Par Farid Moussaoui
L’objectif de cette étude est de montrer que pour comprendre le mouvement des indignés qui s’est manifesté dans plusieurs villes du monde au cours de l’année 2011, l’analyse des mécanismes de diffusions qui sont intervenus lors du processus de transnationalisation du mouvement peut nous permettre de distinguer sa forme. En se dessinant dans plus de 80 pays et plus de 1000 villes à travers le monde, le mouvement des indignés a été présenté tant par les experts que par les critiques comme UN mouvement de portée mondiale et d’envergure historique. Cette conception ne permet pas d’analyser le mouvement et s’affranchit des réalités sociologiques et organisationnelles projetant, de fait, une image simpliste et réductrice du mouvement des indignés Occupy.
La méthode utiliser pour analyser le mécanisme de diffusion consiste tout d’abord à concevoir la transnationalisation comme une pratique de l’action collective. Pour cela nous avons retenu l’approche de Sydney Tarrow et ses mécanismes relationnels, non relationnels et médiant. Ceci sera renforcé par une analyse de contenus notamment presse, site, forum, vidéo. Afin de rendre plus pertinent cette étude il est nécessaire d’inclure des analyses de terrains, dans ce cadre, nous avons rencontré des militants qui ont participé aux mouvements et pour inclure une observation participante, nous avons rejoint le groupe Occupy Montréal. L’analyse porte de mai 2011 à février 2012. Pour l’analyse de contenus, nous avons accordé une attention particulière aux États-Unis, l’Espagne, et la France. En ce qui concerne l’enquête de terrain la ville de Montréal a fait l’objet de notre concentration.
Aprés avoir fait un bilan de la littérature sur le sujet, nous présentons le contexte d’émergence du mouvement. Une fois le contenu et les voix de diffusions examinés, nous avons remarqué que l’unanimisme de la presse n’en reflétait pas la pluralité du mouvement, qui sont en faites des mouvements. En analysant la mise en relation des discours des médias et les pratiques des militants indignés entre les différents sites du mouvement, il est possible de voir que des courants d’idées, des pratiques et des demandes qui influent sur l’action revendicative entre les différents sites sont crée, et permettent donc le partage d’une idée générale similaire, ou framing. Ces éléments facilitent la coordination entre les sites. Toutefois, le mouvement participe à la redéfinition de nombreux concepts notamment de la démocratie et surtout revêt une dimension virtuelle très importante. Ces mouvements devraient être vus d’avantages comme des arènes discursives citoyennes temporaires permettant la participation, plus que comme des mouvements sociaux ordinaires. La particularité est qu’ils créent une zone d’autonomie temporaire dans lesquelles tous les mécanismes de diffusion se retrouvent.
Conclusion : Nous avons analysé les mécanismes de diffusion afin de voir si la transnationalisation du mouvement des indignés est davantage la conséquence de pratiques utilisée par les militants de façon à diffuser le mouvement, ou bien si ce mouvement est apparu spontanément en raison du contexte d’injustice social et économique généralisé auquel font face tous les pays du monde. Ces mouvements sont construits par les acteurs et présentent une innovation comparée aux mouvements de 1968 ou 1999, car il permet une redéfinition des concepts de démocratie et d’espace. Mais aussi renforce la probabilité d’une société civile globale en émergences face aux dérives du système capitaliste.
Dans le cadre du cours de sociologie, classes sociales et mouvements sociaux nous proposent de réaliser une étude empirique du mouvement Indignés-Occupy. Ce mouvement commencer le 15 mai 2011 en Espagne sur la place Puerta Del Sol s’est diffusé à travers 80 pays dans plus de 1000 villes dans le monde. De toute évidence cette contestation s’inscrit dans un contexte plus large dont le printemps arabe et la crise financière mondiale constituent des éléments essentiels, cependant, notre étude se concentre sur la transnationalisation du mouvement des Indignés-Occupy de mai 2011 à février 2012. En effet, l’occupation de la place Tahrir en Égypte dans le cadre du printemps arabe désignait une cible directe : Moubarak. On remarque aussi que le contexte d’occupation au Caire est différent, la répression policière est accentuée et la violence fortement présente. Il y a néanmoins une influence importante des événements du Printemps arabe sur le mouvement des Indignés-Occupy dont nous ferons mention plus tard dans le travail, en tâchant de ne pas s’éloigner de notre objet d’étude.
Le mouvement des indignés prend ses racines en Europe ou le concept d’internationalisation qui se traduit par l’austérité vient nourrir l’exaspération. En décembre 2010, sous la pression de Bruxelles et des marchés financiers, le gouvernement socialiste espagnol de Luis Rodriguez Zapatero se voit contraint d’adopter une série de mesures d’austérité pour réduire le déficit public. Malgré la grève générale du 29 septembre 2010 et les contestations syndicales, l’année 2011 commence avec 4 millions de chômeurs en Espagne, dont 44% de moins de 25 ans. Le 15 mai 2011, l’exaspération face à la crise conduit les Espagnols sur la voie de l’indignation. Dispersés par la police le 16, ils reviennent le lendemain plus nombreux et s’installent. Ce qui touche au départ Madrid se propage très rapidement à plusieurs villes du pays tel que Barcelone, Carthagène, Valence. Le mouvement rassemble des individus de toutes classes, statuts et origines. Tous protestent contre les inégalités sociales et dénoncent les dérives du capitalisme. Assistant à la défaite du 22 mai du gouvernement socialiste, « los indignados » occuperont la place Puerta del Sol du 17 mai au 12 juin 2011 et continuera sous forme d’assemblées citoyennes et comité populaire dans les autres villes. Avec un large soutien de la population, la manifestation du 19 juin organisé par les indignés d’Espagne rassemble 200 000 personnes.
«Democracia real ya! Grecia también», depuis le 25 mai 2011, calqués sur le modèle espagnol, les indignés Grecs occupent la place Syndagma devant le parlement. il n’est pas étonnant après deux ans de récession de voir le mouvement émerger en Grèce, dont les facteurs communs (en plus austère) avec l’Espagne sont nombreux. La première manifestation du 26 mai rassemble 30 000 personnes, avec le même climat qu’en Espagne. Des gens de toutes strates sociales qui s’organisent avec là aussi une majorité de jeunes, et eux aussi réclament une « démocratie réelle, maintenant! ». Comme le mouvement espagnol, le mouvement est pacifique et apparaît de façon spontanée. Le mouvement se diffuse dans de nombreux pays d’Europe. En France, le mouvement peine à éclore, pourtant installés depuis le 19 mai place de la bastille en soutient aux peuples espagnols et Grecs, il reprend un nouveau souffle le 29 mai avec une manifestation de 3000 personnes. Même redynamiser avec l’occupation de la Défense (place des affaires) le mouvement aura une plus petite portée en France que dans les autres pays. On remarque que les revendications et les fonctionnements sont similaires.
Entre le 15 mai et le 15 octobre la diffusion du mouvement des Indignés va se faire de façon fulgurante. Touchant notamment l’Angleterre, l’Italie, la Belgique, le Portugal, mais aussi le Japon et Israël. Le mouvement va s’offrir une portée mondiale en plantant sa tente au Zuccotti Park à deux blocs de Wall Street le 17 septembre aux États-Unis. Des manifestations aussi au Canada à Toronto, Montréal, Ottawa, Vancouver, Edmonton, Calgary, Regina, Winnipeg et Moncton se joignant au mouvement en occupant symboliquement les places financières des villes. Le 15 octobre 2011 a d’ailleurs été la journée mondiale des indignés.
