Les langages sacrés amérindiens

Par Carole Briggs

 

Kwé*, bonjour à vous. Je me présente Carole, Plume d’Oie sauvage, et si vous me permettez, chers lecteurs et lectrices, je prends cet instant qui m’est alloué pour remercier Ève Marie Langevin et toute l’équipe de m’avoir donné cette occasion et par conséquent, la chance de pouvoir participer à ce beau projet.

 

N’écoutant que les battements de mon cœur et le ressenti qui m’habite depuis ma petite enfance, j’ai compris l’importance d’activer mes propres démarches pour établir des liens avec mes origines. Je voulais tout savoir et aussi comprendre pourquoi l’attirance me pousse vers ces chants, ces danses, ces cérémonies sacrées. Ce sont toutes ces médecines qui s’imprègnent de plus en plus en moi… Ce fut une révélation très touchante de connaître tous les parcours de mes arrières grands-mères. Cette grande poésie du langage sacré amérindien m’a émue ; enfin me voilà bien enracinée, le lien est établi. Fière de porter mes mocassins, je marche sur mon chemin rouge et honorée d’Être.

 

Ma participation aux enseignements et aux cérémonies m’aide à comprendre et à approfondir cette médecine. Très tôt, j’ai pris conscience de l’importance de maintenir l’ouverture de ma spiritualité ainsi que de mon esprit en ce qui a trait aux différentes nations amérindiennes.

 

Dans un premier temps, il est essentiel pour moi de vous signaler que les nations amérindiennes peuvent avoir certaines similitudes, mais la plupart d’entre elles portent leurs propres couleurs sacrées selon leur provenance, leurs traditions et enseignements qui sont appliqués selon leurs coutumes. Ce qui les lie, c’est la forme géométrique utilisée pour toutes les cérémonies : le cercle est significatif et représentatif pour plusieurs éléments sacrés dont : le Soleil, la Terre-Mère, la Lune, la Roue de médecine, le Feu sacré, le Tambour, le Matato (tente de sudation) ainsi que le ventre de la Maman. Cet espace (le cercle) permet de délimiter le périmètre d’un lieu sacré pour les cérémonies, les prières, les méditations et pour être en contact avec les Esprits de nos Ancêtres.

 

Chers lecteurs, par la présence de votre imaginaire, nous revêtirons les vêtements appropriés en signe de respect pour cette magnifique cérémonie de la Pipe sacrée (Chanoupa) incorporant les enseignements des quatre directions et ces composants. Pour toutes les femmes, la jupe longue et un châle recouvrant les épaules sont de mise. Pour vous les hommes, pantalon long et ruban autour du front : la couleur rouge est souvent celle qui est choisie par la majorité des nations. Installez-vous confortablement et laissez-vous transporter dans ce lieu sacré pour assister à cette cérémonie. Je suis honorée d’être votre guide. Bonne expérience.

 

Nous sommes à l’éveil de l’aube et la dormance de Mère Nature se disperse tout doucement pour laisser place au Grand-Père Soleil. Le silence nous habite… Nous nous dirigeons vers un petit sentier dont le paysage est pittoresque. Nous escaladons avec assurance une colline pour enfin arriver à l’emplacement désigné pour la cérémonie. Nous sommes accueillis par l’un des gardiens de feu, il nous invite à la purification du Corps et de l’Esprit en expliquant à tous les participants l’importance de ce geste sacré. La médecine utilisée est la sauge ; elle permet d’éloigner les forces négatives qui pourraient être présentes. Ce balayage se fait en souplesse : la plume d’aigle est appropriée pour ce rituel. Nous sommes à l’entrée de la porte de l’est, et le gardien nous mentionne qu’il est important de circuler dans le cercle dans le sens de l’horloge et que nous devons, par conséquent, sortir par la porte de l’est. Il termine en nous précisant toujours avec gentillesse qu’aucun objet ne doit être déposé dans le Feu sacré, seulement le tabac, les prières et les allumettes de bois : c’est le respect ultime, dit-il, pour tous les Esprits qui nous accompagnent dans cette cérémonie.

