Par Rose-Anne Saint-Paul
Comment le modèle néolibéral justifie l’accaparement – PDF
Cet article explore le phénomène de l’accaparement des terres à travers le prisme du modèle néolibéral. Il aborde la question de la valeur de la terre, qui n’a pas toujours été posé en termes de capital ou de productivité, mais dont la « valorisation », utilisée comme justification par le modèle néolibéral pour l’explosion des investissements fonciers à large échelle, écrase les agricultures paysannes et le pluralisme des approches foncières.
L’explosion des investissements fonciers à grande échelle ainsi que l’intérêt renouvelé du grand capital dans l’agriculture incarnent une nouvelle vague agressive à l’encontre de ceux qui résistent encore au moule néolibéral. En effet, l’accaparement des terres doit être analysé dans le contexte du paradigme économique dominant dont le désir de profit l’emporte sur les significations, utilisations et systèmes de gestion foncière enracinés dans le contexte local. Présenté comme des occasions de profits, l’accaparement provoque un changement de l’emploi du foncier ainsi que de ses ressources associées, d’une utilisation servant les besoins locaux vers une utilisation intégrée dans une approche à large échelle et intensive, tournée vers les circuits globaux de capitaux. Qu’est-ce qui a pu permettre un tel changement ?
Il a d’abord fallu que de puissants acteurs économiques adoptent une vision de la terre s’appuyant sur une conception mono-économique du monde écrasant les agricultures paysannes et le pluralisme des approches foncières. À travers le prisme néolibéral, la valorisation de terre n’est reliée qu’aux profits économiques qu’elle peut rapporter et sa mise en valeur est avant tout une action mercantiliste. En effet, le néolibéralisme est une théorie des pratiques économique et politique qui soutient que le bien-être de l’humanité peut être atteint par la maximisation des libertés entrepreneuriales dans un modèle institutionnel caractérisé par les droits de propriété, la liberté individuelle,
les marchés sans entraves et le libre-échange. Le résultat de ce nouveau modèle économique est une série d’évolutions comme la mondialisation de la concession des terres et l’industrialisation de l’agriculture. L’accaparement des terres agricoles vise ainsi à augmenter la production (de biocarburants, d’aliments ou autres matières) et l’extraction de profits à des fins de réserve, ou à spéculer sur la valeur des terres.
Ensuite, il a fallu que ces implications s’étendent à l’ensemble de la chaîne de production agricole. C’est ainsi qu’aujourd’hui, au-delà des conséquences économiques et de l’accaparement grandissant des terres, nous assistons « à la perte de sens des notions comme rural (en tant que milieu de vie autant que forme économique), paysan (comme type social constitutif d’une identité locale), agriculture (en tant que domaine d’activité aux limites franches), stabilité (comme horizon de la production et de la richesse, autant que du mode de travail et de vie) » (Chouquer, 2011). Cette manière de considérer l’agriculture – parce qu’elle est ancrée idéologiquement dans le paradigme néolibéral – ne touche donc pas seulement les moyens de production, mais le rôle des agriculteurs et leur mode de vie (Harvey, 2007). Les conséquences sociologiques négatives des accaparements de terres agricoles sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés rurales se font de plus en plus visibles. Ce type d’investissement n’est pas celui qui bénéficie à un développement rural dans l’intérêt des plus pauvres.
Valorisation des terres, dépréciation de la conception traditionnelle des terres et du mode de vie paysan
La notion de valorisation, telle qu’entendue par le paradigme néolibéral, modifie non seulement les modes de production, mais également le mode de vie et les conceptions traditionnelles de la terre des paysans touchés. Elle induit un changement fondamental dans la façon que l’agriculture et les terres agricoles sont perçues. Également soutenus par les États, par les entreprises et par les individus, ces investissements servent à la valorisation de terres des pays du Sud globalisé pour la production agricole et d’agrocarburants. La notion de mise en valeur ne conçoit la valeur de la terre qu’en termes de capital et de productivité. Le système économique néolibéral a entraîné la destruction à la fois des anciens modèles de pouvoirs institutionnels (comme la souveraineté de l’État sur les affaires politico-économiques) mais aussi la modification de la division du travail, des relations sociales, des provisions des fonds sociaux, des mélanges technologiques, des modes de vie, l’attachement à la terre, les désirs, les façons de penser et les préférences (Harvey, 2007). L’entreprise agro-alimentaire ou l’agro-industrie remplace l’agriculture des exploitations familiales, comprend l’ensemble des systèmes de productions agricoles et s’étend à toutes les entreprises qui fournissent des biens à l’agriculture (engrais, pesticides, machines) ainsi qu’à celles qui transforment les matières premières et les conditionnent en produits commercialisables. En ce sens, le secteur agro-industriel ne se limite pas aux seuls produits alimentaires, domaine exclusif au secteur agro-alimentaire, mais englobe aussi tous les secteurs parallèles de mise en marché des ressources naturelles (biocarburants, biomatériaux, cuirs, textiles, cosmétiques, etc.). Dans ce nouveau modèle économique, le contrôle de la production importe autant que celui de la terre elle-même. La terre n’est plus le référent principal, et le processus de production devient l’unique enjeu de la compétition (Chouquer, 2011).
