Le beau risque génétique

Par Sylvain Charlebois

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Les organismes génétiquement modifiés (OGM) suscitent de l’intérêt partout dans le monde depuis maintenant plusieurs années. Ils provoquent et dérangent plusieurs. Les manipulations génétiques font naturellement peur et soulèvent de nombreuses questions en lien avec la sécurité alimentaire. Les produits ayant des ingrédients génétiquement modifiés sont-ils dangereux? Les consommateurs doivent-ils s’inquiéter? Sur la scène mondiale, doit-on miser sur le rôle des OGM pour aider les pays en voie de développement?

Dans tous les cas, que ce soit pour le soja résistant à un insecte ou pour les bœufs modifiés afin de croître plus rapidement, la manipulation génétique est du même ordre : on doit prendre un nouveau gène que l’on transfère à l’organisme que l’on veut modifier, ce qui lui confère une caractéristique qu’il n’avait pas auparavant. Voilà, simplement expliqué, ce qu’est un OGM.

Ce processus est différent de la technique classique de croisement des espèces. En fait, la grande distinction vient du fait que le gène à transférer peut provenir d’une espèce qui n’a absolument rien à voir avec celle qui va le recevoir. On peut ainsi produire des chats munis d’un gène de méduse, qui les rend fluorescents sous une certaine lumière, ce qui n’est évidemment pas possible par croisement classique. Et c’est d’ailleurs là tout l’intérêt de la technique de transgénèse : il est désormais possible de donner à une plante des caractéristiques qui n’existent pas encore dans la nature. Pour les groupes anti-OGM, c’est de la pollution génétique; pour d’autres, c’est de l’innovation fantastique.

Au Canada, les consommateurs ingèrent des OGM depuis 1994. Personne ne peut se vanter de n’avoir jamais englouti le moindre OGM. Ils sont partout. Ils se retrouvent dans plus de 70 % des produits que l’on achète à l’épicerie. Plus de 20 pays et 8,5 millions d’agriculteurs cultivent à présent des OGM. Clamer que les OGM sont néfastes pour la santé des consommateurs tient de la pure fantaisie. Aucune recherche scientifique homologuée par des groupes de chercheurs réputés ne démontre que les OGM représentent un risque pour la santé publique. Ce qui est bon ou nocif pour la santé, ce n’est pas le gène, c’est-à-dire l’ADN qui est détruit par la digestion, mais la façon dont les protéines synthétisées sont altérées par tel ou tel gène dans l’organisme mangé. C’est tout. Les recherches qui évoquent le contraire ont la plupart du temps une approche méthodologique facilement contestable et une portée scientifique limitée.

Certes, puisque les OGM sont au cœur d’un débat épineux au Canada, plusieurs, en lisant ces lignes, ne seront pas tout à fait d’accord. En substance, c’est une question d’opinion et de perception. En fonction des livres et des rapports que nous lisons, nos impressions à l’égard des OGM différeront. De plus, quelqu’un qui s’oppose moralement aux OGM sera naturellement porté à lire des rapports sympathiques à sa cause et à sa croyance.

 

Le débat d’un océan à l’autre

Au Canada, le débat sur les OGM ne soulève pas les passions. Même si différentes opinions s’affrontent, il est difficile de mobiliser des consommateurs autour d’un sujet aussi terne que celui des OGM. Par conséquent, afin de rallier ces derniers autour d’une même cause et d’influencer les hautes instances politiques de notre pays, les groupes anti-OGM ont du pain sur la planche.

D’une part, excepté en Colombie-Britannique et au Québec (et un peu en Ontario), ce débat est tout à fait négligeable. Rares sont les périodiques et les journaux qui informent le public sur les répercussions de cette technologie. À l’exception des consommateurs de ces deux provinces, plusieurs ignorent même ce que veut dire « OGM » ou son pendant anglophone « GMO ». Évidemment, l’affaire Percy Schmeiser, cet agriculteur de la Saskatchewan qui a affronté Monsanto jusqu’en Cour suprême, a fait couler beaucoup d’encre dans l’Ouest canadien à l’époque. Par contre, cette histoire était foncièrement liée aux méthodes de production céréalière, et non à une appréhension du risque alimentaire que représentent les OGM pour les consommateurs.