 

Le battement du Tambour se fait entendre, un(e) Aîné(e), c’est une personne désignée, soit pour diriger une cérémonie, soit pour faire de l’enseignement, car elle est reconnue par ses pairs pour avoir acquis ces responsabilités. L’Aîné s’avance et nous salue : « Migwetc**, merci de votre présence, honoré de voir de nouveaux visages. Aujourd’hui, nous aurons la chance de vous donner un aperçu de la médecine des quatre Directions selon nos origines. Par la suite, nous assisterons à la cérémonie de la Pipe sacrée, la Chanoupa. Je vous demande de bien vouloir vous lever. Nous allons écouter et suivre les enseignements d’une de nos Grands-Mères (ou Kokums). Migwetc, merci d’avoir bien voulu accepter notre invitation pour ce bel enseignement. Nous vous demandons votre attention. La Grand-Mère (Kokum) nous précise qu’il y a des différences dans l’application de la médecine selon les nations et qu’il peut même s’y retrouver des différences très importantes, de garder cela en mémoire. Vous remarquerez qu’il y a quatre perches : ce sont ces hauts bâtons, qui sont solidement ancrés dans le sol pour identifier les quatre Directions, avec chacun leur couleur respective.

 

La Grand-Mère nous invite à nous tourner vers la direction de l’est. Elle émet le son de l’Aigle avec un sifflet, elle nous invite à saluer l’est : « Migwetc, merci aux Ancêtres, aux Esprits, aux Animaux de leur présence, à tous les Éléments de l’est d’être là pour nous ». La Grand-Mère nous fait remarquer sa couleur d’un jaune éclatant : elle représente le printemps, l’éveil de toute la nature. Son élément est le feu, sa médecine utilisée est le tabac pour les prières. L’un de ses Animaux est l’aigle pour sa vision et pour sa spiritualité très puissante. Ces enseignements sont : la renaissance, la compréhension, l’illumination et l’éveil à la beauté de la vie.

 

La Grand-Mère nous invite vers la deuxième direction, le sud. Elle émet le son de l’Aigle en nous invitant à saluer cette direction, migwetc merci aux Ancêtres, aux Esprits, aux Animaux, ces Éléments si utiles pour nous, les Êtres à deux pattes. La couleur du sud est d’un rouge vif pour sa chaleur, car elle représente l’été. Son élément est l’eau si précieuse (sans elle, nous n’existerions pas) ; sa médecine : le foin d’odeur, qui représente la féminité. C’est pour cette raison que nous la tressons pour solidifier nos intentions. L’un de ses Animaux est le Coyote ; on le surnomme joueur de tours. Le sud nous enseigne la clairvoyance, le respect de soi et des autres. Il nous aide à approfondir les émotions et à les guérir et à parachever la protection.

 

La Grand-Mère se tourne vers l’ouest, la troisième direction. Elle émet le son de l’Aigle et nous invite à saluer l’ouest. Migwetc, merci à tous les Ancêtres, Esprits, Animaux de l’ouest d’être avec nous, ainsi qu’à tous les Éléments qui les accompagnent. Sa couleur est noire comme le charbon, et sa saison est l’automne. C’est la préparation pour faire nos provisions avant la dormance ; son élément est la Terre si aimante et si abondante ; sa médecine, le Cèdre, pour les guérisons du corps. L’un de ses Animaux est l’Ours, qui représente la famille. Ses enseignements se rattachent au lâcher-prise, à l’introspection, aux guérisons, à la croissance personnelle et à un regard d’amour pour toutes nos relations.

 

La Grand-Mère nous invite vers la dernière direction, celle du nord. Elle émet un dernier coup de sifflet. Nous saluons le nord, migwetc merci à tous nos Ancêtres, aux Esprits, aux Animaux ainsi qu’à vous, les éléments, pour votre si grande sagesse. La couleur du nord est d’un blanc immaculé ; sa saison, l’Hiver, le repos ; son élément est le vent qui balaye toute impureté ; sa médecine, la Sauge purificatrice. L’un de ses Animaux est le bison pour sa volonté, son intégrité et le respect du clan. Le nord nous donne comme enseignements la force, la persévérance, l’assurance, la libération, la fluidité, la clarté et pour compléter, sa sagesse.

 

Avant de terminer, vous pouvez trouver vos repères pour situer plus facilement les quatre directions en utilisant la boussole. Nous allons nous arrêter un bref instant avant la cérémonie de la Pipe Sacrée. Migwetc merci pour votre participation. Ce fut apprécié.

