UNIALTER : Le FSM, toile d’uniques et symphonie ad lib

Un des aspects les plus important du processus des Forums Sociaux, qu’ils soient locaux, régionaux ou mondiaux, est le rôle de témoins et passeurs que les participants ont à jouer. En effet, je pense que les critiques adressées aux Forums Sociaux à propos de leur absence de résultats concrets peuvent être battues en brèche lorsque chacun et chacune témoigne de son expérience. De plus, l’appropriation des moyens d’expression par les participants des Forums Sociaux favorise une diffusion plus large des actions et réflexions altermondialistes ainsi qu’une compréhension plus fine et approfondie du phénomène novateur des Forums Sociaux qui de par leur caractère non-hiérarchique et non-représentatif peuvent déstabiliser ceux qui l’appréhendent de façon brève et novice, faute de temps ou d’intérêt réel, comme c’est le cas d’un bon nombre de médias. Témoigner de son expérience une fois de retour dans sa communauté apparaît alors comme une attitude normale pour tout ceux qui participent à un Forum Social. Et ceci d’autant plus que ce dernier se déroule loin de leur contrée d’origine.

C’est dans cet esprit que les membres étudiants et professeurs de la délégation UNIALTER lancèrent un blog sur la toile afin de partager leurs expériences et analyses sur la mouvance altermondialiste autant sur le vif de l’action qu’une fois rentrés au bercail. J’ai eu la chance d’être un des membres de cette délégation et d’avoir pu partager des moments forts autant avec mes camarades qu’avec de parfaits inconnus. Un lecteur un tant soit peu attentif remarquera aussi que je mis en ligne quelques contributions personnelles à cet effort de témoignage. Et je me trouve six mois plus tard à faire une compilation de quelques textes parmi la cinquantaine de papiers virtuels afin de faire partager, par le biais de cette revue mise en ligne, l’expérience de quelques humains ayant vécu le FSM 2009. Du fait de mon appartenance à cette délégation, certains auraient pu supposer un conflit d’intérêt latent pouvant mener à un manque d’objectivité. Je penses au contraire que ma connaissance intime d’UNIALTER m’a permis de dresser un résumé assez fidèle de notre expérience à Belém.

Ces textes furent écrits avec une plume d’une très grande qualité et honnêteté. Il faut en remercier les auteurs qui ont réussi le tour de force d’être à la fois d’une grande sensibilité face aux histoires auxquelles ils furent confrontés en même temps qu’ils conservaient une justesse d’analyse remarquable. Mon travail de compilateur se résuma finalement à tenter de souligner bien modestement la dynamique de notre voyage et du FSM en organisant plus ou moins logiquement cette sélection de textes. J’ai ainsi trouvé qu’un thème musical correspondait bien à celle-ci. Nous évoluons ainsi crescendo des impressions pré-forum pour atteindre la paroxysmique semaine de FSM proprement dite avant de ralentir le rythme, mais non pas la vigueur de nos pensées et actions, une fois rentrés chez nous. La clé de sol s’imposait également comme fil directeur de cette compilation de par la nature du FSM lui même. Chaque acteur du forum est différent comme chaque instrument a sa personnalité au sein d’une partition. Mais au final, tous les participants du FSM, même en s’accordant sur certains points, sont toujours indépendants les uns des autres, regroupés dans ce que j’appelle une «toile d’uniques». C’est en regardant ces deux aspects complémentaires que je crois pouvoir dire que le FSM est une symphonie ad lib…

Anthony Côte

Préambule : Pianissimo

15 janvier 2008 : Le calme avant la tempête, Belém se prépare au FSM entre enthousiasme et scepticisme

Par Maude Derôme (Étudiante à l’Université d’Ottawa)