La revendication d’injustice est un phénomène constant. Toutes ces contestations qui se réclament d’une même mouvance présentent des similitudes et les connexions qui existent entre tous ces mouvements sont indéniables, c’est d’ailleurs l’union de tous ces mouvements qui font sa force. On retrouve cette unanimité dans le 99% de leurs slogans, relayés par les médias. Cette corrélation entre tous ces mouvements d’Indignés-Occupy tend vers la désignation d’un ou plusieurs ennemi(s) commun(s) (la finance mondiale, les banques. Nous considérons aussi pour cette analyse que le mouvement des indignés débuté en Europe et le mouvement Occupy qui s’impose en Amérique du Nord présentent des similitudes permettant d’effectuer une comparaison pertinente. Sans faire abstraction des différences, ces mouvements présentent une même logique d’action collective. Plusieurs éléments notamment, les tactiques utilisées (l’occupation, l’utilisation de l’art comme outils critique), la période et le contexte d’émergence (crisé économique et inégalités en hausse depuis 2008), les événements organisé au niveau mondial (les manifestations du 15 octobre dans 951 villes) et leurs cibles communes, nous laisse penser une continuité entre ces mouvements, c’est pourquoi nous choisirons d’utiliser le terme Indignés-Occupy comme qualificatif. Nous pouvons aussi souligner que Stephane Hessel dans son pamphlet « Indignez-vous » décrit l’indignation comme une étape, s’indigner est un stade, agir en est un autre. La diffusion des idées et des pratiques devient alors rouages essentiels dans la campagne que mène le mouvement social pour acquérir de l’empowerment, tout en redonnant à la solidarité transnationale un nouveau souffle.
À travers cette étude, il convient, comme le suggère Isabelle Sommier dans « Penser les mouvements sociaux : conflits sociaux et contestation dans les sociétés contemporaines» de délaisser la question des causalités du mouvement, pour s’attacher à son déroulement . Ainsi pour comprendre le mouvement transnational des Indignés-Occupy, examiner la diffusion des idées et des pratiques du mouvement peut se révéler être une démarche heuristique.
Pour se faire, il nous incombera dans une première partie de présenter la littérature qui attrait à la diffusion des mouvements sociaux pour cela nous commencerons par situé cette problématique dans un modèle théorique. Nous pourrons ainsi dégager des concepts et des outils afin de pouvoir réaliser une recherche empirique. Dans seconde partie, nous analyserons la transnationalisation du mouvement à partir des pistes offertes par Sydney Tarrow sur les questions de diffusion et de modularité de l’action collective. En mettant d’abord l’emphase sur les idées et les pratiques qui sont diffusées par les Indignés-Occupy. Nous verrons ensuite, comment c’est effectué cette transnationalisation selon les processus de diffusion: relationnel, non relationnel- et médiant. Enfin nous verrons quelles est l’impact de la diffusion du mouvement des indignés-Occupy sur la redéfinition des concepts de : pouvoir, démocratie et d’espace. Dans la conclusion nous verrons en quoi l’analyse de la diffusion peut nous aider à mieux définir ce mouvement en apparence unanime et ses particularités.
I: Littérature sur la diffusion des mouvements sociaux.
Il est nécessaire avant d’entamer notre analyse, de présenter la littérature qui fait référence au phénomène de diffusion. Le mouvement des indignés Occupy nous a été projeté par la presse et par les observateurs, comme un mouvement né de façon spontanée. La diffusion d’un mouvement social au-delà de l’échelle nationale est à la fois opportunités pour les protestataires et une menace pour les pouvoirs publics. Nous pouvons notamment citer en exemple le Printemps des peuples entre 1848 et 1850, et les nombreuses révoltes de 1968. Au départ des analyses le terme de « contagion » prévaut sur celui de « diffusion ». Dans les sciences sociales, les premières réflexions portent sur les émotions populaires perçues comme les formes les plus spontanées de l’action collective. C’est ainsi qu’à la fin du 19e siècle, la psychologie des foules de Gustave le Bon s’impose comme la référence dans les sciences sociales. Avec l’influence de la psychologie des foules, la question de la « contagion visuelle » dans la vie des espèces est initiée par Espinas à travers sa thèse sur les sociétés animales en 1876, thèse qui selon Sighele explique de façon adéquate la psychologie des foules . On peut également citer les travaux de Dan Sperber avec le « modèle de contagion des idées » (1996) montre que la communication ne se limite pas au transfert codé de « contenu » qui se répliquerait par simple décodage dans l’esprit du destinataire, il est nécessaire que le destinataire fasse appel à la mise en œuvre de capacités cognitives permettant d’inférer le vouloir dire du locuteur. D’autres auteurs tel que Tarde (distinction entre imitation et hérédité), et Le Bon, ont beaucoup mis l’emphase sur l’importance de « l’imitation » qui s’inscrit dans la « loi naturelle » de la répétition au fondement de la vie, « l’être social est imitateur par nature ». De ce point de vue là le phénomène social relève davantage de la contagion que de la raison. Ces auteurs insistent par ailleurs sur l’importance du nombre qui favorise la contagion mutuelle des émotions. En 1921, Freud avec la psychologie collective et l’analyse du moi rejoint Le Bon et Tarde sur la dilution de notre conscience individuelle en situation de foule, ainsi que la transformation d’un ensemble d’individus en « masse ». Selon Freud, ce qui maintient cette cohésion de la foule est l’amour existant entre l’individu-masse et le leader. Il y a donc de mécanisme pour Freud (la libido et la suggestion) la libido permet l’unité du groupe et la suggestion (mimesis : devenir identique, s’identifier à) stabilise la relation entre le meneur et la masse. Il est intéressant de voir les limites que peuvent rencontrer ces théories lorsqu’il s’agit d’expliquer des mouvements du type Indignés-Occupy, se revendiquant sans leader et dont la même forme de protestation apparaît dans des cultures dissemblables. Nous retiendrons cependant des théories de la foule deux idées qui peuvent apparaître dans cette analyse des Indignés-Occupy : la spontanéité, la contagion des émotions. Ces observations se retrouvent aussi dans les conceptions freudo-marxismes de « la masse », avec Adornot et « la culture de masse » notamment. Dans cette optique la contagion devient convergence sous la bannière des théories du « comportement collectif » portées par l’École de Chicago en 1980. Pour eux le comportement collectif peut amener un changement social. Parkset et Burgess (1969) soutiennent dans Introduction to the science of sociology qu’un comportement collectif novateur se fait en trois phases : agitation sociale, mouvement de masse, et transformations des institutions. Les travaux des Blumer peuvent également apportés une compréhension au mouvement des indignés, mais reste proche de la psychologie des foules, celui ci soutient qu’à l’origine d’un mouvement « circulaire» se trouve un état de malaise social résultant de changement culturel pouvant devenir source de frustration voir de redéfinition par l’individu de sa propre situation. L’injustice peut être considérée comme naturelle dès lors qu’elle est fondée sur des inégalités naturelles, mais lorsque ces inégalités sont le symptôme d’un modèle économique prédateur, l’injustice peut devenir insupportable au point de mener à l’indignation puis à des actions pour la combattre. C’est très exactement ce que l’on voit dans le cas des Indignés-Occupy. La précarisation de l’emploi est en hausse dans les pays développés, conséquences d’une concurrence internationale toujours plus féroce, la précarité touche de plus en plus une frange importante de la classe moyenne. C’est d’ailleurs par la communication et l’interaction entre les individus, rendus possibles par les