Par Suzanne Jacob
Sur la colline au tournant de la rivière Harricana
vivait une très vieille femme assise
pendant que l’eau s’en allait
pendant que l’eau s’en allait dans la rivière Harricana
une très vieille femme assise vivait.
Personne ne l’appelait, jamais, par aucun nom,
elle fumait sa journée longue dans un calumet de paix
pendant que l’eau allait s’épaississant
dans la rivière Harricana
A quoi pouvait servir, à qui, cette vieille vivante
Et quel est cet exemple que d’être assise
pendant que de l’eau s’en allait.
Elle était dans le secret des choses
Dans le secret luisant des cuillers de métal
Dans le secret mouvant des aurores boréales
Dans le secret brûlé de la lune qui rôde
Dans le secret glacé de la mort esquimaude
Dans le secret flottant sur les vieux bijoux gris
Dans le secret errant des ombres de la nuit
Dans l’ourlet de la mer au bord des continents
Dans les replis de neige ouvragés par les vents
Dans les rochers froissés, dans les braises encastrées
Son regard,
Son regard se levait
Plus lumineux et tendre que celui des guenons du zoo
Imagine un regard qui embrasserait la Terre
À quoi pourrait servir, à qui, ce regard de vivante
Quel serait cet exemple que d’être assise
Pour donner à la Terre
Un regard de vivante ?