Je vous envoie quelques premières nouvelles de Belém…

Porte de l’Amazonie, Belém est pourtant bien loin d’une ville de la jungle…Définitivement urbaine, populaire, l’infinie mouvance des rues du centre étourdit le nouvel arrivant, qui court se rafraîchir d’une agua de coco annoncée à coup de puissants poumons à chaque coin de rue. D’un quartier à l’autre, ces rues, traversées, ruelles et boulevards, changent de tête, d’ambiance…Depuis la rêverie du centre historique aux édifices délabrés d’allure de la Havane, c’est le mercantilisme détonnant du quartier Comercio qui étonne ! Du sous-vêtement frivole au Hamburger américain, en passant par les gadgets plastiques bien chinois et taiwanais, on trouve de tout dans les rues de Belém. En poursuivant la marche infatigablement vers l’ouest, on déboule alors en pleine névralgie belimoise: le marché Ver-O-Peso et son incontournable marché de poissons (surtout vers 3h du matin quand les pêcheurs étalent leurs milliers de prises odorantes aux regards négociateurs des restaurateurs et hôtelliers), et puis le port, avec ses énormes bateaux noyés sous toutes leurs marchandises.

Mais voilà qu’en janvier 2009, Belém se transforme et les Bélimois aussi. À l’approche du forum, on nettoie les rues, on réforme les écoles qui accueilleront les participants, on repeint les agences touristiques improvisées. Les hôtels affichent complet, les lignes téléphoniques surchauffent, les chapiteaux sont montés à grand fracas de métal. Et pour ceux qui voudraient oublier la venue du forum, il leur faudra éviter les grandes artères commerciales “nettoyées” des petits vendeurs relégués en périphérie, et ne pas prendre le taxi, avec leurs chauffeurs fraîchement sortis des cours intensifs de tourisme international, prêts à étaler tout leur savoir pour un bon pourboire…Il leur faudra aussi éviter de discuter avec ceux dans les rues et dans les petits bars, qui rappellent avec désillusion que le forum prévoit produire plus de 50 tonnes de déchets dans une ville qui dispose d’un système de collecte plus que déficient. Mais rassurons-nous, tout sera envoyé au dépotoir local sur lequel vivent déjà de trop nombreuses familles, qui se réjouiront certainement de telles offrandes, non ? Au fond, ce sera une oeuvre humanitaire de plus… même chose pour la garde militaire dépêchée sur les lieux pour assurer “la sécurité des étrangers” alors que la ville ne sait plus que faire de toutes les violences quotidiennes que renferment ses murs, mais celles-ci ne touchent que les locaux bien sûr…

Je suis ici terriblement cynique, mais je ne fais que rapporter le ton rapidement perceptible dans les petits quartiers. Rassurons-nous, le forum attire également son lot d’enthousiasme, particulièrement chez les étudiants, les églises, et les petits vendeurs d’artisanat !

Sur les sites du forum, les deux universités principales de la ville, l’organisation va bon train. Situés dans la verdure, les lieux sont agréables (notamment pour le campement de la jeunesse) et les installations en pleine élaboration. Les transports sont des plus faciles (peut-être deviendront-ils de véritables cauchemars avec l’affluence prévue mais enfin) entre l’aéroport et le centre, le centre et les lieux du forums, et entre les deux lieux du forum même. Je tente de m’informer concernant le mode de distribution d’eau etc, mais s’il y en a qui ont la fibre écologique, sachez que vous vous retrouverez ici en terre de plastique ! Les rivieres débordent de rebus de bouteilles, petits verres, sacs et emballages de toute sorte,  une gourde (ou la réutilisation de la même bouteille) est on ne peut plus appropriée !