évolutions de technologie de la communication et la mondialisation de l’information que les individus, ensemble, vont pouvoir donné du sens à leurs actions. Il va émerger une conscience de groupe (en l’occurrence les 99%), permettant, la sélection de valeurs dominantes, une identité, mais aussi un ennemi commun. En cela, l’unanimisme dans la « réaction circulaire » renvoie directement à l’imitation participant à l’émergence d’un esprit de corps. Smelser suivant la tradition structuro-fonctionnaliste soutient que les systèmes sociaux peuvent connaître des problèmes de fonctionnement désigné comme des « tensions structurelles ». Cette tension produit un mouvement collectif dans le cas où la croyance est généralisée et identifie un responsable de la situation, ainsi que des solutions. Dans le cas du mouvement des Indignés-Occupy, l’ennemi est la spéculation financière , perçu comme à l’origine des dérives économique et fer-de-lance du capitalisme prédateur (l’accumulation capitaliste non plus en termes de production de richesses, mais plutôt en termes de pouvoir de prédation du capitaliste sur la collectivité). La solution ou la ligne d’action choisie est principalement l’occupation et la création d’alternatives (crée c’est résister, résister c’est crée) . Nous pouvons ajouter dans notre état de la littérature sur la diffusion des mouvements sociaux l’apport de Turner et Killian en ce qui attrait de l’homogénéité de la foule, spécifiquement leur mise en garde contre « l’illusion de l’unanimisme ». Selon eux, la foule exprime différentes attitudes en raison de sa composition regroupant des individus hétéroclites dont la participation peut être motivée par des motifs divers et dont les actions et les réactions sont parfois différentes et divergentes. Toutefois, cette foule hétérogène devient un groupe par l’échange d’information, il s’agit de la théorie de la norme émergente (Turner et Kilian 1987). Après la logique de l’action collective d’Olson paru 1965 et l’introduction de la notion de « rationalité individuelle », les théories de collective behaviour dominante jusqu’en 1965 se verront éclipsées au profit de théorie s’appuyant sur l’individualisme stratégique. C’est justement l’ouvrage de McCarthy et Zald, The Trend of Social Movements in America: Professionalization and Resource Mobilization, paru en 1973 qui propulse les théories de la mobilisation des ressources au-devant de la scène. McAdam développe par la suite les travaux de Zald et McCarthy, donnant naissance à l’approche du processus politique avec la notion de « structure d’opportunité politique » compléter par la notion de « répertoire d’action » de Charles Tilly en 1978. Dans les années 1980, David Snow (influencé par les recherches de Turner et Killian) arguant qu’il faut aller au-delà des modèles d’analyses structurelles, développe «l’analyse de cadre». Snow insiste sur ce qu’il appelle le « constructionnisme social » , soit la prise en compte des motifs de participation et le processus de construction du sens dans laquelle les acteurs engagés dans la mobilisation collective participent. Par la suite, S. Tarrow élabore le modèle de « cycle de protestation» qui rend compte de l’intensification d’un conflit, de manière théorique et empirique (ex: analyse des épisodes contestataire parue dans la presse). On voit qu’une multitude de mécanismes et processus explicatif émergent, et se concentre dans l’approche du processus politique. En dépit de la compréhension des mouvements dans leurs contextes historiques, organisationnels et politiques, E. Armstrong et M. Bernstein critique les limite du processus politique, notamment en raison de la centralité de l’état comme source unique de pouvoir. Cette conception singulière des sources de pouvoir génère des concepts trop limités pour englober la diversité des mouvements sociaux qui ont pour objectif un changement d’ordre social. Ils proposent ainsi l’approche multi-institutionnel, avec une attention portée sur les rapports de domination. Dans le cas des indignés cette limite du processus politique se retrouve dans l’échec du gouvernement à agir pour le peuple face au monde de la finance. Avec un État non plus garant des libertés, droit et devoir, mais un État collecteur de rentes au service de la finance. C’est dans le paradigme de la contentious politics initié dans les années 1990 par McAdam, Tarrow, et Tilly que sont développé, formaliser et intégrer les principaux piliers conceptuels bâtit par les précédents paradigmes de l’action collective. Avec le développement des approches transnationales, les questions sur la diffusion vont se populariser. Les études sur la diffusion transnationales s’inspirent notamment de Diffusion of Innovation de Everett Roger, ouvrage définissant la diffusion comme un processus par lequel l’innovation est communiquée par certains canaux au fil du temps entre les membres d’un système social. Cette vision souvent vue comme essentialiste, va influencer les travaux de Tarrow et McAdam.
McAdam dissocie les mouvements « initiateurs », qui annoncent ou déclenche un cycle de mobilisation identifiable, des mouvements « suivistes », qui s’en inspire. En mettant l’emphase sur une dimension dynamique et relationnelle des mouvements sociaux, McAdam propose l’utilisation d’approche nouvelle telle que l’analyse des réseaux pour comprendre ces « mobilisations mimétique ». Dans l’analyse de McAdam et Rucht, « dissemination is only possible when structural similarity and institutional equivalence allow adopters to identify with transmitters. » Tarrow en revanche part du concept de cycle pour mettre l’emphase sur la modularité de l’action collective dès lors que le répertoire d’action collective (et l’innovation qu’il comporte) est repris par mimétisme dans des organisations plus traditionnelles ce qui permet leur diffusion et leurs acceptabilités social. Snow et Benford avec le concept de master frame qui agisse comme des schémas interprétatifs permettent l’adaptation d’un mouvement dans plusieurs sites. La contentious politics postule donc que la diffusion implique le transfert d’information le long de chaine d’interaction préétablie. Distinguant ainsi diffusion et courtage ou (brokerage), processus qui implique des transferts d’information qui dépendent de la liaison entre deux ou plusieurs sites non connectés au départ.
De ce constat, McAdam et Tarrow conclut que le conflit qui se répand par diffusion aura nécessairement une portée géographique et institutionnelle moins importante qu’un conflit qui se dissémine par courtage. La raison est que la diffusion suit les canaux interpersonnels de la vie quotidienne, d’où la proximité géographique des contestations, elle aura cependant des difficultés à transcender les interactions segmenter qui caractérisent la vie sociale. Au contraire, le courtage par définition, rassemble différents acteurs avec des cadres et des formes d’action qui traverse ses segmentations sociales. À partir de ce constat, nous pourrons observer les particularités du mouvement Occupy-Indignés.
La méthode que nous utiliserons se fonde sur les travaux menés par Tarrow. Celle ci est résumé par Givan, Roberts, et Soule et identifie un ensemble clair de questions analytiques sous-jacentes aux recherches sur la diffusion (1) what is being diffused, (2) how does diffusion occur, and (3) what is the impact of diffusion? Pour offrir un fondement empirique à notre recherche, la démarche de Tarrow guidera notre analyse sociologique et politique du mouvement Occupy-Indignés. Il propose dans la première partie (le what) d’examiner attentivement les cadres (ou rhétorique dominante), les demandes et les tactiques. Il souligne que les tactiques peuvent se diffuser non seulement à travers les frontières, mais aussi dans l’ensemble du spectre idéologique, d’un mouvement à l’autre. Pour la question du comment, Tarrow détail son modèle en identifiant des voix de diffusion : relationnel, non-relationnel ou par médiation.
