Par Nicole Kirouac
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En septembre 2012, devant un parterre de congressistes de l’Entraide missionnaire, je brossais un tableau de la mobilisation citoyenne contagieuse née à Malartic en 2015 en réaction au projet minier Osisko. Les années qui suivront n’allaient pas démentir mes propos ni endiguer la contagion.
Mobilisation à Sept-Îles : projet de mine Arnaud
En novembre 2002, j’ai été invitée à Sept-Îles par les citoyens du Canton Arnaud, lesquels étaient directement touchés par un projet de mine d’apatite à ciel ouvert d’envergure. J’ai alors été témoin d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle. Plus de 400 citoyens assistaient à une réunion organisée par les trois comités de citoyens de Sept-Îles qui s’opposaient au projet ou le critiquaient très fortement. Quelques mois plus tard, une pétition de plus de 5000 noms réclamant un référendum sur le projet minier était déposée au conseil municipal. Une requête sans précédent au Québec sur un tel sujet. En août et septembre 2013, des audiences du BAPE ont été organisées. La participation citoyenne à laquelle elles ont donné lieu a fait histoire tant par sa qualité que par sa quantité. Au cours des mois qui ont suivi, les rues de Sept-Îles ont été envahies par les marches citoyennes autant du camp pour le oui que pour le non. En décembre 2013, le rapport du BAPE a finalement conclu à un projet inacceptable. Il marquera à jamais les chemins à suivre dans les projets miniers tant pour les populations que pour les promoteurs. Au moment d’écrire ces lignes, la décision du conseil des ministres est toujours en suspens et menace la qualité de vie des citoyens de Sept-Îles. La population est divisée entre, d’un côté, l’économique à tout prix et, de l’autre, l’environnement, la qualité de vie et surtout la santé. Ces deux dernières années de mobilisation à Sept-Îles, ont été habitées par le souvenir vif d’Osisko en exploitation et de la mobilisation citoyenne à Malartic..
Projets de loi modifiant l’archaïque Loi sur les mines
Pendant que la mobilisation citoyenne de Sept-Îles et de Malartic prenait de l’envergure, nos élus étudiaient en commission parlementaire une troisième mouture du projet de loi pour modifier l’archaïque Loi sur les mines. Les projets de loi 79 (2009), 14 (2012) et 43 (2013) ont tous avorté par partisanerie. Un jour, il faudra pour les générations futures, faire connaître toute la mesquinerie politique, la partisanerie, les intérêts économiques, la force et le pouvoir du lobby minier qui ont caractérisé ces rendez-vous manqués avec une vraie réforme de la Loi sur les mines visant le seul intérêt de la population du Québec. C’est in extremis et par bâillon que le projet de loi 70 a été adopté en décembre 2013. Cette timide réforme a démontré que la mobilisation tenace des citoyens a donné des résultats positifs et a forcé le gouvernement à adopter ce projet de loi. Que de chemin encore à parcourir avant de donner aux Québécois une loi sur les mines faite dans leurs intérêts!
Les projets de mines à ciel ouvert se multiplient
Osisko a ouvert la voie aux projets de mine à ciel ouvert en milieu habité et les promoteurs miniers ont ensuite été nombreux à vouloir s’y engager. Méthode d’exploitation plus rapide, plus payante, mais combien plus catastrophique sur les plans de l’environnement, de la qualité de vie et de la santé des citoyens! En août 2014, devant le spectre d’une mine à ciel ouvert chez eux, les citoyens de Granada (en périphérie de Rouyn) ont formé le Comité de vigilance de Granada en réaction au projet Golde Bullion. À 100 kilomètres de Malartic, conscients des impacts potentiels de la mine sur leur vie, les citoyens ont voulu faire savoir à la minière qu’elle n’était pas la bienvenue. La mobilisation s’est alors organisée.
À l’été 2014, Osisko devient la Canadian Malartic à la suite de la vente de celle-ci à deux nouveaux actionnaires partenaires, Yamana et Agnico Eagle. Osisko avait déjà prévu l’expansion de son site minier et les nouveaux propriétaires ont décidé d’aller de l’avant avec ce projet. L’expansion de l’étendue de la fosse a ainsi doublé et a obligé le déplacement de la route 117 qui correspond à la rue Royale dans la ville de Malartic.
Forts de cinq ans de mobilisation, forts des résultats d’une étude de l’Institut national de santé publique du Québec portant sur les impacts psychosociaux de ce projet minier, forts des résultats d’une enquête sur la qualité de vie qui a été réalisée par la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue), forts des résultats d’un sondage mené auprès des citoyens par l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue sur l’expansion du projet Canadian et le détournement de la route 117, forts des batailles faites par le Comité de vigilance de Malartic et de celles du Regroupement des citoyens du quartier sud, un nouveau groupe imposant de citoyens a vu le jour à Malartic en janvier 2015. Le Comité de citoyens – Zone Sud de la voie ferrée, non seulement entend se préparer pour le prochain BAPE, mais réclame que cessent dès maintenant les inconvénients et les impacts dus à la minière.
Près de huit ans plus tard, malgré une lassitude certaine pour les pionniers de cette mobilisation, on peut constater qu’elle est toujours vivante. Certes, de nouveaux projets miniers voient le jour, mais aussi de nouveaux citoyens se lèvent, prêts à s’engager pour faire valoir leur droit à la qualité de vie et à la santé et leurs droits économiques. Ils disent oui au développement minier, oui à des emplois, mais pas obligatoirement. S’ils ne sont pas acceptables aux plans social, économique et environnemental, ils veulent avoir le droit de dire non. Un réseautage de solidarité et d’information a vu le jour au cours des dernières années, et risque de prendre de l’ampleur dans la conjoncture politique actuelle.
En terminant, il serait souhaitable de voir les centaines de milliers de citoyens des grands centres du Québec tels que Montréal, Québec Trois-Rivières et Sherbrooke se faire entendre dans le dossier minier. La bataille que mènent les citoyens des régions minières leur appartient aussi, car il s’agit de nos ressources naturelles collectives non renouvelables. Cette exploitation ne rapporte rien aux Québécois et laisse aux générations futures des milliards en coûts de restauration et de véritables catastrophes environnementales. Les habitants des régions éloignées et minières n’entendent ni ne voient la solidarité de leurs concitoyens des zones urbaines. Voilà la mobilisation qu’il reste à faire, celle-là appartient au reste des régions du Québec. Avec un million de voix, on pourrait avancer tellement plus vite…