D’autre part, la science et la recherche scientifique ne favorisent pas vraiment la position des groupes d’écologistes. En considérant l’état actuel de la connaissance scientifique, le génie transgénique expose les consommateurs à un risque infime, moins important que les risques avérés d’autres produits utilisés actuellement (colorants, agents de conservation, pesticides, etc.) De plus, certaines recherches européennes et américaines suggèrent que les OGM et l’immunothérapie pourraient venir à bout des allergies alimentaires d’ici cinq à dix ans[i]. D’autres études estiment qu’ils peuvent aider à régler la problématique de la faim dans le monde. Les bienfaits des OGM sont réels.

Mais les craintes, quant à elles, persistent et sont aussi réelles. En effet, plusieurs recherches suggèrent que les OGM représentent des risques majeurs pour l’humanité. Certains affirment aussi que la consommation d’OGM crée un déséquilibre de la chaîne naturelle d’approvisionnement agroalimentaire et ils en concluent que les risques sont énormes. Mais, nous le répétons, ces affirmations sont sans fondement scientifique. D’autres craignent la « contamination » des cultures limitrophes par les OGM, par exemple des semences modifiées qui migrent dans un champ biologique. Mais la réalité est la suivante : la « contamination » des produits issus de l’agriculture biologique par les OGM est un faux problème. On ne voit pas comment un OGM considéré comme inoffensif à l’état pur pourrait être dangereux à l’état de traces. La peur perpétuée autour des OGM sert assurément les intérêts des vendeurs de produits biologiques, dont personne n’a par ailleurs pu prouver les bienfaits pour la santé humaine[ii].

Greenpeace et Friends of the Earth ont réalisé des campagnes anti-OGM à l’échelle mondiale qui ont eu des répercussions[iii]. Certains groupes ont tenté, à tort, d’influencer l’opinion publique à l’égard des OGM. On pense par exemple au reportage intitulé « Les OGM : l’étude qui accuse » de la défunte émission de télévision française 90 minutes. Ce reportage révélait que certains secrets commerciaux en biotechnologie étaient bien protégés[iv]. Même le prince Charles s’est mis de la partie en déclarant que les OGM pourraient provoquer le pire génocide de l’histoire de l’humanité[v].

Contrairement à ce qui se fait en Europe, cependant, les produits alimentaires contenant des OGM ne sont toujours pas signalés au Canada. D’ailleurs, depuis plusieurs années, les ministres de l’Agriculture se succèdent et indiquent que le gouvernement n’a pas l’intention de rendre obligatoire l’étiquetage des OGM, comme le réclament certains groupes écologistes et des associations de consommateurs.

En effet, de nombreux Canadiens estiment qu’il faut agir avec plus de prudence et qu’il faut indiquer la présence d’OGM sur les étiquettes de nos produits. L’Association des consommateurs du Canada (ACC) a rendu public un rapport intéressant sur ce sujet[vi]. Ce rapport précise que 9,1 Canadiens sur 10 désirent qu’Ottawa légifère plus sévèrement en matière d’étiquetage des OGM. Ce n’était pas la première et certainement pas la dernière fois qu’un groupe d’intérêts se penchait sur la question de l’étiquetage obligatoire des OGM. Plusieurs rapports ont étudié cette question ces dernières années. Par exemple, le Comité consultatif canadien sur la biotechnologie a déterminé que l’identification des OGM doit demeurer volontaire, malgré les pressions des groupes d’intérêts[vii].

CharleboisCela étant dit, nous devons d’abord et avant tout protéger les droits des consommateurs en leur offrant une transparence et un choix. La communication du risque n’est pas une relation à sens unique, mais plutôt un processus interactif d’échanges entre des individus, des groupes et des institutions. Cette dynamique de communication favorise la compréhension de phénomènes complexes, et le public, mieux informé, est ainsi plus sensibilisé aux risques réels, plutôt qu’influencé par ses peurs et les risques perçus.