 

Le battement du tambour nous invite une seconde fois à rentrer dans le cercle en silence, migwetc merci. Les participants remarquent que plusieurs femmes et hommes ont pris place autour du feu sacré, assis sur leur couverture au sol où ils seront en contact directement avec Terre-Maman : ce sont les Porteurs de la Pipe sacrée. Les objets sacrés sont en place. La purification est de mise, autant pour le corps que pour tous les objets utilisés. L’Aîné explique que la Pipe a deux parties : le bol représente le féminin et le manche représente le masculin. Si vous le voulez bien, nous allons commencer le remplissage du bol pour permettre aux Porteurs de déposer leurs prières. Migwetc pour votre silence. Le remplissage terminé, l’Aîné invite les Porteurs à allumer et à partager la Pipe, un moment très privilégié. L’Aîné invite tous les Porteurs désirant partager leur Pipe de bien vouloir se lever et se diriger vers les participants, migwetc. Il se peut que certaines personnes ne veuillent pas fumer, alors, avec leur autorisation, nous les bénissons avec le manche de la Pipe. Puis, les Porteurs sifflent quatre coups pour informer leurs frères et sœurs qu’ils ont terminé. Il est important de vous mentionner qu’il faut attendre que tous les Porteurs aient terminé leurs prières. Alors, nous pouvons séparer le manche et le bol de la Pipe. Il est temps de purifier la Pipe une dernière fois et de ranger toute notre médecine. De cette cérémonie émanent la paix et l’amour. Elle permet de rejoindre tous les peuples dans un même cercle et fait en sorte que nos prières se transportent autour de l’Univers.

 

La cérémonie est terminée, et l’Aînée invite les participants à rejoindre les porteurs de Pipe. Des questions sont posées : pourquoi y a-t-il des porteurs qui ne fument pas leur Pipe ? Bonne question ! Souvent, des élèves ont reçu la Pipe et n’ont pas encore fini de recevoir leurs enseignements. Pourquoi ne la partagent-ils pas ? Pour d’autres porteurs, l’utilisation de la Pipe est uniquement personnelle. Mais dans un jour rapproché, ils pourront la partager avec toute la communauté. Vous savez, une Pipe sacrée (Chanoupa) n’appartient pas vraiment à la personne : nous en sommes seulement les gardiens.

 

Les Porteurs ainsi que l’Aîné remercient toutes les femmes, les hommes, les autres Aînés et les enfants d’avoir fait de cette cérémonie une réussite et vous invitent à une prochaine cérémonie.

 

Voilà, j’espère que vous avez aimé votre expérience au-delà du physique et que cette cérémonie éveillera davantage votre curiosité, votre intérêt et vos questionnements. En espérant vous retrouver sur ma route et pouvoir vous offrir d’autres connaissances des langages sacrés avec un immense plaisir. A’ho!***

 

Mes salutations, Grand-Mère Carole Briggs, Plume d’Oie sauvage

 

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Carole Briggs Plume d’Oie sauvage est native d’une petite ville sur la Rive-Sud de Montréal (Québec). Enfant du milieu connaissant déjà la différence, toujours à l’éveil de la vie, curieuse de là, cette vie l’a amenée à toucher à plusieurs cordes d’enseignements et depuis presque sept ans, elle est devenue femme de médecine. Mik8etc. L’un des plus beaux cadeaux est la découverte des mots; ils ont su prendre une place importante et ils se sont enracinés tout doucement et de là est apparue la passion. Aujourd’hui, ils ne cessent de nourrir son écriture et sa communication avec les Êtres de toutes les différences. A’ho***

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* NDLR. Kwé ou k8é veut dire « bonjour » en algonquin.
** NDLR. Megwetch ou megwetc ou mig8etc veut dire « merci » en algonquin. Selon les langues autochtones, on l’écrit également migwetc (cri de l’Est), mikwetc (attikamek), et on dit aussi tshi nashkumitin (naskapi et montagnais), nakurmik (inuktitut), nià: wen (mohawk), welalin (micmac).
*** A’ho ou ‘ho ou « j’ai dit » signifie que j’appuie mes paroles ou un de mes écrits ; on peut aussi l’utiliser pour appuyer les paroles d’une autre personne.

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