Arrivons donc au forum pleins d’enthousiasme, gagnés de l’effervescence que l’on sent ici monter tranquillement, mais en gardant toujours en tête que nous sommes au Brésil, dans un État qui plus est fort inégal, dans une ville dont certains habitants ne perçoivent des sauveurs altermondialistes que la cause et non la solution à leurs maux (combien de fois par jour j’entends des “ça va être encore du blablabla et tout l’argent qui est mis pour parler, pourquoi ils le mettent pas pour que le pays soit vraiment changé”), ou encore un attrait mercantile bien apprécié…

Ouverture : Allegro Molto, Premier mouvement : Au coeur de l’OSNI*

Marche d’ouverture du Forum Social Mondial 2009

Par Pascale Dufour (professeure à l’Université de Montréal)

C’est sous une pluie battante – nous sommes sous les tropiques – que la marche d’ouverture du Forum Social Mondial de Belém a débuté. Il en fallait bien plus pour décourager les 80 000 personnes (voir plus) qui s’étaient rassemblées dans les rues du centre-ville. Parmi les participants, nous avons noté une forte présence des peuples autochtones, moins visibles lors des autres rassemblements mondiaux, une très forte présence des jeunes militants et une présence soutenue des environnementalistes. Par ailleurs, les “classiques” des marches d’ouverture des FSM ont été en tout point respecté: forte représentation syndicale, présence importante des réseaux de femmes, bonne humeur et ambiance festive étaient au rendez-vous. En revanche, les militants et groupes africains et asiatiques étaient très peu représentés au sein du cortège.

L’élément de nouveauté  (c’est la première fois que le FSM est organisé à Belém) a probablement joué dans l’accueil curieux et, en général, enthousiaste que les Bélimois ont réservé aux altermondialistes.

30 janvier 2009 : L’energie positive d’un raz de marée humain

Par Germain Schmid (étudiant à l’Université de Montréal)

Premier jour du FSM!

Une grande marche dans le centre-ville débute à 3 heures, comme la pluie. Une euphorie générale bercée de musique transporte un flot de millers de personnes sous les banderoles les plus diverses jusqu’au terminus ferroviaire de la ville.

On retrouve surtout des mouvements brésiliens. Sont aussi présents, parmi d’autres, un syndicat belge, ATTAC et la CGT (Confédération Générale du Travail) de France, un mouvement indépendantiste guyanais, 2 militants de Christiania de Copenhague au Danemark, un mouvement du Honduras, des féministes, Greenpeace, le drapeau gay et beaucoup de peuples indigènes… Au milieu du convoi, un bus et un syndicat sur des motos. L’environnement n’est pas une préoccupation de tous.

Pour moi, cette marche est un symbole de la réunion de mouvements divers, et pourtant allant dans une même direction. C’est une revendication du droit à ne pas être d’accord, et à l’accepter et une célébration de l’activisme.

Fortissimo : dialogues et improvisations alter-mondiales

28 janvier : Journée Pan-Amazonienne

Par Marie-Josée Massicotte (professeure à l’Université d’Ottawa et Pascale Dufour.

Voici quelques commentaires sur une partie des ateliers auxquels nous avons assisté aujourd’hui.

Ce matin, lors de la présentation culturelle des peuples autochtones, nous avons eu l’occasion d’observer les rituels des Premières Nations du Pará. Au delà de l’exotisme, nous retenons surtout l’émotion et l’importance de ce moment de recueillement entre les participants de divers pays et origines ethniques, rassemblés pour cette première journée pan-amazonienne.

Par ailleurs, à la suite de cette cérémonie, la thématique de la souveraineté et sécurité alimentaire étaient à l’honneur. Des groupes de femmes (de la Via Campesina et de la Marche mondiale des femmes) ont interpellé la foule nombreuse pour dénoncer les impacts des industries agroalimentaires, des agro-combustibles et des monocultures sur les communautés locales et les modes de vie des paysans. Leur prestation culturelle nous rappelait l’importance de la production et de la consommation de produits agricoles sains, qui servent d’abord à nourrir la population locale, tout en respectant la capacité à produire de la terre.