Rappelons-le, il nous incombe donc dans ce travail, de comprendre le processus de transnationalisation du mouvement Occupy-Indignés. Ceci, dans le but de pouvoir préciser la nature, les particularités et les contours de ce mouvement aux frontières abstraites. Pour ce faire, nous examinerons dans un premier temps les idées les demandes et les pratiques imputables aux mouvements Indignés-Occupy issus de zones géographiques différentes. Ainsi, nous pourrons voir si l’on tend davantage vers une singularité ou une pluralité du mouvement. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux voix de diffusion afin de voir quels ont été les facteurs permettant cette large transnationalisation. L’occasion de faire ressortir l’aspect stratégique de la diffusion utilisé par les acteurs du mouvement plutôt que de se limiter à son aspect spontané. Enfin nous pourrons nous questionner sur la convergence des mouvements sociaux avec les nouveaux moyens de communication face à l’ère de la convergence des crises.
La diffusion du mouvement des indignés
Il y a moins d’un an de cela, nous voyons à travers plusieurs villes du monde des places publiques prises d’assaut par la population. Symbole de solidarité transnationale, le mouvement après avoir gagné Wall Street, se répand en moins d’une semaine dans plus de 1000 sites aux états unis, cette diffusion rapide au niveau international, est fulgurante à l’échelle nationale. Pas seulement aux États-Unis et en Europe. Chaque campagne organisée localement possède des demandes différentes ainsi que certaines particularités dont nous rendrons compte, mais toutes adoptent l’appellation « occupy », toutes s’organisent en comités de travail comme nous pouvons le voir à Wall Street ou à la Puerta del sol. La diffusion des idées de ce mouvement a emprunté des canaux indirects. En revanche d’autres idées ont été diffusées le long de canaux de transmission déjà établie dans des réseaux organisationnels.
1. Diffusion de quoi ? : Idées et Pratique:
Nous examinons d’abord les différents éléments qui se sont diffusé dans le mouvement Occupy. La dimension unanimiste du mouvement est possible en raison d’un certain nombre de caractéristiques communes entre différents sites. Nous avons suite à nos recherches segmenter les éléments diffusé en trois catégories. Dans cette première partie, il nous incombe donc faire ressortir: (1) les idées ou rhétorique du mouvement (2) les demandes (3) puis enfin les tactiques (ou pratiques) diffusées. Pour réaliser cette étape, nous utiliserons notamment les méthodes d’analyse du discours, analyse de contenu ainsi que les résultats tirés de notre observation participante au sein de Occupy Montréal.
L’analyse de contenu permet de décrire, synthétiser et organiser le contenu de tous les supports de communication : journaux, radio, télévision, film, etc. La démarche opératoire consiste à classer les éléments composant une communication selon une grille d’analyse ou une série de catégories en fonction d’une problématique. Elle produit des connaissances en établissant la fréquence des occurrences de ces divers éléments dans chaque catégorie.
a- Idée- rhétorique:
Rendre compte de l’idée générale du mouvement revient à rendre compte du master frame dans lequel s’insère le mouvement. Il s’agit de la structure de pensée que nous utilisons tous les jours, notre façon de concevoir le monde. Le sens que nous attribuons aux mots, au discours ou à nos actes dépend en grande partie de ces cadres. Ce concept utilisé par Snow et Benford pour expliquer le processus des mouvements sociaux, montre que les mouvements sont porteurs de croyance et d’idéologies. Bien sûr il s’agit d’une construction sociale, mais elle fait partie du processus de construction du sens pour les participants et les opposants. Le mouvement réussit son cadrage lorsque le cadre qu’il projette trouve une résonance chez ces opposants et participant, c’est le frame alignement . Dans un mouvement aussi large que celui des Indignés-Occupy, nous avons remarqué que ceux qui participent à la construction de ce frame sont des médias, des personnalités, et les militants du mouvement.
Nous avons commencé par voir comment le mouvement participait au processus de construction du sens. Nous pouvons par ailleurs soutenir la pertinence de notre démarche en mentionnant que dans un article George Lakoff , intellectuel de renom, confirmait son appui au mouvement Occupy Wall Street et reconnaissait « I was asked weeks ago by some in the Occupy Wall Street movement to make suggestions for how to frame the movement. » . Ceci montre bien que le cadrage est un processus qui s’effectue avec un nombre d’acteurs variables. Nous pouvons par ailleurs souligner que selon Lakoff, le cadrage est une forme d’entreprise morale qui définit l’individu dans le mouvement.
Le cadre dans lequel se place le mouvement est résumé dans le slogan 1% vs 99%. Dans cette vision, 1% de privilégiés s’opposent au 99% restant de la société. Nous avons retenu un corpus de site officiel d’Occupy : Wall street, Montréal, et Occupy France . Afin de relever les thèmes récurrents, nous avons analysé la rubrique « à propos » de chaque site . Nous avons découvert que certains mots clés ou thèmes revenaient souvent. Ainsi tous se présentent comme les 99% du peuple menacé par les 1%. Cette minorité sont les plus riches de notre planète, corrompue, ils favorisent l’injustice économique et sociale ce qui à pour effet de crée un désenchantement politique. Un autre slogan des indignados en Espagne abonde dans le même sens d’un tout contre une partie « No somos antisistema, el sistema es anti-nosotros ». Leurs visions induisent un rapport de domination à l’échelle mondiale, dont le maître est le monde de la finance. De ce constat, les occupyers, sans appartenance politique ni syndicale, propose un changement majeur par une révolution globale et sans violence. Changement possible que par une participation massive de la population, une mobilisation démocratique. La popularité de l’Hashtag sur le réseau social Twitter intitulé : « United for Globalchange » résume bien cette union pour le changement.
Le mouvement Indignés-Occupy propose une vision progressiste de la démocratie, ce qui s’oppose avec la vision conservatrice de la démocratie. La première met de l’avant une responsabilité sociale, tandis que l’autre favorise la responsabilité individuelle. C’est d’ailleurs par cette critique du système et du marché que le mouvement a pu être comparée par certains médias aux États-Unis au Tea party de la gauche .
L’idée générale peut se résumer en deux éléments majeurs : une démocratie réelle et le rejet d’un système moral établi, mais en déclin, qui se manifeste dans le capitalisme financier. C’est donc cette conception du monde ( que le 1% vs 99% caractérise) qui va traverser les frontières.
Nous devons nous arrêter sur ce slogan qui a participé à la popularité et au succès de diffusion du mouvement. Son efficacité réside dans l’unanimisme qu’il renvoie. Ce slogan a été repris partout dans le monde. En faisant un parallèle avec les méthodes d’analyse du discours politique, nous pouvons rappeler que l’une des règles est que le vocabulaire choisi doit être simple pour faciliter la compréhension. En ce sens, le chiffre peut être vu comme une forme de langage universel. « Quand un message atteint une personne, il y a de fortes chances que cette personne soit déjà persuadée du bien-fondé de ce message » .
Pour analyser ce slogan, nous avons utilisé une analyse des images à partir de site de compilation d’image et recherche par mots clés. Nous avons retenu le site internet de photos « We are 99% » qui regroupe des photos publiées par des citoyens du monde entier. Alors que le 99% renvoie à un ensemble, on a pu remarquer que les 227 messages conjuguent le « je » et le « nous » ainsi que la situation et la revendication des personnes. Il est possible de voir que le « je suis les 99% » et le « nous sommes les 99% » sont tous deux utilisés.
