes injustices et une fragilisation des institutions et services publics. Nous sommes insatisfaits, car ce monde qui nous entoure est de plus en plus dirigé par l’entreprise et ne tend qu’à la recherche de profits marchands. Ce monde n’est pas le nôtre. Ce qui nous rallie, c’est la motivation de le comprendre afin d’être en mesure de proposer un changement social et d’y participer. Nous croyons qu’il y a un grand besoin de faire valoir la pluralité des formes économiques par une analyse critique approfondie du modèle de l’entreprise privée à but lucratif. Une réflexion sur les alternatives à ce modèle dominant d’organisation de l’économie est nécessaire. Nous désirons faire la promotion des valeurs de démocratie économique, de justice sociale et de respect des limites écologiques.  » (6)

L’orientation adoptée par le programme de maîtrise vise l’étude des structures possibles d’associations sociales et solidaires qui encouragent une gestion plus juste et une redistribution plus équitable, tout en gardant un regard critique envers ces organisations. Le programme tente ainsi de préparer les étudiant.e.s à intervenir concrètement dans les organisations tels les coopératives, les OBNL, les ONG, les écovillages, ou encore à démarrer leur propre entreprise sociale. Or, le constat est que l’appellation Études organisationnelles n’est pas représentative de cette orientation et n’interpelle pas les étudiant.e.s potentiels. En plus, l’offre de cours n’est pas suffisante pour répondre à ces objectifs.

Penser et agir collectivement : vivre l’autogestion

Dès la fin septembre 2013, le nouveau directeur et les étudiant.e.s décident d’agir ensemble en développant la spécialisation. Il faut restructurer le programme et lui donner un nouveau nom. Pour ce faire, un groupe de discussion est créé et des réunions et soirées informelles sont régulièrement organisées pour susciter les idées et les suggestions des étudiant.e.s autour de repas conviviaux.

Cet appel à tous initie une collaboration entre le nouveau directeur de la spécialisation et les étudiant.e.s qui a un effet boule de neige. Ce mode de fonctionnement aboutit à une forme d’action collective. Un collectif est ainsi formé, qui sera nommé plus tard GIS (Gestions et innovations sociales) par les étudiant.e.s.

Témoignage d’une étudiante: Émilie Aubin

C’est à l’hiver 2012 que j’entends parler pour la première fois de l’option Études organisationnelles ainsi que du professeur Yves-Marie Abraham. M’étant inscrite au programme de certificat en gestion de projet à HEC à l’hiver 2012, j’ai pris connaissance de l’article qu’il avait rédigé à propos de la marchandisation de l’éducation supérieure et de certaines revendications défendues par le mouvement étudiant au printemps 2012. Cet article fit le tour de HEC et fût cosigné par plusieurs professeur.e.s et étudiant.e.s pour éventuellement être publié dans Le Devoir le 23 avril 2012.

Bien que je n’aie pas terminé le cheminement académique nécessaire à l’obtention du certificat, j’imagine que cet article resta ancré quelque part dans mon esprit puisqu’en 2013, j’ai décidé d’assister à la séance d’information sur la spécialisation Études organisationnelles. Lorsqu’Yves-Marie Abraham, nouvellement responsable, présenta le programme d’études, j’ai retrouvé certains des grands thèmes au centre de l’article publié le 23 avril 2012. Décroissance soutenable, esprit critique et modes alternatifs de gestion n’étaient que quelques-uns des thèmes abordés lors de cette rencontre. Bien que j’aie pris quelque temps suite à la séance pour mûrir ma décision, j’ai rapidement conclu que c’était la spécialisation que je cherchais.

Dès ma première session à l’automne 2013, j’ai pu observer comment Yves-Marie Abraham mettait en pratique dans ses cours les principes qu’il défend. Je faisais partie de la première cohorte d’étudiant.e.s qui ont participé au séminaire portant sur la décroissance soutenable qu’il a mis sur pieds à HEC. En effet, ce séminaire était construit autour d’une gestion collaborative et horizontale des acquis. De ce que je me rappelle de cette expérience, nous étions (relativement) conscient.e.s d’être au cœur d’un changement organisationnel qui prenait racine. Non seulement nous avions accès à un séminaire remettant la croissance elle-même en question au sein d’une institution comme le HEC, mais Yves-Marie souhaitait réellement nous inclure dans le processus de réflexion et de prise de décision entourant la pérennité de notre option (qui était loin d’être garantie à l’automne 2013). J’ai souvenir d’une certaine rencontre qui s’était tenue chez lui ou l’ensemble (ou presque) des étudiant.e.s de l’option s’étaient retrouvés dans son salon à se questionner sur la marche à suivre pour que notre option ne soit pas éliminée du cursus académique.