Les OGM au Canada et dans le monde

Tout comme les États-Unis, le Canada est très actif dans le secteur des biotechnologies. Bien évidemment, c’est une industrie importante pour l’économie canadienne. Au Canada seulement, il s’est vendu pour plus de 400 millions de dollars de semences transgéniques en 2009, selon l’organisme CropLife Canada situé à Ottawa. C’est une grosse industrie[viii]. Aussi, une province comme le Québec investit énormément en biotechnologie. Autoriser l’utilisation d’OGM signifie donc beaucoup d’argent en recherche et des emplois supplémentaires, et empêcher l’étiquetage de ces ingrédients permet d’éviter la fuite des cerveaux qui, pour poursuivre leurs recherches, pourraient être tentés de s’installer dans d’autres pays plus laxistes envers les OGM, comme le Brésil et la Russie. De plus, une nouvelle réglementation sur l’étiquetage nécessiterait forcément l’adoption de nouvelles normes de traçabilité coûteuses, ce qui aurait probablement comme conséquence une augmentation du prix du panier d’épicerie pour le consommateur moyen.

Les politiques relatives aux OGM au Canada diffèrent de celles d’autres pays. Certains pays réglementent la transgénèse, soit le processus créatif pour en arriver à une nouvelle espèce de plante. Tout comme les États-Unis, le Canada réglemente plutôt le produit final. L’autorisation de mise en marché de plantes transgéniques n’a pas suscité l’élaboration de nouvelles structures au Canada, comme c’est le cas dans certains autres pays. La demande de permission est simplement faite à l’ACIA et à Santé Canada, qui font appel à une brigade de scientifiques afin d’évaluer la demande.

En matière d’étiquetage, le Canada laisse présentement à l’industrie alimentaire le choix d’indiquer ou non la présence d’OGM dans les produits commercialisés. La norme canadienne prévoit aussi qu’un aliment doit contenir moins de 5 % d’OGM pour s’afficher non transgénique. En fait, l’étiquetage des OGM soulève plusieurs questions fondamentales. Quel est le seuil acceptable pour les consommateurs : 0,9 % comme en Europe ou 5 %? Quel est le type d’étiquetage adéquat? Comment peut-on imposer cette nouvelle règle aux importateurs de façon efficace dans une économie aussi ouverte que la nôtre? Doit-on continuer à subventionner la recherche biotechnologique?

Actuellement, les règles d’étiquetage sont particulièrement loin d’être homogènes, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. Néanmoins, quelques instances législatives, notamment en Europe, ont déjà adopté des lois qui obligent les intervenants du milieu agroalimentaire à utiliser des étiquettes indiquant adéquatement la composition et l’origine des aliments. Assurément, ces réglementations ont mené à une éradication naturelle des produits génétiquement modifiés. Il est vrai que les mots « organismes génétiquement modifiés » ou « génie génétique » n’ont absolument rien d’appétissant. Ce n’est donc pas un hasard si les grandes entreprises de biotechnologie repoussent les efforts des différents gouvernements qui veulent adopter une réglementation d’étiquetage obligatoire au Canada.

Manifestement, le gouvernement canadien manque d’autorité et de ténacité en ce qui concerne la question de la réglementation des OGM, tant pour la détection que pour l’étiquetage. La responsabilité des producteurs d’OGM n’est aucunement régie. Une réglementation de mise en marché, à la suite de l’émission d’un brevet, doit nécessairement être mise en place. De plus, les droits des producteurs de grains organiques ne sont aucunement protégés; le gouvernement canadien doit s’assurer de les défendre.

Les OGM concernent plusieurs nations et chaque État essaie de gérer à sa façon ce phénomène, ce qui est peu commode. Ainsi, la biotechnologie a été accueillie à bras ouverts en Chine. Les Chinois, dont le territoire est surexploité en raison d’une population grandissante, s’y sont intéressés notamment à cause des bienfaits que cette récente technologie peut avoir sur l’environnement, comme un moins grand usage de pesticides.