Selon Michel Lussault cette conception rompt avec le holisme et l’homogénéité propre aux « classes », d’où l’adaptation du concept de lutte des places au mouvement des indignés.
L’observation participante que nous avons réalisée à occupy Montréal confirme cette perspective, qui se retrouve également dans la littérature qui compose la section « bibliothèque des peuples » de la zone d’occupation ou des ouvrages de littérature et de sciences sociales souvent de la pensée dite révolutionnaire et radicale se côtoient.
b-Les demandes :
Nous l’avons vu, le mouvement Indignés-Occupy unifie sa collectivité, met en place un cadre dominant de vision du monde qui transcendent les classes ou autres différences, qui se retrouve dans le 1-99% ou « Nous ne paierons pas votre crise !/ Nous sommes tous des Islandais ! » crié sur la puerta del sol . De ce cadre de pensée émergent des revendications. Dans la démarche de Tarrow, l’analyse des éléments diffusés lors d’un mouvement social transnational implique des demandes (ou claims). À la lumière de nos recherches, nous avons remarqué que l’une des principales critiques faites aux mouvements des indignés et occupy était l’absence de revendication précise.
Étant un mouvement d’ampleur transnationale, il à été possible de diviser les demandes en deux catégories à travers lesquelles il peut y avoir transitivité, des demandes générales et d’autres plus particulières. Nous avons donc examiné les demandes formulées au niveau local, ainsi que les demandes imputables au mouvement dans sont ensemble. Pour cela, nous avons sélectionné les demandes de trois mouvements d’occupations : Los Indignados, Occupy Wall Street, et Occupons Montréal.
Los Indignados Occupy Wall Street Occupons Montréal.
Abolition des lois injustes (loi Sinde, le plan bologne, lois electorales, loi contre les étrangers). Abroger l’arret citizen united rendu par la cours suprême (par un amendement à la constitution). HUMANITÉ : Développer le lien qui m’unit aux autres et chercher la valeur dans les relations humaines plutôt que dans les marchandises ;
Séparation de l’église et de l’État. Déplacer le taureau de Wall Street (symbole de force et pouvoir de Wall Street) ENVIRONNEMENT : Respecter les êtres vivants, leurs habitats et consommer de façon responsable ;
IIIe république pour en finir avec la monarchie annulation de la dette individuelle quelqu’en soit la forme (pour tous ou seulement les étudiants). CONNAISSANCE : M’éduquer et encourager l’échange des connaissances ;
Réformes fiscales:favoriser les bas revenus, davantage d’impôts pour les riches, instaurer la taxe Tobin, interdire la spéculation, nationaliser
les banques qui ont bénéficié d’aides publiques. Le financement par répartition des interventions militaires (pour que les guerres ne puissent pas se faire sans que le congrès n’accepte d’en financer directement chaque étape). RESPONSABILITÉ : Cultiver l’esprit de conciliation dans mes relations et communications avec les autres ;
Développer un réseau de transports publics. Gratuité des transports pour les chômeurs. la taxation des petites transactions financière (taxe Tobin) JUSTICE : Prendre la parole et agir pour dénoncer les injustices ;
Mesures contre la corruption politique. Le plein emploi; INCLUSION : M’ouvrir à la diversité des êtres et respecter les différences ;
Démocratie participative et directe: assemblées populaires par quartier, village, avec l’aide d’Internet. Consultations régulières du peuple par référendum. salaire ou revenu garanti (également décrit comme l’impôt négatif) TRANSPARENCE : Être intègre et ne pas accepter les mensonges et la corruption ;
Abolition de la précarité. Instauration d’un salaire minimal à 1200 euros. Des centres de soins universels SANTÉ : Prendre soin de moi ;
Environnement: arrêt de toutes les centrales nucléaires.
Au profit d’énergie durable. Le rétablissement du Glass Steagall act (réforme du système bancaire promulguée en 1933 et partiellement abrogée en 1980).
EMPATHIE : Reconnaître les sentiments des autres et en tenir compte ;
Réduire le budget militaire. Aucune intervention dans aucune guerre. Un congé maladie payé pour tous les américains.
HUMILITÉ : Reconnaître que je peux être dans l’erreur.
Récupération de la mémoire historique.Condamnation du franquisme Plus grande transparence politique en général. NON-VIOLENCE : Défendre mes valeurs avec dignité sans tomber dans le piège de l’oppression ;
On remarque que les demandes pour Occupy Wall Street et los indignados sont très contextualisé avec certaine revendication plus globale, en revanche pour Montréal, ces lignes d’orientation ou valeurs morales dominantes, sont la seule liste que nous ayons trouver concernant des claims. Les détracteurs du mouvement ont souvent dénoncé l’absence de revendication précise pour un mouvement de si grande ampleur. On peut d’ailleurs voir une différence entre les demandes d’Europe qui révèle une inquiétude plus grande concernant la protection des services publics (attaqué par les mesures d’austérités des institutions supranationales.) Une autre demande est d’abolir les privilèges que d’ombreux politiciens européens se sont arrogés. De l’autre coté nous avons le mouvement occupy Wall Street, qui critique du capitalisme financier avec exigence démocratique. En dépit de ces différences, on dénote tout de même des aspirations communes indéniables, mais surtout un global framework axé sur le changement.
Les propos de Lakoff sont également interessant : « I think it is a good thing that the occupation movement is not making specific policy demands. If it did, the movement would become about those demands. If the demands were not met, the movement would be seen as having failed. » Selon Jeffrey D. Sachs quatre causes directement reliées à l’économie nourrissent les revendications: un nombre important de jeunes diplômés au chômage ; le cout élevé des études et l’éducation post secondaire qui font que l’endettement est massif; des gouvernements corrompus non intéressés ont compensé les besoins causés par la mondialisation. Et enfin, l’effondrement de la bulle financière, la dérégulation qui a amené la corruption par les compagnies. Ceci à pour effet une protestation a résonance politique et économique tandis qu’en faisant le parallèle avec le printemps arabe on remarque que la cible est politique, l’État. George Lakoff précise à propos de demandes formulées par les mouvements Occupy, qu’il soit bon qu’elles ne soient pas spécifiques, car des demandes clairement exprimées offrent un point de départ critique au cas ou ces demandes n’aboutissent pas. Par ailleurs, il est frappant de constater que les demandes ne sont pas vraiment ciblées sur une demande de droits spécifiques, de conservation d’acquis ou de reconnaissance civile (comme on a connu lors du mouvement pour les droits civiques aux États Unis). Il s’agit plutôt d’exprimer ce que l’on pourrait nommer des demandes morales. Ils veulent que leurs États modifient leurs conceptions de la morale « It is easy to find useful policies; hundreds have been suggested. It is harder to find a moral focus and stick to it» . On voit donc que la morale occupe une place centrale dans la logique de ces mouvements.
Reprendre particularités demande de Montréal : est-ce une transcription des demandes locales présentent dans les autres lieux, mais sous forme de valeurs morales ? Peut-on voir dans cette évolution une maturation du mouvement ? Car si le but est un changement moral alors c’est en modifiant les valeurs dominantes de notre société que nous pouvons y arriver.