Concrètement, ce changement a pour conséquences non seulement la perte des semences indigènes au profit de semences hybrides, mais aussi la disparition du patrimoine traditionnel. Celui-ci comprend les modes de production, les systèmes holistiques de création et d’échange du savoir et du transfert de connaissances de paysan à paysan et les liens sociaux. Ce qu’on appelle les Savoirs écologiques traditionnels (SET) – en anglais Traditional Ecological Knowledge (TEK) – sont des éléments importants dans l’utilisation des ressources naturelles par les communautés locales à travers le monde, mais sont également en voie de disparition. La perte généralisée de vocabulaire spécialisé, par exemple les noms des plantes, des animaux, des lieux et des discours associés à la terre et aux autres formes de vie, est un grand obstacle au transfert de ces savoirs (Nesheim et al., 2006). Au lieu de protéger cet héritage, les acteurs qui acquièrent des terres constatent la « sous-utilisation des terres », ce qui se traduit par l’absence d’agriculture intensive sur une surface donnée. En attribuant le qualificatif « inutilisées » ou « vierges » aux terres qu’ils convoitent, les entreprises et les États justifient d’emblée l’accaparement à des fins commerciales. Pourtant, les terres acquises ont servi une multitude de fonction à travers les âges, qui ne sauraient se limiter à leur potentiel de production intensive : pâturage, lieux de rites sacrés, espace de la biodiversité, etc. Sur ces terres « vierges », l’agrobusiness se traduit le plus souvent par la monoculture (ex : le palmier à huile ou le teck) qui est une source de destruction massive des écosystèmes. Cette forme d’agriculture est déjà remise en cause dans plusieurs pays occidentaux à cause de ses conséquences sur les changements climatiques (COPAGEN, 2009). Pire encore, la disparition des exploitations agricoles familiales au profit des unités d’exploitation massives, est une atteinte à la culture des communautés rurales dont les liens sociaux se brisent.
Cette perte de savoir est la résultante de la diffusion massive des règles du néolibéralisme dans le monde. Devenues des normes, elles sont établies par l’OMC, qui gouverne les échanges internationaux, et le FMI qui gouverne la finance internationale. Aujourd’hui, la manifestation du néolibéralisme est l’ouverture des marchés, la mobilité des capitaux et la délocalisation des transactions. Pour comprendre la pression commerciale sur les terres, il faut tenir compte de l’évolution qui la sous-tend, à savoir la financiarisation de l’activité agricole. L’accaparement des terres agricoles est facilité par différentes conditions : des capitaux mobiles, des entreprises internationales qui investissent en se redéployant sans cesse, des systèmes juridiques à deux ou même plusieurs vitesses, etc. (Chouquer, 2011). La terre, sous la forme marchande du foncier agricole, se trouve embarquée dans un processus plus général qui est l’entrée de la production agricole dans le marché néolibéral (Chouquer, 2011). Ainsi, les terres que les États hôtes concèdent aux entreprises s’inscrivent dans l’espace économique néolibéral et ne sont plus les terres dont les fruits sont collectifs à tous les habitants qui s’en réclament, et perd, à certains endroits, sa valeur symbolique. Cette délocalisation modélise la vie des populations : la virtualisation du rapport aux lieux permet de faciliter les transactions foncières, dès lors qu’elles sont considérées comme souples.