Par contre, l’opposition aux OGM est omniprésente en Thaïlande. Comme ce pays est le plus grand exportateur de riz au monde, le gouvernement thaïlandais s’oppose aux OGM sous prétexte qu’ils peuvent menacer les parts de marché qu’il possède dans l’exportation de la céréale blanche. De plus, les plus fervents opposants asiatiques aux OGM avancent que les compagnies multinationales de biotechnologie se positionnent pour établir un monopole sur l’approvisionnement des grains de semence. Ils disent que cela relève d’un impérialisme génétique.

Les OGM mènent notre société moderne vers un débat planétaire et sans frontières. Dorénavant, les secteurs privé et public doivent agir de concert pour rassurer le groupe d’individus qui détient l’authentique pouvoir : les consommateurs. Ces derniers représentent le dernier maillon important de la chaîne alimentaire et ils méritent un meilleur système d’approvisionnement, ainsi qu’une saine gestion de l’industrie agroalimentaire.

Les consommateurs doivent être en mesure de faire des choix éclairés quant à leur nutrition. Il est essentiel que les produits alimentaires à base d’OGM soient clairement identifiés pour qu’ils puissent savoir ce qu’ils achètent. Cependant, le consommateur doit être informé, pas infantilisé. Surtout, le Canada doit continuer de s’impliquer dans le débat au sujet des OGM sur la scène internationale pour parfaire la cohésion entre chaque État influent. Nous avons tant fait pour cuirasser les droits des consommateurs lorsqu’ils se procurent une voiture, un bateau ou une maison. Ne doit-on pas faire la même chose pour la nourriture qu’ils ingèrent?

L’augmentation des prix des aliments, ces dernières années, a créé des remous importants partout dans le monde, surtout au sein des pays en voie de développement. Au Cameroun, des manifestants ont été tués et le gouvernement en Haïti a été renversé[ix]. Les pays en voie de développement sont vulnérables aux fluctuations économiques et politiques. Il existe peu de variables qu’ils peuvent contrôler. Le génie génétique représente une occasion pour eux de développer des façons de produire plus de biens agricoles avec moins de ressources. Les OGM ont ainsi le potentiel de protéger les citoyens de l’hémisphère sud contre la flambée des prix des aliments.

De nos jours, la recherche qui démontre que les OGM peuvent jouer un rôle important afin de contrer les effets pervers des changements climatiques et des fluctuations économiques est convaincante. En Europe, où le mouvement anti-OGM est le plus organisé, même les consommateurs commencent à le comprendre. Les mentalités changent. Certains experts prévoient que les méthodes traditionnelles de production agricole ne sont plus suffisantes. La population mondiale dépassera 9 milliards de personnes d’ici 2050 et le nombre total d’hectares de terres arables diminue, en raison de sécheresses ou d’épidémies d’insectes, par exemple[x]. L’érosion des sols est un facteur important aussi. Certaines recherches prévoient que les pays en voie de développement perdront 135 millions d’hectares de sols arables d’ici les 50 prochaines années[xi]. Pour nourrir, demain, 9 milliards d’habitants, nous avons absolument besoin d’une nouvelle « révolution doublement verte » comme nous l’avons vu en Chine et en Inde : productive et respectueuse des équilibres écologique et humain.

De plus, le contrôle des pestes et de la vermine est un enjeu crucial dans les pays en voie de développement. En raison d’un climat difficile, qui ne pardonne aucune erreur, ces pays ont besoin de plus de semences résistantes à ces menaces. Bien sûr, il existe des risques inhérents à la culture des OGM et il faut agir avec prudence. Mais, jusqu’à maintenant, l’industrie de la biotechnologie, une industrie qui, soit dit en passant, encourage pleinement une réglementation sévère, surveille la situation de très près. En effet, les dirigeants de cette industrie sont les derniers à vouloir gérer une catastrophe naturelle. À vrai dire, certains groupes doivent vraiment réfléchir aux coûts humanitaires de leur position anti-OGM. Les victimes de la faim sont des signes sans équivoque de l’échec du système actuel. La technologie existe pour améliorer la situation; pourquoi s’en priver?