Expérimenter l’action collective

Après concertation, le collectif GIS constate que le programme de maîtrise – et les valeurs qu’il promeut – n’est pas connu du grand public, voire pire, qu’il ne l’est point de la communauté de HEC Montréal elle-même. À cet effet, dès l’hiver 2013, une soirée d’information avait été organisée avec l’aide d’une étudiante et de la Direction des communications de HEC dans l’idée de faire connaître le programme et de recruter des étudiant.e.s. En 2014, le collectif GIS prend la décision stratégique d’une promotion de la spécialisation autant à l’interne qu’à l’externe de l’école de commerce pour faire suite à ce qui avait été fait auparavant.

Le collectif GIS approche le Service de la promotion des programmes d’études et du recrutement étudiant de HEC, instance responsable du marketing des différents programmes d’études. Avec la volonté d’établir un contact et une collaboration avec le Service, une première rencontre permet d’expliquer aux responsables l’essence de la spécialisation et la distinction des parcours des étudiant.e.s, car majoritairement ceux et celles qui en font partie proviennent d’autres disciplines que la gestion. Une fois ce lien établi, un budget spécial est débloqué.

Un groupe de discussion est créé entre le Service et les étudiant.e.s. L’objectif est de trouver un nom plus porteur pour mieux désigner une spécialisation de maîtrise qui s’intéresse à des formes organisationnelles poursuivant des buts autres que lucratifs (justice sociale, émancipation politique, soutenabilité écologique). La réunion mène à l’émergence de propositions d’appellations représentant l’identité de la spécialisation, dont le choix premier des étudiant.e.s s’arrête sur le nom Gestions et innovations sociales.

Gestions : le pluriel signifie que le programme de maîtrise porte une réflexion critique sur les différents types de gestion et qu’il valorise le pluralisme dans ce domaine.

Innovations sociales : ce terme souligne la portée des organisations en question qui agissent au-delà des visées purement économiques pour agir sur les dimensions politiques, écologiques et de justice sociale. Elles deviennent ainsi des alternatives aux solutions existantes et s’inscrivent dans la transformation des sociétés.

Les trois choix retenus sont soumis à un comité de professeurs du Département des études supérieures en management qui confirment la vision des étudiant.e.s. Le nouveau nom est par la suite approuvé par le département de management et l’administration de HEC. La promotion de la spécialisation Gestions et innovations sociales est alors lancée à l’hiver 2014.

De son côté, le Service de la promotion des programmes d’études et du recrutement étudiant déclenche une campagne publicitaire comprenant notamment un message diffusé à la radio et une annonce dans le Journal Métro et Le Devoir.

Quant à lui, le collectif GIS démarre plusieurs projets. Un dépliant informatif sur la spécialisation est créé et distribué dans les réseaux sociaux par les étudiant.es. Un logo représentant le programme d’études est dessiné et intégré aux différents médiums de la campagne promotionnelle. Il est imprimé plus tard sur des chandails portés par les étudiant.e.s et le directeur dans divers événements. D’ailleurs, des étudiant.e.s assistent le directeur de spécialisation Yves-Marie Abraham lors des rencontres portes ouvertes visant à informer les futurs étudiant.e.s. Un échange entre les pairs (étudiant.e.s et futur.e.s étudiant.e.s) est mis de l’avant. La participation des étudiant.e.s dans le processus de recrutement semble être une stratégie clé pour la montée en force du programme, surtout lors des soirées d’information. À cet effet, plusieurs étudiant.e.s s’entendent pour dire que ce qui les a convaincus de faire le saut vers cette spécialisation, c’est d’entendre le témoignage et de palper la passion des étudiant.e.s déjà impliqué.e.s. Bref, le contact humain.