Reprendre idée générale partie : Il y à une même idée générale (toile de fond) qui surpasse ces demandes particulières. C’est sur cette idée de fond partagée qu’est bâtie l’image consensuelle du mouvement. C’est par une oppression généralisée du système que nait une volonté commune de participer au mouvement.
c- Les tactiques et stratégies:
Les mouvements Indignés-Occupy ont été présentés comme similaires en raison notamment des tactiques et stratégies utilisées par les participants. Dans le cadre de ce travail, nous avons du sélectionner un échantillon des pratiques utilisées par ces mouvements. Rendre compte de l’ensemble des actions utilisées aurait été trop ambitieux.
À Wall Street, Montréal, Londres et Madrid ont peut voir naître l’occupation d’une place symbolique. L’occupation est certainement l’action qui a été la plus médiatisée durant ces protestations. Ceci a pu également participer à la diffusion du mouvement à l’échelle internationale. Là encore nous pouvons nous reporter au cas égyptien de la place Tahrir qui marque le point d’initiation de cette action durant la période de contestation mondiale. Ainsi se pérennisent d’étranges assemblages, inédits, d’insolites campements urbains que l’on appellera Indignés en Europe et Occupy en Amérique du Nord. Ce sont ces occupations qui font la force du mouvement. En effet, on peut voir que l’espace est une véritable ressource, à partir de laquelle va pouvoir émerger un microcosme. Car la particularité du mouvement des Indignés-Occupy c’est sa capacité à transformer un espace public en une arène discursive citoyenne participative. Pourtant, l’occupation n’est pas une nouvelle pratique. Comme le pointe Javier Auyero dans son texte L’espace des luttes : Topographie des mobilisations collectives l’occupation de l’espace public est une pratique utilisée dans différente lutte «Pendant les années 1970, de façon comparable à ce qui se passe alors à Quito, à Lima, ou dans des dizaines d’autres villes d’Amérique latine, des milliers de familles iraniennes pauvres s’installent sur des terres, en exigeant ensuite de l’État des garanties de possession, l’accès aux services de base et que leurs habitations soient améliorées» . Nous pourrions également appliquer l’analyse faite par Bernstein et Armstrong avec l’hypothèse que «la société est composée de multiples espaces institutionnels potentiellement en contradiction les uns avec les autres» . L’utilisation de l’occupation permettrait ainsi l’émergence d’un nouvelle espace institutionnelle de revendications alternatives. Il y a donc une similarité et une singularité dans les méthodes d’utilisation de cette pratique par les mouvements Indignés-Occupy.
De ce modèle d’action vont se décliner d’autres pratiques et stratégies. On remarque par exemple une stratégie similaire dans les modes de fonctionnement du mouvement. Au regard des recherches effectuées sur les autres sites et notre observation au sein du mouvement Occupy Montréal, on peut voir que le campement s’organise de façon horizontale, il n’y à pas de hiérarchie. Dans chacun des camps se mettent en place des assemblées générales durant lesquelles chacun peut s’exprimer. La division au sein du mouvement en différent groupe de travail est également observable dans les différents endroits. On peut également noter que le consensus est central dans ce mode de fonctionnement. À Montréal comme à Wall Street, le consensus était préférable au vote. Un abécédaire sur le site de l’assemblée générale de OWS explique : «Le consensus est un processus de pensée créative. Lorsque nous votons, nous choisissons entre deux alternatives. Avec le consensus nous abordons un problème, prêtons attention à l’enthousiasme, aux idées et aux inquiétudes qu’il suscite, puis en faisons la synthèse avec une proposition qui sert au mieux le point de vue de chacun.» Pourtant, le mouvement rassemble des individus souvent très hétéroclites. D’après nos observations, il serait illusoire de croire que dans une telle diversité, une véritable unité de point de vue se retrouve dans toutes les prises de position de chacun des individus assemblés. Nous avons pu observer que l’utilisation de la technologie et des réseaux sociaux est également centrale dans l’organisation du mouvement, nous entrerons davantage dans ces questions dans la deuxième partie du travail.
Une autre pratique renforce l’idée d’une similarité entre ces mouvements, cette pratique a su profiter des technologies pour se diffuser rapidement et ainsi unifier d’avantages un mouvement géographiquement fragmenté. Il s’agit du langage des signes propres aux assemblées générales des campements. Grâce à notre observation participante, nous avons pu voir que des vidéos YouTube étaient partagés sur les réseaux sociaux Occupy afin d’apprendre et diffuser ces signes. Ces signes sont intéressants à analyser, grâce à eux le mouvement se dote de son propre langage. Il s’agit également d’une tactique visant à atteindre plus facilement un consensus. L’expression orale étant limitée à environ deux minutes par prise de parole le langage des signes permet de décoder l’opinion de l’assemblée afin de faire ressortir les idées auxquelles le plus de monde adhère. On observe par conséquent que des pratiques se diffusent rapidement grâce aux nouvelles technologies de communication, cela contribue à renforcer la singularité du mouvement. Pourtant si les pratiques sont similaires, ce n’est pas pour autant que ce mouvement ne soit pas en faites plusieurs mouvements. La notion de «répertoires d’actions» développés par Charles Tilly explique que ces répertoires sont façonnés en fonction de processus macro-structurel, par exemple, le capitalisme ou l’émergence de l’État. Comme ils répondent à des changements macro-structurels, ces répertoires se caractérisent par leurs modularités à travers les lieux et leurs transitivités au sein des secteurs d’activités dans lesquelles luttent les mouvements sociaux.
Au sein du mouvement des Indignés-Occupy, la similarité de pratiques utilisées qui renforce l’idée d’un mouvement singulier provient en partie du fait qu’elles sont issues d’un même répertoire d’action. Au vu des explications de Tilly et Tarrow et de notre observation participante, nous pouvons par ailleurs ajouter que le répertoire utilisé par les Indignés et Occupy dépend du même cadre macro-structurel que les mouvements anticapitalistes des années 2000. Cependant, j’insisterais sur le pluralisme de ce mouvement. Ces mouvements Occupy et Indignés sont pluriels, car ils dépendent aussi de contexte structurel national qui peuvent venir à modifier l’usage d’une pratique. Les différences entre les mouvements du Printemps arabe et celui des Indignés-Occupy dépendent en partie des formes de gouvernances, des possibilités d’expression et de l’usage des méthodes de répression. J’insisterais également sur l’aspect pluriels de ces mouvements en raison de leurs volontés -sous une appellation et des caractéristiques communes- de s’organiser en antenne locale afin d’être plus efficace. Ces mouvements ont également innové à travers la pratique de l’occupation qui selon moi est la pratique dans laquelle le mouvement se développe. Grâce à cette occupation, le mouvement réconcilie la distinction entre diffusion et courtage ce qui à mon sens favorise la diffusion géographique, institutionnelle et sociale. Tous les segments de la vie sociale se retrouvent dans un même espace que ces mouvements construisent justement pour cela. La contribution de deux processus que Tarrow avait identifiés amorce notre transition vers la deuxième partie de notre travail. L’internationalisation et la communication sous-tendent toute diffusion transnationale. Pour les mouvements Indignés-Occupy, on peut constater que l’internationalisation a créé des canaux de communications source d’opportunité pour les activistes, mais a également permis le développement d’un cadre institutionnel et informel dans lequel les activistes se retrouvent comme victimes du système. Ce cadre peut être vu comme une menace, mais aussi comme un moyen d’empowerement une fois qu’il est critiqué et partagé de façon massive. Ce que les nouvelles technologies de communication et d’informations nous permettent de faire.