Avec le débat des OGM, le rôle des multinationales a souvent été contesté. Certains disent que les OGM profiteront avant tout à quelques multinationales qui contrôleront la production des aliments grâce aux brevets déposés, en interdisant aux agriculteurs de ressemer les semences récoltées. Si deux ou trois multinationales possédaient les clés de l’alimentation mondiale, certains croient que ce serait un problème presque aussi grave que l’arme atomique.

Mais est-ce vraiment un pouvoir si immense? Les multinationales représentent le meilleur moyen pour rapprocher le Nord et le Sud et équilibrer le monde alimentaire. Elles peuvent en effet jouer un grand rôle dans les efforts pour rendre les productions plus salubres. Les gouvernements, eux, n’ont qu’un rôle très secondaire pour deux raisons élémentaires : la corruption et la bureaucratie. Une intervention de leur part peut prendre du temps et l’impact risque d’être insignifiant. Attendre après les législateurs pour agir est un non-sens. Toutefois, pour que les relations Nord-Sud évoluent, les multinationales doivent jouer un rôle, tout en étant encadrées et sans pour autant qu’on leur attribue trop de pouvoir économique. Il faut l’accepter ainsi. Sans quoi, l’abus de pouvoir de ces multinationales est plus que probable.

Le Canada, un pays riche, peut aider les pays pauvres grâce à ses connaissances biotechnologiques. La science a amélioré notre qualité de vie et les pays de l’hémisphère Sud ont aussi le droit d’en profiter. Avec les fluctuations économiques des dernières années, le contexte planétaire nous offre une occasion inouïe de développer une meilleure relation avec les pays moins nantis. Il est temps de développer des objectifs convergents entre les deux hémisphères, et le Canada peut faire la différence. La promotion des OGM offre au monde entier un espoir invraisemblable. C’est un beau risque que l’humanité doit courir.

L’étiquetage des OGM préservera la démocratisation de notre sécurité alimentaire au Canada. Paradoxalement, favoriser les OGM sauvegardera également la démocratisation de la sécurité alimentaire du globe. Entre nous, le temps est venu d’accepter qu’il soit socialement raisonnable de favoriser l’étiquetage des OGM tout en encourageant le génie génétique en agriculture.

Des OGM aux pesticides

Depuis une quinzaine d’années, le débat sur les OGM a évolué. Malgré tous leurs efforts, au Canada, les groupes anti-OGM ont du mal à convaincre la population du danger de ces organismes. Une étude de l’Université Laval concluait que les Canadiens sont davantage concernés par les contaminations potentielles de nourriture provenant de l’utilisation irresponsable de pesticides. Le débat entourant les pesticides gagne du terrain et les OGM tombent peu à peu aux oubliettes. C’est le nouveau « dada » des groupes environnementalistes. Leurs efforts, contrairement à ceux contre les OGM, semblent porter fruit. À n’en pas douter, le lobby pro-OGM n’a pas vu venir cette offensive.

Les provinces de l’Ontario et du Québec ont déjà des moratoires superficiels et symboliques à l’égard des pesticides. L’Ontario, dont le moratoire a débuté le 22 avril 2009, le jour de la Terre, est allée un peu plus loin en interdisant la vente et l’usage de plus de 80 ingrédients et 250 produits[xii]. Le Québec, quant à lui, restreint l’usage d’à peine 20 produits. L’Île-du-Prince-Édouard envisage de leur emboîter le pas. Les citadins sont de plus en plus inquiets. Ces provinces n’interdisent toujours pas l’utilisation des pesticides pour l’agriculture, mais plusieurs le souhaitent. Selon des groupes d’intérêts, les cultures deviennent résistantes à certains pesticides. Quand on sait que plus de 350 experts de Santé Canada étudient les effets des pesticides dans l’environnement, il est juste de croire que l’irrationalité domine présentement le débat. Les mouvements politiques l’emportent tranquillement sur la science.

