par Yasmine Ousalem
Malgré tout mon amour, rien ne pouvait changer le cours de tes choix, cher Faust. Laisse-moi, pars loin, tu t’es déjà causé trop de tort.
Je ne te reproche guère l’innocence que tu m’as dérobée; dans ce geste je ne vois pas de malversation, mais plutôt la source de délices la plus désaltérante à laquelle il m’a été donné de m’abreuver.
Mais dans la fatalité tu t’es jeté, tête baissée, sans tête même dirais-je. C’est ta soif de savoir qui t’a poussé à te corrompre dans la satisfaction éphémère des plaisirs de la vie, et maintenant voilà, tu le sais: à trop vouloir en savoir sur ce monde, on en perd les véritables plaisirs.
À vouloir voler trop haut, plus haut que Dieu lui-même, tel un Icare des temps modernes, tu t’es brûlé les ailes. Et que reste-t-il de notre amour? Je me suis baignée dans ta folie et j’ai noyé le seul fruit de notre union. Il ne reste désormais presque rien. Pas de satisfaction, ni même d’espoir de retour vers une vie tranquille. Il ne reste que des souvenirs, gravés dans ta tête et sur mon cœur. Que ne puis-je m’abandonner à la folie qui s’empare de moi, et dans l’insouciance retrouver toutes mes aspirations de jadis, espoirs que seule l’expérience vierge connaît. Mais j’imagine qu’il y a une dîme à payer lorsque l’on a connu le bonheur que notre amour m’a octroyé.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est à ton sort que je suis le plus sensible. Tu t’es laissé aveugler par les promesses d’un contrat scellé au prix de ton âme. Ton âme, mon cher Faust! Ton âme! Tu es désormais le plus pauvre des hommes. Tu t’es laissé berné par le Mal, et tu t’es attiré les foudres de Dieu. Je ne m’en fais pas pour ma destinée, la vie au-delà m’accueillera à bras ouverts, car ce n’est qu’au péché humain que je me suis pliée. L’homme est mauvais et, quelquefois, l’occasion de se corrompre vient nous séduire juste au bon moment. J’ai obtenu la rédemption pour mes faiblesses passées. Mais toi, mon pauvre Faust, tes choix t’ont mené bien au-delà de la bassesse permise à l’homme. Tu t’es cru supérieur à Dieu et n’as pas cru en la force de Méphistophélès. Mais tu aurais dû parce que lui croit en toi.
Je me retire désormais du souffle de cette voix qui t’empêche de te prosterner. Sous son joug je t’abandonne, mais sache que sur ton sort je me lamente et je prie. Car ne crois pas que rien ne reste de notre amour. J’aimerais y croire, mais si le mépris que tu m’inspires me fait ainsi parler, les cicatrices crient plus fort que toute ma fierté. Laisse-moi à présent faire croître les pétales de cet adonis blanc, à l’amère pluie de mes larmes.
Marguerite
Lettre d’Ophélie
Malgré tout l’amour que j’avais pour toi, rien ne pouvait rien contre toi, cher Hamlet. Adieu… Non! Reste. Entretenons-nous de ce qui aurait pu être, de ce qui aurait dû être, mais qu’aujourd’hui tu avortes. Entretenons-nous de cet avenir qui fait désormais partie du passé, entretenons-nous de nos vieux jours morts trop jeunes.
Non! Cela ne nous accablera que davantage. Mais parlons de ces démons qui te hantent, et qui t’arrachent à moi. Parlons de ce vide immense qui m’emplit. Assieds-toi, enfin.
Je ne saisis pas la métamorphose qui s’opère en toi, cher Hamlet, et qui te fait tourner le dos à l’amour que tu m’avais promis. Quels sont ces maux qui te torturent? Pourquoi puis-je les sentir me triturer le cœur, m’envahir les entrailles et assaillir mes pensées? Et pourquoi me sont-ils pourtant si étrangers? Ta douleur me fait mal, Hamlet, tellement mal que j’en oublie ma colère.
Non! Ma colère est bien vivante car, à tant t’aimer, Hamlet, je me hais. Je déteste ces pensées qui t’appellent et qui ne trouvent un écho qu’en tes promesses rompues. Je déteste aussi ce cœur qui ne suit plus la cadence de mes sentiments. En ce sein blessé, je tente d’étouffer les paroles que sans un remord tu me craches au visage. Je ne veux plus t’entendre Hamlet, car c’est ainsi que jadis je me brûlais à tes déclarations enflammées, et c’est ainsi qu’aujourd’hui je vois réduit en cendre tout espoir de félicité à tes côtés. Que dis-je? À tes côtés! Nulle part ailleurs je n’aurais trouvé un refuge si doux. Ne parle plus, car un mot de plus de toi m’imposera le silence à jamais. Vois, Hamlet, ce que mon amour pour toi me fait tant exécrer!
J’irai bercer notre douleur dans l’asile de mes souvenirs, à cette époque révolue où tu étais toi, où tu étais mien. Je ne t’en veux pas, car je sais que tu n’es plus toi-même. Hamlet, c’est ton nom que je prononce, mais en vain je t’appelle. Aussi vraie que soit ta chair ici dressée devant moi, ton corps et ton âme ne t’appartiennent plus. Odieux étranger, comment peux-tu ainsi te jouer de moi? Au couvent! Toi qui tiens le langage de Satan, c’est plutôt aux enfers que tu me jettes.
Non! Qui veux-je tromper ainsi? C’est bien toi, bien-aimé d’autrefois qui me cause tant de mal. Et si tu ne sais trouver la force de combattre tes idées noires en notre amour, alors notre attachement n’a jamais été. Comme j’aurais voulu pouvoir, d’un souffle sur ton front tourmenté, chasser ces démons qui cernent ton esprit! Mais rien, cher Hamlet, non rien, ne peut plus rien contre toi. Adieu…
Ophélie
Yasmine Ousalem
Née en 1990 au Mans (France) et habitant le Québec depuis août 1996, Yasmine Ousalem poursuit actuellement des études en médecine à l’Université Laval. Étudiante d’origine algérienne, elle est passionnée de littérature, ce qui l’a amenée à écrire des textes qui lui permettent d’avoir le sentiment d’apporter sa contribution au monde des écrits et de rejoindre le monde imaginaire de ses lectures.