Également, il est de coutume pour le Service de la promotion des programmes et du recrutement étudiant de produire des vidéos promotionnelles se retrouvant sur les sites Internet de chacune des différentes spécialisations de la maîtrise. Soucieux et soucieuses de bien représenter leurs particularités, le collectif GIS propose de le concevoir et de l’autoproduire. Dans ce vidéo, le parcours et les aspirations futures des étudiant.e.s sont présentées ainsi que leur vision de la gestion en tant qu’outil de transformation sociale. D’ailleurs, cette vidéo est présentée lors d’une soirée d’information non officielle, faite en parallèle aux portes ouvertes de HEC Montréal. Tous les étudiant.e.s du programme ou presque sont présents pour partager leur expérience, ce qui crée un moment très fort.

Cette campagne de promotion se termine par un avis reçu de la part de l’administration de l’Université de Montréal, dernière instance à approuver les changements des programmes académiques au sein de HEC. Une surprise malheureuse attend les étudiant.e.s. Le nom retenu, rappelons-le Gestions et innovations sociales, ne convient pas tout à fait. Sans égard au long processus collaboratif établi entre l’instance de HEC Montréal et le collectif GIS, l’Université de Montréal impose un nouveau nom, celui de Gestions en contexte d’innovations sociales. L’argumentaire est que l’appellation Gestions et innovations sociales évoque et, à la fois, empiète sur les champs de compétences des programmes en sciences sociales. Dans leur vision, l’innovation sociale traitée à HEC doit être encastrée dans la gestion et les organisations.

Pourtant, la définition de l’innovation sociale dépasse largement cette conception pour rejoindre de nombreux types d’associations, de nombreux domaines et de nombreuses aspirations. Selon le Réseau québécois en innovation sociale :

« Une innovation sociale est une nouvelle idée, approche ou intervention, un nouveau service, un nouveau produit ou une nouvelle loi, un nouveau type d’organisation qui répond plus adéquatement et plus durablement que les solutions existantes à un besoin social bien défini, une solution qui a trouvé preneur au sein d’une institution, d’une organisation ou d’une communauté et qui produit un bénéfice mesurable pour la collectivité et non seulement pour certains individus. La portée d’une innovation sociale est transformatrice et systémique. Elle constitue, dans sa créativité inhérente, une rupture avec l’existant. (RQIS)» (7)

En ce sens, les innovations sociales ne se produisent pas seulement au sein des organisations, elles visent plutôt une transformation sociale, par exemple, en repensant les liens entre les organisations et leur milieu.

Dès 2014, les premiers résultats de la campagne de promotion commencent à se faire sentir. À partir de l’automne 2014, les admissions et les inscriptions grimpent :

Hiver 2014

2 admis

1

Automne 2014

8 admis

5

Hiver 2015

12 admis

9

Automne 2015

23 admis

15

Hiver 2016

6 admis

6

Automne 2016

24 admis

À confirmer

À l’automne 2016, le nombre d’étudiant.e.s inscrit.e.s au total approche la cinquantaine, un nombre important considérant que c’est un programme de deuxième cycle récemment créé. La stratégie de promotion s’avère un franc succès, car le délai de deux ans, prescrit par le Département de management pour prouver la pertinence de la spécialisation sous peine de fermeture, est plus qu’atteint.

Prise de parole; débattre sur la place publique

La force du nombre permet de voir plus loin et d’avoir un impact plus grand au sein de HEC. La voix des étudiant.e.s se fait désormais de plus en plus entendre dans les débats au sein des séminaires. En taillant ainsi leur place dans la communauté de HEC, les étudiant.e.s acquièrent la confiance qu’un autre discours est possible. La prise de parole collective débute alors par l’organisation d’activités qui mettent de l’avant les couleurs du collectif GIS au sein de l’établissement d’enseignement.

C’est ainsi qu’à l’hiver 2015, les étudiant.e.s organisent le panel Réfléchir l’austérité durant la période des débats entourant le nouveau budget du gouvernement libéral. Pour cet événement, sont invités en tant que panélistes une représentante de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) et un professeur émérite du département des sciences économiques de l’UQAM, et en tant qu’animateur, un journaliste et chroniqueur québécois. Cet événement a eu un écho dans divers médias. La volonté de cette proposition de la part du collectif GIS est de compléter l’information qui circulait au sein du HEC et de briser le silence face aux mesures d’austérité proposées par le nouveau gouvernement.