2. Les voix de diffusion des mouvements Indignés-Occupy :
Nous l’avons vu, ces mouvements de contestation ce sont diffusés au niveau international d’une façon fulgurante. Les moyens de communication actuels ont permis de faire résonner l’impact d’une voix et d’en amplifier l’écho à chaque connexion. Pourtant l’une des particularités de ces mouvements et d’avoir su intégrer un ensemble important de technique et d’outils pour diffuser leur message, notamment par le biais du campement. En utilisant les mécanismes dégagés par Tarrow , nous allons pouvoir analyser les voix de diffusion de ces mouvements.
Le premier mécanisme, relational diffusion, un transfert d’informations entre des acteurs liés par un réseau de confiance, ayant une relation d’interactions préexistante qui va produire une émulation. Le second mécanisme, appelé non-relational diffusion, est celui par lequel l’émulation va être produite grâce aux médias de masse ou aux technologies de la communication. L’apprentissage qui mène à l’émulation se fait par le biais de canaux impersonnel. Le troisième mécanisme est celui de la mediated diffusion, dans ce mécanisme nous allons trouver des «courtiers» ou brokers par lesquelles l’émulation va être initiée, en faisant le pont entre les initiateurs et les suiveurs. Nous soutenons par ailleurs que la force des mouvements Indignés-Occupy est d’avoir su rassembler ces trois mécanismes de diffusion par l’usage de l’occupation d’une place symbolique.
En ce qui concerne le premier mécanisme, si la diffusion du mouvement a pu se faire dans de si nombreux pays, c’est parce qu’elle disposait d’un solide réseau préexistant de soutien. Que ce soit à travers les étudiants en échanges, les diasporas ou les liens familiaux, nous avons pu voir une émulation rapide de la part de cette population étudiante. Pour soutenir notre propos, nous pouvons mentionner un article paru sur Europe 1 montrant cette solidarité par les étudiants étrangers. Lors de notre observation participante, nous avons pu assister à un atelier sur l’art dans les manifestations. Les deux militantes qui en faisaient la présentation étaient étudiantes étrangères espagnole et chilienne. Lors de cet atelier elles ont eu l’occasion de nous présenter sur support vidéo les enjeux défendus par les étudiants et leurs façons d’utiliser l’art pour dénoncer. On peut également souligner qu’en choisissant la technique de l’occupation dans l’espace public, ces mouvements ont su faire émerger une arène dans laquelle l’importance accordée aux échanges relationnelle à favorisé ce que l’on désigne comme l’attribution de similarité. Les campements ont également pris place dans des lieux très touristiques, ce qui a pu contribuer à la diffusion relationnelle dans d’autres endroits par la suite. Katz et Lazarsfeld ont montré que la persuasion ne résultait pas du contact direct avec l’information, mais qu’elle était le résultat d’un processus de médiation, qu’elle s’effectuait beaucoup plus à travers un réseau d’influence interpersonnelle. Il y aurait deux étapes dans le processus de persuasion : d’abord un transfert d’informations des médias vers les personnes influentes et ensuite un transfert d’influence de celles-ci vers le grand public. Il y a donc un système de relais qui sert à l’interprétation et à l’acceptation du message. L’influence réelle reviendrait aux leaders d’opinion dispersés à travers les multiples groupes d’appartenance. La clé de l’influence ne serait donc pas la propriété des médias et le contrôle sur le contenu de l’information, mais le bouche à oreille. Les citoyens seraient surtout influencés par des personnes avec lesquelles elles sont en contact fréquent.
La diffusion non relationnelle est probablement celle qui a le plus contribué à diffuser le mouvement. Dans ce mécanisme nous avons par exemple des livres tels que l’ouvrage de Stéphane Hessel, Indignez-vous, qui a été perçu en Europe comme le tremplin du mouvement. Aussi pouvons-nous voir dans ce type de livre, un autre mécanisme qu’est celui de la Théorisation. Selon Tarrow les journaux et les pamphlets qui théorisaient la révolution américaine ont connu un réel succès au niveau des ventes en 1770 , le livre de Stephane Hessel s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires. Selon Strange et Meyer la théorisation est de donner un sens au monde, elle facilite la diffusion non relationnelle. De l’autre coté, nous ne pouvons plus sous estimés la puissance des médias de masse comme l’a prouvé Orson Wells en 1938. On peut toutefois différencier internet des autres médias. Souvent, la presse et la télévision se sont montrées critiques des mouvements d’Indignés-Occupy, ce qui ne facilitait pas l’attribution de similarités. En revanche, l’internet s’est particulièrement révélé efficace, au point de permettre à CUTV, la télé étudiante de Concordia, de retransmettre plusieurs événements organisés au campement. Nous avons pu voir des milliers de groupes de soutient aux Indignés-Ocupy se crée et se mettre en réseaux pour permettre des actions d’envergure telle «la journée mondiale des Indgnés». Nous pouvons aussi nous rappeler cette vidéo d’un soldat américain revenu d’Afghanistan s’insurgeant face aux policiers et prenant la défense des militants en voyant la répression dont ils sont victimes . Les possibilités de produire une émulation sont multipliées par l’usage des technologies portables et sans fil. Il aurait par exemple été intéressant de voir en quoi la fracture numérique a pu limiter la portée du mouvement. Rappelons qu’au Moyen-Orient les révolutions ont rapidement conduit à un contrôle intense d’internet par le gouvernement.
La diffusion médiante réside selon moi et avant tout dans des acteurs individuels, des personnalités qui vont participer à la théorisation en écrivant sur le sujet et à sa diffusion en se rendant dans différents lieux d’occupation. Cela peut être aussi des personnages politiques qui vont par leurs déclarations faire le lien entre différents espaces. Pour les premiers, nous pouvons penser à Slavoj Zizek, Naomie Klein qui sont des figures importantes d’une élite intellectuelle. Au niveau des personnages politiques Barack Obama, Claude Trichet ou Mario Draggui ont salué l’émergence de ces mouvements même s’il ne pouvait pas les encourages à poursuivre. Ces trois personnages politiques font partie de la branche des pro-régulateurs de la finance. Une fois de plus la stratégie de l’occupation s’avère utile pour ce mode de diffusion. Grâce au campement, aux activités et aux groupes de travail il est facile d’augmenter la densité des relations sociales. Nous pourrions dire que le campement est un lieu d’apprentissage et de formations. À Occupy Wall Street les résultats produits (compte rendu, prospectus et affiches) étaient traduits en sept langues différentes y compris le langage des signes. Cette diffusion médiante s’observe également au niveau national, échelle à laquelle les occupations se propagent comme une épidémie.
Si l’on observe entre les idées, les demandes et les pratiques quelles ont été les voix de diffusion les plus utilisées, on remarque que la voie non relationnelle a particulièrement été efficace. C’est ce qui nous pousse à considérer l’espace virtuel comme un enjeu décisif dans l’avenir des mouvements sociaux. On avait parlé de l’œuvre de Stephane Hessel et du mécanisme de théorisation, on voit qu’aux États-Unis un pamphlet équivalent de l’auteur David Graeber appelé “Debt: The First 5,000 Years”. Ceci contredirait l’un des constats posés par Tarrow et McAdam affirmant que le conflit qui se répand par diffusion aura nécessairement une portée géographique et institutionnelle moins importante qu’un conflit qui se dissémine par courtage.
