Isabelle le Royet

Par Michel Hallet

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– Dis Albert ! Viens voir par la fenêtre !
– Qu’est-ce qu’il y a encore ? C’est toujours la même chose. Tu es coincée à longueur de journée derrière ces carreaux pour surveiller tout le quartier.
– Mais, non ! Viens voir, c’est les flics chez la bourgeoise !
– Les flics ?
– Bien oui, si je te le dis !
– Bordel, c’est quoi ce truc ?
– J’en sais rien, mais tout à l’heure c’était les pompiers.
– Pourquoi tu l’as pas dit ?
– Je te l’ai dit, mais tu m’écoutes jamais !
– Cela doit être grave ce coup-ci ?
– Tu sais, rien d’étonnant avec la vie qu’elle mène !
– Mais tu n’en sais rien, des blablas, des blablas. Tu ne la connais pas et tu lui inventes sa vie.
– Tu ne vas pas me faire croire qu’il ne s’est rien passé ce coup-ci. Tiens regarde il y a un flic qui vient ici !
– Oh merde ! Qu’est- ce que tu as fait ?
– Rien, rien, comme si j’étais toujours coupable, tu m’emmerdes enfin !
– Eh bien range ta bouteille de pinard. Il n’y a pas besoin que ce type voie que tu picoles !

– Bonjour… brigadier Lafond. Nous faisons une petite enquête de voisinage sur votre voisine madame le Royet.
– Entrez, entrez ! Un peu plus loin s’il vous plait.
– Bonjour monsieur !
– Bonjour, assoyez-vous donc cinq minutes. Dis Tartine ! Amène du café ?
– Moi c’est Albert…pas Einstein, non Dubois plus simplement. Pourquoi cette visite Brigadier ?
– Routine, routine, c’est concernant Madame Le Royet pour connaître un peu sa vie de tous les jours.
– Mais pourquoi donc ?
– Je vous le dirai après !
– Un peu de café ?
– Oui sans sucre
– Avec une petite goutte ?
– Non merci. Alors que pouvez-vous me dire de votre voisine ?
– Une bonne femme biscornue, elle parlait à personne dans le quartier. On se demande bien pourquoi elle était venue s’enterrer ici.
– C’est vrai Tartine, la baraque est belle mais si près de ce lotissement, cela la dévalue.
– Enfin, elle recevait beaucoup, surtout le soir et toujours des mecs avec de belles bagnoles. Je ne sais pas, mais les voisins disent que c’est une pute. Vous savez les putes de luxes, les cover-girls je crois qu’on dit. Ou un truc dans ce genre-là.
– Et vous monsieur ?
– Vous savez, moi, je fais les trois huit et le reste du temps, je bosse dans cette maison. Les voisins je les laisse. Mais n’écoutez pas trop Tartine, elle raconte des conneries et avec les commères du quartier, elles habillent n’importe qui.
– C’est toi qui racontes des conneries. Il est surnommé l’ours dans le quartier, tellement il est aimable. Tout le quartier dit comme moi, ça doit être une pute. Quand tu vois la baraque et la bagnole qu’elle se paye, ce n’est pas en bossant dans en usine.
– Mais vous lui avez déjà parlé ?
– Non, non juste un bonjour…une fois il me semble.
– Et vous pouvez en déduite tout cela !
– Tu vois Tartine, tu ferais mieux de te taire de temps en temps. Pourquoi ne pas laisser cette bonne femme, de toute façon elle n’est pas de chez nous les ouvriers. Mais au fait Brigadier ! Qu’est-ce qu’il lui arrive ?
– Savez-vous ce qui s’est passé cette nuit ?
– Non, non, nous n’avons rien fait que dormir.
– Madame Le Royet s’est suicidée… à première vue.
– Suicidée ! Oh merde, et comment ?
– Pendue ! Pendue dans la cave ?
– Oh la vache ! Et pourquoi ?
– Nous ne le savons pas encore, mais nous pensons que son passé récent y est pour quelque chose. Nous cherchons à mieux la connaître pour confirmer que c’est bien un suicide. Vous savez dans notre métier, nous voyons tellement de situations bizarres, c’est la routine. Bon, on va passer chez votre voisin.
– Cela me la coupe, tout de même. C’était une belle gonzesse, très belle même.
– Arrête Tartine, ferme-la, tu en as déjà trop dit.
– Vous savez, cette dame a perdu son mari et son fils de cinq ans dans un accident de voiture il y a trois ans. C’est pour cela qu’elle est venue s’installer ici, tenter d’oublier un tant soit peu ses douleurs. Et puis madame Dubois ! Cette dame est couturière, tailleur de costume pour hommes fortunés, ce qui peut expliquer pourquoi ces visites d’hommes, apparemment si fortunés. Nous pensons même qu’elle n’a pas eu une seule aventure depuis le décès de son mari. Allez bonsoir madame, monsieur !

– Eh bien, tu te rends compte Albert ?
– Oui, je me rends compte que tu es une belle garce qui salit les gens que tu ne connais pas. Je suis même certain que cela ne t’empêchera même pas de roupiller ce soir.
– Et alors, je ne suis pour rien quand même si elle a perdu son gosse et son mec.
– C’est vrai, c’est vrai, mais tu vois, cette bonne femme est peut- être morte aussi de ton indifférence. Au lieu de la salir, tu aurais mieux fait d’aller discuter avec elle. C’est bien ce que vous faites dans le quartier pour les nouveaux habitants, non ?

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