Chouquer souligne d’autres conditions moins évidentes de la délocalisation : des consommateurs lointains, indifférents aux conditions de production de ce qu’ils consomment ; des agriculteurs coupés du rapport à la terre et au lieu de production, devenus ouvriers d’un processus agricole ou d’élevage qu’ils ne contrôlent plus ; des habitants eux-mêmes privés de la relation au milieu qui était, jusqu’là, le leur. Ces conditions confirment et renforcent un système économique déjà dominant. Faire rentrer le paysan dans le système néolibéral, en le dépossédant de ce qui fait de lui un paysan (sa terre), et en lui offrant en échange un emploi (ou plutôt un emploi précaire, grâce auquel il pourra désormais consommer les aliments qu’il cultivait auparavant) est une des manifestations violentes du néolibéralisme. De même, les Charter Cities, ces villes nouvelles issues de la vente des terres, avantagent de nouveaux pans d’activité tels que l’aménagement rural de périmètres irrigués, mais aussi le lotissement urbain. Cette délocalisation provoque même un non-sens philosophique et politique, à savoir, l’appel des pays pauvres à l’aide alimentaire internationale, alors qu’ils exportent des matières premières agricoles dont la population aurait besoin. La logique néolibérale derrière l’accaparement des terres est donc circulaire. Il est difficile de mettre le doigt sur ce qui justifie les mesures néolibérales, mais aussi de comprendre l’ampleur de leurs conséquences, car les conditions (pauvreté, insécurité alimentaire, « sous-développement ») grâce auxquelles elles existent s’auto- perpétuent.
Les « nouvelles » politiques internationales de développement pour « nourrir le monde » : vieux vin néolibéral dans de nouvelles bouteilles
Utilisant le discours de la crise alimentaire mondiale, les Institutions Financières Internationales (IFI) comme la Banque Mondiale estiment que tout apport de capitaux extérieurs dans un pays endetté favorise son développement (Banque Mondiale, 2010). Les IFI soutiennent que les investissements privés dans l’agriculture contribuent au développement national et à la lutte contre la pauvreté. Ces conceptions ne sont pas sans rappeler les plans d’ajustement structurel (PAS) des années 1990, et leurs effets désastreux. À l’époque, ces politiques précipitées et indiscriminées de libéralisation commerciale et financière ont systématiquement affaibli la capacité productive des pays appliquant les politiques de la Banque et ont accru leur incapacité à créer de l’emploi (Houtart, 2002). La pauvreté s’est amplifiée à cause des taux prohibitifs des services essentiels. Six conclusions principales émergeaient du rapport de SAPRIN, paru en 2002. Notamment, les politiques de libéralisation, la diminution des aides publiques et l’affaiblissement de la demande de biens et de services locaux, ont dévasté les industries des pays étudiés, particulièrement les petites et moyennes entreprises qui fournissent la majeure partie de l’emploi. Le rapport de SAPRIN indiquait aussi que les réformes structurelles et sectorielles imposées par la Banque dans les secteurs agricole et minier, ont gravement altéré la viabilité des petits paysans, diminué la sécurité alimentaire et nui à l’environnement (SAPRIN, 2002). Les réformes ont entraîné l’importation d’aliments à bon marché, la suppression de l’aide à la production agricole, le retrait de l’État des activités d’aide technique, financière et commerciale ; encouragé l’exportation, accentué la marginalisation des petits fermiers et forcé ces derniers à surexploiter les ressources naturelles. Depuis, la concentration des terres pour les cultures d’exportation à grande échelle a eu pour effet l’abandon de la production d’aliments pour la consommation locale, ce qui a amené les petits agriculteurs à surexploiter les terres de qualité marginale et à précariser leurs moyens de subsistance (SAPRIN, 2002) .
De même que les PAS des années 90,les institutions financières internationales procèdent aujourd’hui à des réformes et à des encadrements de plus en plus sophistiqués. Le phénomène d’accaparement des terres est justement favorisé par un cadre global à la fois axé sur le capital et sur le discours de la suppression de l’insécurité alimentaire (voir Potvin, ce numéro). Les gouvernements des pays d’origine des investisseurs jouent un rôle intermédiaire, en fournissant un soutien diplomatique, financier et autre aux groupes privés. Par exemple, les groupes de discussion et de partenariat économique tels que le G8, qui regroupe huit pays parmi les grandes puissances économiques du monde (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et Russie) ont des politiques spécifiques au domaine foncier. Par exemple, les pays du G8 ont notamment adopté à l’été 2012, une « Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition », une initiative pour aider les pays africains, notamment, à « réduire l’insécurité alimentaire ». Cette initiative a pour but de venir en aide aux cinquante millions de personnes qui souffriront de la faim et de la malnutrition dans les dix prochaines années. Pour cela, les pays africains et le secteur privé se sont entendus pour prendre des engagements politiques et financiers que les partenaires techniques et financiers réalisent de façon conjointe (Sanfo, 2012). Il s’agit d’une initiative qui s’inscrit pleinement dans les travaux de l’Union africaine et de son Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). L’objectif affiché est d’accroître la production agricole par les investissements, l’amélioration des rendements, les nouvelles technologies et de sortir 50 millions d’Africains de la pauvreté dans les dix prochaines années. Outre le soutien au Global Agriculture and Food Security Program (GAFSP), pour sécuriser des financements sur trois ans à hauteur de 1,2 milliard de dollars, l’initiative compte sur les entreprises privées. Quelques 45 entreprises locales et multinationales auraient signé des lettres d’intention pour investir 3 milliards de dollars en Afrique. Parmi celles-ci, on retrouve les sociétés américaines Dupont, Cargill et Monsanto… (Agence Ecofin, 2012) La réponse de ces organisations à la crise alimentaire mondiale est directement liée à la demande en croissance rapide sur les marchés fonciers. Leur rôle est donc de créer un contexte favorable à l’investissement privé.
