Par Carole Labarre
Déposée au fond du canot
La mémoire d’un bout d’écorce
Encordée sur son bagage
Elle demeure tranquille immobile patiente
Elle me raconte son voyage millénaire
Nomade ses racines en tous lieux
Sur le dos de la rivière bercée
En aval puis en amont
Son voyage renouvelé
Brodé aux couleurs d’une fin d’été
Elle conserve dans ses fibres
Le souffle du littoral océanique
Le cri des goélands argentés
À la rencontre du Nord
Elle offre à Tshiuetin
Des effluves parfumés de l’Austral
Ensemble à la tombée du jour
Ils font danser les aurores boréales
Sur les monts de l’arrière-pays
Elle porte en elle le labeur de la volonté
Les souvenirs des makushan le rire des femmes
La survivance exaltée de l’humain
Dans les pores de cette peau de papier
Les rêves de mon aïeul
Se déposent
Une empreinte imperceptible
Un simple bout d’écorce
Porté sur un front ridé
En portage la mémoire ancestrale
Traduction des mots en langue innue :
Tshiuetin : vent du nord, le Nord
Makushan : un festin, un banquet rituel
Carole Labarre est originaire de la communauté innue de Pessamit au Québec. Son roman inédit « Pishimuss » illustre un humour débridé et ludique tandis que sa prose s’enracine en terre nomade. Ses écrits se veulent ainsi un rappel au battement du tambour et honorent la culture et les valeurs de son peuple. Elle a été publiée en 2014, dans l’anthologie « Langues de notre Terre » par les Éditions du Banff Centre Press.