Grâce à l’analyse des mécanismes de diffusion, on peut observer la particularité des mouvements Indignés-Occupy qui ont fait la force de diffusion de cette déferlante protestataire. L’occupation crée ce que l’on pourrait appeler une zone d’autonomie temporaire qui permet de développer du capital social. Une zone d’autonomie populaire et citoyenne dans laquelle se retrouve de personnes issues de milieux divers, de tous âges et de toutes classes qui souhaite ensemble de trouver des solutions pour renverser le rapport de domination entretenue avec le monde de la finance. Une zone créatrice de liens de confiances et d’acquisition de connaissances théorique et pratique. Comme le soulignait Alexander Cockburn , contrairement aux mouvements de 1968 ou les participants étaient des étudiants résistants isolés dans la grande nuit de l’autosatisfaction américaine. Les mouvements Occupy représentent les 99% de leurs compatriotes. Si le mouvement a pris autant d’ampleur en Amérique du Nord c’est certainement qu’en cinquante ans, le capitalisme s’est financiarisé à l’extrême et le néolibéralisme a fait une plus grande majorité d’exclus. La finance n’a plus en 2010 que des dettes à offrir à ceux qui ont suivi les règles du jeu. Ainsi, dans un contexte de crise les mouvements Indignés-Occupy parviennent à développer une plateforme, transposable dans différentes places et dans laquelle tous les mécanismes de diffusions se retrouvent sans distinction. Le mode de fonctionnement favorise non plus un modèle social compétitif, mais coopératif. Cette partie montre l’intervention de mécanismes de diffusion dans le processus de transnationalisation, délégitimant ainsi la thèse des médias présentant un mouvement apparu spontanément. Par conséquent, si nous pensons en termes de stratégie de transnationalisation, nous pouvons nous demander quelle est la place accordée aux relations de pouvoir à l’intérieur du mouvement, mais aussi nous questionner sur une possible convergence des mouvements sociaux.
3. Conclusion : Quels impacts ?
De par sa durée (plus de deux mois), de par sa forme (les occupations de lieux publics, la désobéissance civique) et de par ses cibles (les grandes entreprises de la finance ou de l’industrie), ce mouvement revêt d’ores et déjà un caractère exceptionnel aux États-Unis, comme l’a souligné C. Geisst, un universitaire qui a écrit une histoire de Wall Street.
-The Wall Street Journal, October 20, 2011-
Il est certain que les mouvements des Indignés-Occupy garderont une place historique importante. Ces mouvements ont permis de constater l’exaspération des peuples faces aux crises infinies. Toutefois si ces mouvements renvoi l’image d’une organisation horizontale, l’observation participante nous a permis d’observer des relations de pouvoirs intrinsèque aux mouvements. Ainsi à Occupy Montréal, un groupe d’une dizaine d’étudiants se chargeait d’organiser les processus de décision, géraient des dons également. Des responsabilités que l’on se doit de questionner dans une organisation qui se veut horizontale. On peut notamment se demander dans quelles mesures ses relations de pouvoirs reproduisent à l’intérieur du mouvement des rapports sociaux inégalitaires. Je n’ai pas pu approfondir cette question suite à une prise de distance avec le mouvement.
L’impact de ces mouvements est multiple, cependant j’aimerais insister sur quelques points précis. Ces mouvements d’indignation sont novateurs et sont nécessaires dans l’évolution de la société. Selon moi, les mouvements des Indignés Occupy sont des arènes discursives temporaires pour le peuple. Dans une société où le politique est de plus en plus éloignés du citoyen, ces mouvements sont des outils d’expressivités. Ces mouvements participent selon moi à la redéfinition de certains concepts. L’espace est un concept à été redéfini par ces mouvements, notamment l’importance de l’espace virtuel dans le monde réel. Les Indignés-Occupy ont su restaurer les arènes ancestrales de la démocratie en plein milieu de l’espace public de façon temporaire. Mais juste assez pour planter une tente révolutionnaire dans l’esprit de chacun de nous.
Nous pouvons également soutenir que ces mouvements tentent de redéfinir le concept de démocratie, là est l’enjeu et telle est l’objet de la critique. La démocratie est de plus en plus répandue dans le monde, mais n’est pas réelle, scandent les activistes. Ce que nous avons, c’est une illusion nous disent les indignés, c’est donc avec le peuple dans l’espace public et avec des actions communes que ces mouvements tentent de trouver le meilleur fonctionnement démocratique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’horizontalité et le consensus sont des caractéristiques communes de ces mouvements. Cependant, n’oublions pas les relations de pouvoirs et la subjectivité des acteurs. Le consensus à des vertus considérables, mais il à aussi des défauts. Il favorise ceux qui peuvent passer beaucoup de temps dans les réunions. À moins d’être pratiqué avec un savoir-faire inhabituel, il peut accorder une attention excessive aux rebelles et aux perturbateurs. Si ces mouvements ont permis de remettre en questions des choses en apparence évidentes, il devrait en faire de même avec ses propres techniques, dont celle du consensus.
Pour conclure, je dirais que ces mouvements sont multiples, car ils relèvent de structures présentant des nuances importantes en dépit de leurs ressemblances, j’ajoute que cela aura une incidence sur la forme de l’action collective. On remarque également que ces mouvements ont une même idée générale en arrière-plan, qui est de redonner la démocratie au peuple et mettre fin aux inégalités économiques causées par le capitalisme.
Si ces mouvements ont réussi, c’est également en raison d’un contexte macro-structurel commun et ces externalités. Ainsi, la notion de crise prend tout son sens. D’autant plus qu’il n’y à pas une crise, mais plusieurs crises. Cette convergence des crises permet de faciliter le mécanisme d’attribution de similarités ou de frame alignement. Mais pour autant devrions-nous penser à une convergence des mouvements sociaux ?
Sans forcément aller jusqu’à parler de l’émergence d’une société civile mondiale, cette convergence montre le potentiel des populations à pouvoir s’organiser et s’unir pour une cause commune. Depuis les années 2000 les mouvements anticapitalistes se reproduisent, alors comment percevoir les Indignés-Occupy ? Si l’on conçoit le capitalisme comme un mouvement social alors les Indignés Occupy sont certainement selon une perspective néo gramscienne le contre-pouvoir le plus aboutit.
Je pense que les mouvements Indignés-Occupy sont des actions qu’il faut encourager, bien qu’ils ne soient pas parfaits, ils tentent de proposer des alternatives. Face à cette logique commerciale capitaliste et prédatrice qui se répand dans toutes les sphères du pouvoir et de la société. Cette logique qui fragmente nos sociétés et atomise les individus est en train d’être mise à nu par des actions menées par ce type de mouvement. Alors, oui il y à un contexte structurel globale qui intensifie les injustices et les inégalités, mais ce sont les actions des individus et leurs stratégies qui permettent d’établir un rapport de force. Au final c’est à la critique de retrouver sa place dans la société, il faut banaliser la critique. Pour cela, les Indignés-Occupy agissent comme une arène parfaite de vulgarisation, de conscientisation et d’actions. Cette arène n’est pas seulement le fruit spontané dû à la convergence des crises, mais il est dû aux actions d’individus qui construisent un rapport de force.
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Ressource vidéo :
Slavoj Zizek à Occupy wall street : http://www.youtube.com/watch?v=eu9BWlcRwPQ
Naomie Klein à Occupy Wall street : http://www.youtube.com/watch?v=gOX3VEYI72c