Si les réformes économiques des plans d’ajustement structurel n’ont pas donné les résultats escomptés, les IFI considèrent que cela est dû aux caractéristiques du lieu d’investissement (hauts fonctionnaires corrompus, conflits sociaux, cadre juridique, etc.) plutôt qu’aux caractéristiques néolibérales des réformes. Les arguments pour l’accaparement des terres s’ancrent dans la même idéologie qui n’a pas réussi à faire ses preuves dans le passé. Le scénario « bénéfique pour tous » de coexistence préconisée par les institutions financières internationales, reprend particulièrement ces réformes néolibérales. Les IFI assurent, par exemple, la fourniture de crédit sous la forme de prêts à risque plus élevé et d’instruments de couverture contre les risques des investissements privés dans les pays en développement. Ce scénario de cohabitation entre agro-industrie et agriculture à petite échelle est illusoire (voir aussi Delcourt, ce numéro) et largement contesté par les mouvements paysans. L’accaparement des terres s’inscrit dans l’industrialisation de l’agriculture avec la privatisation des terres et ce que cela implique.
L’articulation au niveau local
Le soutien du gouvernement national est un ingrédient essentiel de l’acquisition de terres (Cotula et Vermeulen, 2009). Certains gouvernements ont créé des fonds qui offrent des services financiers comme des subventions, des prêts bonifiés, des garanties et des assurances aux entreprises privées engagées dans les investissements à l’étranger (Cotula et Vermeulen, 2009). Ces investissements sont essentiellement axés sur le marché et ne contribuent pas forcément à la réalisation des objectifs en matière de souveraineté alimentaire (Castel et Kamara, 2009). On assiste à une absence de réflexion sur la façon dont la gestion de millions d’hectares par des investisseurs étrangers influence le mode de vie des exploitations familiales et mène à leur délocalisation. Ailleurs, l’arrivée d’entreprises agroalimentaires dans les pays en voie de développement a eu pour effet l’éviction d’agriculteurs indépendants hors de leurs terres ou la transformation de l’exploitation agricole de sorte que les agriculteurs y deviennent une classe de travailleurs (Daniel et Mittal, 2009). En novembre 2012, a eu lieu l’Agribusiness Forum à Dakar au Sénégal, au cours duquel le groupe « Activista » a manifesté pour dénoncer le phénomène de l’accaparement des terres (REWNI, 2012). Avec le thème « Stimuler l’agriculture en Afrique par des partenariats, des investissements et la technologie » (EMRC, 2012), l’AgriBusiness Forum réunissait des multinationales, des PME, des organisations d’agriculteurs, des partenaires financiers, des bailleurs de fonds, des chercheurs, des gouvernements, des agences de développement, des ONG et des consultants. Devant la luxueuse façade de l’hôtel King Fahd Palace où se réunissaient les participants, les jeunes manifestants dénonçaient le fait que l’agro-industrie était dans les mains d’une minorité d’étrangers et que les communautés locales avaient un accès restreint aux ressources naturelles. Ils critiquaient aussi le ministre de l’Agriculture et de l’Équipement rural Abdoulaye Baldé qui déclarait, à l’ouverture du Forum, que l’agrobusiness ne nuisait pas à l’exploitation agricole familiale. Mais cette position est catégoriquement rejetée par le mouvement « Activista » selon qui l’accaparement des terres porte atteinte aux droits humains et l’agrobusiness ne favorise pas les exploitations familiales mais reste plutôt entre les mains d’une minorité d’étrangers et des élites (Activista de Peuples Solidaires, 2013).