Il est vrai de dire que les pesticides sont nocifs pour la santé. Il faut demeurer prudent à l’égard de l’utilisation de ces produits. Cependant, ils procurent des avantages à notre collectivité, même s’il n’est pas très courant de le clamer publiquement, puisque la mode est à l’interdiction. Partout, on semble détester les pesticides, mais les consommateurs adorent tout de même leurs bienfaits. Ils nous offrent des produits alimentaires comestibles et abordables. Les OGM pourraient bien être la solution au problème des pesticides. En effet, les nouvelles variétés d’OGM créées sont en elles-mêmes réfractaires à des maladies ou à des ravageurs. En les cultivant, on pourrait réduire l’usage des pesticides, voire se passer carrément d’eux. En réduisant l’utilisation de pesticides, les OGM répondent évidemment à la demande de la société pour une agriculture plus propre.

L’avenir des pesticides n’a jamais été aussi incertain. L’Europe, l’Australie, le Japon ainsi que l’Amérique du Nord se mobilisent tranquillement. Bien entendu, les groupes qui militent pour l’abolition des pesticides ont le vent dans les voiles. Ces groupes ont toutefois intérêt à faire attention à ce qu’ils souhaitent, car ils pourraient bien avoir gain de cause. Si c’est le cas, l’ensemble de la société risque d’en payer les frais. Les pesticides ont définitivement un rôle économique d’importance à jouer, même si la prudence est de mise afin d’assurer de la sécurité des aliments offerts à nos concitoyens.

Sylvain Charlebois est l’auteur du livre « Pas dans mon assiette: Manger est-il devenu risqué? » publié par les Voix Parallèles. Il est Vice Doyen et Professeur tiulaire au College of Management and Economics à l’Université de Guelph au Canada. De 2004 à 2010, il était membre de la Faculté d’Administration affiliée à l’Université de Regina en Saskatchewan. Il est l’un des plus éminents experts en politiques agroalimentaires et sécurité alimentaire au Canada. Sylvain Charlebois est aussi l’auteur de nombreuses publications scientifiques au Canada et à l’étranger. Originaire du Québec, il est titulaire d’un doctorat en marketing de l’Université de Sherbrooke.


[i] « Finies les allergies aux arachides », Bulletin des Agriculteurs, vol. 91, no 11, novembre 2008, p. 6.

[ii] Louis-Marie Houdebine. « Pourquoi tant de haine contre les OGM?  », L’humanité, 18 mai 2005, p. 18.

[iii] Geert Ritsema. « GM foods: the need for tightening the EU rules », Consumer Policy Review, vol. 16, no2, mars 2006, p. 52-56.

[iv] Stéphanie Bérubé. « OGM : un reportage fait fureur sur Internet », La Presse, 13 février 2007.

[v] Brian Hindo, with Joshua Schneyer in Rio de Janeiro. « Monsanto: Winning the Ground War : How the company turned the tide in the battle over genetically modified crops », Business Week, no 4063, décembre 2007, p. 34.

[vi] Julie Barlow. « Un hamburger relish mutant », L’Actualité, 1er août 2005, p. 32.

[vii] Améliorer la réglementation des aliments génétiquement modifiés et des autres aliments nouveaux au Canada : rapport (Janvier 2002).

[viii] « City Life, Crop Life set to converge in Montreal », Canada NewsWire, 16 September 2004, 1.

[ix] Javier Blas. « Warning of ‘food crunch’ with prices poised to rise », Financial Times, 26 janvier 2009, p. 5.

[x] Phil Lempert. « Grow the Food Supply, Save the World », Progressive Grocer, vol. 88, no 4, mai 2009, p. 38.

[xi] Per Pinstrup-Andersen, Anna Herforth, « Food Security: Achieving the Potential », Environment, vol. 50, no 5, 2008, p. 48-60.

[xii] « Lawn- and Tree- care industry caught between fact and fiction in Ontario’s Pesticide Ban », 20 Avril.

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