Autrement, le séminaire « La décroissance soutenable : théorie et pratiques » existe depuis l’automne 2013. Au départ expérimental et ouvert à toutes les spécialisations de la maîtrise en sciences de la gestion, ce cours affiche complet. Des étudiant.e.s libres doivent même être refusé.e.s. À partir de l’automne 2014, il devient obligatoire pour les étudiant.e.s en Gestions en contexte d’innovations sociales. Les demandes d’inscription à ce séminaire devenant importantes et dépassant le cadre du programme d’études, l’école prend la décision, pour l’automne 2016, de le donner deux fois par année.

Mis à part le contenu et la perspective de la matière enseignée, un autre élément qui démarque ce séminaire est la cocréation par les étudiant.e.s et le professeur Yves-Marie Abraham de la revue L’Échappée belle. Deux numéros ont été publiés pour l’instant. Le premier portait sur l’alimentation, le deuxième sur l’habitat. Chacun d’eux contient une dizaine d’articles rédigés par des équipes d’étudiant.e.s. Les textes proposent à la fois une critique de nos modes de vie et des pistes de solution pour aller vers des sociétés post-croissance. Lancée publiquement au printemps, en dehors de HEC, cette revue est souvent l’occasion d’une première publication pour les étudiant.e.s.

Dès l’hiver 2014, les étudiant.e.s de Gestions en contexte d’innovations sociales sont invité.e.s à réfléchir aux moyens d’enrichir le programme. Après réflexions et discussions, ils décident de la création d’un nouveau séminaire traitant de la gestion de l’innovation sociale tout en présentant un volet pratique. La structure du séminaire, les thèmes abordés durant les séances, les méthodes d’évaluation ainsi que l’appel à des intervenants.e.s, certains.e.s plus théoriques, d’autres plus pratiques. Les thèmes, les modalités d’évaluation et le choix des intervenants sont discutés et débattus avec le directeur de la spécialisation. Une fois ceci accompli, la proposition du nouveau séminaire est soumise à l’approbation du Département du management puis du Conseil pédagogique de HEC Montréal. Après un petit nombre de rajustements, le projet est accepté et mis en pratique à l’hiver 2016. Une des particularités de ce cours est de permettre aux étudiant.e.s de vivre une expérience d’autogestion collective, ceux-ci devant mener à bien un projet commun tout au long de la session. La finalité de ce cours est dès lors d’amener les étudiant.e.s à porter une réflexion critique sur leur propre pratique de l’innovation sociale, d’où le nom du séminaire « Concevoir et gérer l’innovation sociale ».

Suite du témoignage d’Émilie Aubin

Le même type de processus collaboratif se poursuit à l’heure actuelle. Le tout nouveau cours Concevoir et gérer l’innovation sociale constitue d’ailleurs une réelle co-construction entre Yves-Marie Abraham et les étudiant.e.s de l’option. En effet, ceux et celles qui souhaitaient s’impliquer dans la construction du cours ont pu participer à une série de rencontres qui ont couvert l’ensemble des éléments nécessaires à la construction du cours; de la division des thèmes du plan de cours au choix des professeurs invités en passant par les différentes modalités d’évaluation. Pour avoir suivi des cours et séminaires à la fois à l’Université de Montréal, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et à HEC avant de débuter mon cheminement de maîtrise au sein de la spécialisation Étude organisationnelles, je peux garantir que le processus de construction de ce cours constitue l’expérience à travers laquelle j’ai connu, en tant qu’étudiante au sein d’une institution d’éducation, le plus grand degré d’autonomie et de responsabilisation collective. À l’heure actuelle, j’assiste de manière régulière à ce séminaire à titre d’étudiante libre et je peux confirmer que les idées et les préoccupations des étudiant.e.s ayant participé à la construction du séminaire ont été respectées.

Pour la suite des choses

D’autres idées de projet sont toujours sur la table pour agrémenter la richesse du cursus académique.

Il est également question de créer un réseau de partenaires et de futurs employeurs donnant accès à plus d’offres de projets supervisés et inspirant des mémoires de maîtrise. L’idée est également de faciliter l’entrée des étudiant.e.s sur le marché du travail et de favoriser les collaborations entre le milieu académique et la collectivité.