De même, le ministère de l’Agriculture indonésien a adopté en 2009 un règlement validant l’accaparement ou l’expropriation des terres, et donnant comme mandat à de puissants gens d’affaires locaux et étrangers de venir rivaliser avec les petits producteurs agricoles. Pour favoriser l’industrie alimentaire, le gouvernement indonésien a mis l’accent uniquement sur les intérêts des investisseurs en Indonésie. On peut estimer que ce programme immobilier de nourriture pourrait attirer les investisseurs étrangers, car il serait dès lors beaucoup plus facile de gérer et de posséder des terres en Indonésie. Selon la société civile indonésienne, ce système devient abusif car le rôle des agriculteurs indigènes se résume à celui de partenaires ou de main-d’œuvre pour les investisseurs et ce, même si le gouvernement soutient que cela créera des possibilités d’emploi, augmentera les recettes fiscales et générera des profits non fiscaux (Indonesian Peasants’ Union, 2009). Ainsi, les discours politiques globaux sont généralement adoptés par les gouvernements au niveau local. Il en résulte un climat favorable aux acteurs économiques – principalement les entreprises – qui souhaitent réaliser leurs projets. Le manque de soutien à l’agriculture familiale, et à l’opposé, l’appui aux entreprises multinationales, exercent une pression énorme sur les petits agriculteurs. Face à la situation, ils sont nombreux à vendre leurs terres, dans un acte de dernier recours puisqu’ils se retrouvent dès lors hors compétition.
Conclusion
Cet article aborde la question de la valeur de la terre qui n’a pas toujours été en termes de capital ou de productivité. Avant d’être considérées comme une valeur sûre d’investissement pour les bourses capitalistes, les terres arables du Sud, qui sont passées aux mains d’agents économiques divers, étaient utilisées par les communautés locales et les paysans. Les acteurs qui soutiennent l’idée que le développement passe par la croissance économique, et qui cherchent à maximiser leurs profits en investissant dans le foncier agricole, sont de par leur nature et leurs moyens d’agir, plus puissants que les acteurs qui s’y opposent. En effet, les politiques publiques participent largement à la marginalisation des petits agriculteurs, en facilitant l’accès aux terres par les grandes entreprises. Pourtant, certaines études prouvent que le système de production à petite échelle des exploitations familiales, peut aussi être concurrentiel dès lors qu’on le soutient. Les exploitations agricoles familiales pourraient être la solution au problème de souveraineté alimentaire si elles recevaient de l’aide gouvernementale. Bien que l’on puisse se demander si investir dans l’agrobusiness est un mal nécessaire pour créer de la richesse dont un petit pourcentage serait distribué aux plus pauvres, de quelle manière les gouvernements pourraient-ils investir dans l’agriculture à petite échelle pour un profit à long terme de nature différente ? La réponse à cette question doit s’articuler autour du constat – que la crise alimentaire a permis de faire – qu’il est important pour les peuples de ne pas dépendre de l’importation sur le plan alimentaire. Investir dans l’agro-industrie signifie nécessairement une perte du patrimoine et de connaissances traditionnelles, en plus de renforcer un système économique déjà très fort, en substituant les rôles de paysans à des emplois précaires.
Enfin, la compréhension du paradigme néolibéral est nécessaire parce que le rôle de l’État y est de créer et de préserver le modèle institutionnel approprié à ses pratiques. Il doit veiller à la qualité et l’intégrité de l’argent, assurer des fonctions militaires, de défense, de police et judiciaire pour sécuriser les droits de propriété et supporter ces marchés (Harvey, 2007). Il peut donc recourir à tous les moyens nécessaires pour protéger ses intérêts économiques et ce faisant, renforcer la marginalisation des plus pauvres.
Rose-Anne St-Paul est titulaire d’une maîtrise en Études internationales de l’Université de Montréal.
Références
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CHOUQUER G. (2011) Délocalisation et dys-localisation dans le foncier contemporain, dossier La ruée vers la terre, dansTranscontinentales, Sociétés, Idéologie, Système mondial, n° 10/11
COTULA, L. et VERMEULEN, S. (2009) Deal or no Deal: The Outlook for Agricultural Land Investment in Africa. International Affairs, Vol. 85, No. 6, pp. 1233- 1247
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NESHEIM, I., DHILLION S.S., STOLEN, K. A. (2006).What Happens to Traditional Knowledge and Use of Natural Resources When People Migrate? Human Ecology, Vol. 34, No. 1, pp. 99-131
SANFO, A. (2012) Sécurité alimentaire : vers une « Nouvelle alliance » entre le G8 et le Burkina Faso pour extraire 1,6 million de Burkinabés de la pauvreté. Source : RTB, consulté en ligne : http://www.hubrural.org/Securite-alimentaire-vers-une.html
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REWNI, novembre 2012. OUVERTURE « AGRIBUSINESS FORUM 2012 » « Activista » a manifesté contre l’accaparement des terres, consulté en ligne : http://www. rewmi.com/OUVERTURE-AGRIBUSINESS-FORUM-2012-Activista-a-manifeste- contre-l-accaparement-des-terres_a70916.html
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