Enfin, pour enrichir le programme, un projet d’école d’été hors campus est en voie de réalisation. Alors que la formule des campus internationaux est très en vogue actuellement, l’idée est de s’intéresser à des innovations sociales et à des alternatives radicales développées au Québec. Mais il s’agira de rompre aussi avec nos modes de vie quotidiens, en adoptant des façons de se déplacer et de se loger inhabituelles. À l’été 2016, c’est sur un vieux voilier qu’une partie du voyage se déroulera. Signe supplémentaire de l’engagement des étudiant.e.s : cette première école d’été ne sera pas créditée et ne sera que partiellement financée par l’École. Les participant.e.s paieront donc de leur poche et n’auront rien à gagner sur le plan strictement académique!

Pour nous, tout projet qui vise une forme de pédagogie active, c’est-à-dire encourageant la participation et la responsabilisation des étudiant.e.s et favorisant la collaboration, ne peut que nourrir le programme et faire de ses étudiant.e.s des agents actifs au sein de leur société.

L’expérience vécue avec la création de la spécialisation Gestions en contexte d’innovations sociales est un cas de réussite d’une pratique émancipatoire. Elle permet aux étudiant.e.s d’imaginer et de pratiquer l’autodétermination ou, au moins, d’y aspirer. Par les activités mises sur pied par le collectif GIS, les étudiant.e.s ont l’occasion de manifester et de faire valoir une vision et une approche différentes de la gestion classique. Ainsi, la spécialisation Gestions en contexte d’innovations sociales apporte un discours novateur au sein d’une école de commerce qui permet aux étudiant.e.s de s’émanciper en redéfinissant la pratique de la gestion.

Quel est l’avenir du discours porté par le directeur et les étudiant.e.s de Gestions en contexte d’innovations sociales au sein de HEC? Jusqu’à maintenant, nous croyons que l’administration de HEC a donné un certain appui aux propositions mises sur la table puisqu’elles répondaient à un besoin identifié, celui de prouver que la spécialisation pouvait être rentable par l’augmentation du recrutement étudiant. Ce besoin étant aujourd’hui comblé, quelle posture adoptera l’administration du HEC face aux projets futurs qui visent à renforcer ce discours alternatif? À titre d’exemple, le projet d’école d’été décrit précédemment, qui permettrait aux étudiants d’expérimenter des innovations sociales et des alternatives radicales développées au Québec, n’est que partiellement soutenu et peine à être reconnu par l’École de commerce.

Enfin, quels sont les risques d’une augmentation fulgurante du nombre d’étudiant.e.s inscrit.e.s au sein de la spécialisation? La popularité croissante de la spécialisation Gestions en contexte d’innovations sociales renforce sa portée transformatrice au sein de l’institution d’enseignement, mais elle pourrait également lui nuire. À cet effet, un danger peut guetter la spécificité du programme d’études. L’organisation collective, la mission et les valeurs originelles peuvent se dénaturer si certains enjeux sont négligés (qualité des dossiers, nombre de personnes admises par session, vision, valeurs, aspirations et compétences interpersonnelles des futur.e.s candidat.e.s). Le mode de décision et d’action collective mis en place pourra-t-il être reproduit à plus grande échelle? Comment maintenir l’engagement de tout un chacun? De quelle façon renforcer la distinction du programme? Ces questionnements exigent qu’une réflexion soit portée sur le processus de sélection des étudiant.e.s et sur la manière de perpétuer l’idéal GIS.

Notes

(1) Jean-Pierre Dupuis, communication personnelle, mai 2016.

(2) Idem

(3) Idem

(4) Yves-Marie Abraham, communication personnelle, mai 2016.

(5) Idem

(6) Discours collectif tiré des différentes rencontres. Ces valeurs proviennent du paradigme de la décroissance. Aussi voir: http://www.hec.ca/programmes_formations/msc/options/gestions_innovations_sociales/index.html

(7) Réseau québécois en innovation sociale, Innovation sociale. En ligne : http://www.rqis.org/innovation-sociale/

Jose Fuca est originaire de Barcelone. Dynamique et aventureux, il décide d’habiter au Québec depuis 2005. Passionné d’anthropologie et de cinéma, les sujets qui traversent ses intérêts tant personnels que professionnels sont l’étude des actions collectives et la capacité d’agir des individus en contexte d’organisations alternatives. Dans cette même lignée, Jose Fuca s’inscrit en 2014 à la maîtrise intitulée Gestions en contexte d’Innovations Sociales (GIS) à HEC Montréal.

Anne Gauthier est diplômée du programme de maîtrise en Gestions en contexte d’innovations sociales de HEC Montréal. Elle s’intéresse au modèle coopératif comme outil de transformation sociale.

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