En après-midi, les femmes amazoniennes ont ouvert l’atelier d’orientation des actions de la Marche mondiale des femmes de 2010. Ce mouvement, qui regroupe des militantes de plus de 70 pays répartis sur quatre continents, est un exemple typique d’un mouvement transnational. Si au départ le mouvement a débuté autour d’une action conjoncturelle (actions mondiales de 2000 à l’ONU), toutes les intervenantes s’accordent aujourd’hui pour considérer le mouvement dans la durée. Leur slogan: “La Marche mondiale des femmes va durer jusqu’à ce que les femmes du monde entier soient libres.”

Les allers-et-retours entre les deux sites du FSM demeurent un grand défi au quotidien. Des embouteillages paralysent une section de la ville et des colonnes de marcheurs tentent, tant bien que mal, de se rendre aux lieux des activités. Les pluies torrentielles sont également quotidiennement au rendez-vous. Bienvenue en Amazonie!

28 janvier 2009 : Quand le participatif devient réalité

Par Timothé Nothias (étudiant à l’Université de Montréal)

Imaginez donc un peu mon excitation… mon premier atelier de mon premier forum social mondial… c’est en trépignant d’impatience que je finis par atteindre l’auditorium, après m’être perdu dans le dédale de l’Université UFPA (Universidade Federal do Para, un des deux campus accueillant le FSM).

Imaginez donc un peu ma déception…. Quand mes tant attendus conférenciers ne sont pas venus au rendez-vous!

Qu’à cela ne tienne! Un québécois hardi s’empare du micro et nous enjoint à rester en effectuant nous-mêmes l’atelier. S’ensuit alors une discussion sur l’égalité et le développement avec un focus sur l’égalité des races, le métissage et le village mondial. Par la suite, il lance l’initiative de nous passer mutuellement le micro afin de, somme toute, dire quelque chose, ce qu’on a sur le cœur.

Les thèmes abordés s’orientent vers la récente crise d’abord. Se dégage un consensus sur le fait qu’elle n’engendrera probablement pas le changement espéré et, pour ce dernier, son impulsion première doit venir de nous individus, êtres humains. Obama ensuite : les Québécois de la salle se positionnent très désillusionnés tandis que les Brésiliens apparaissent beaucoup plus emballés par l’espoir qu’il apporte. Enfin, sur le forum lui-même, et de l’importance de se rencontrer, de se parler, de s’échanger des idées… on a refait le monde gentiment.

Un modèle en matière d’expérience participative. Les gens sont venus au forum pour se rencontrer, se parler, s’écouter. Ce qu’ils ont fait, sans l’aide de personne. Comme quoi, nous en sommes encore capables.

Le campement de la jeunesse : ambiance

Par Germain Schmid

Le campement de la jeunesse est au coeur de l’UFRA. 20 000 personnes se sont installées en 3 jours dans une autogestion festive et relative. Les douches, les toilettes ont suivi peu après…les efforts d’organisation sont extraordinaires, on constate des améliorations tous les jours, comme l’apparition de filtres à eau. C’est un espace de fête permanente, qui alterne les marches revendicatives avec la capoeira et les musiques diverses. Des kiosques de restauration et de vente de produits locaux ont poussés un peu partout. Les banderoles sont variées et nombreuses.

L’autogestion consiste essentiellement dans le respect de quelques allées, et en l’obligation de sourire à son voisin. On y dort peu, on y fait beaucoup de rencontres. On y parle de tout, et aussi d’altermondialisme.

«Building Global Democracy» : Réflexions sur un panel

Par François-Xavier Plasse Couture

Ceci est un résumé du panel «Building Global Democracy» (BGD) élaboré par le BGD Convening Group pendant le Forum Social Mondial (FSM) 2009. Building Global Democracy est un projet de recherche participative qui débute tout juste et qui doit s’échelonner sur une période de cinq ans. Ce projet qui « vise à promouvoir la connaissance et l’action pour un plus grand engagement public et un plus grand contrôle populaire dans le gouvernance des affaires mondiales »[1] implique des universitaires, des activistes et des décideurs politiques venant d’un peu partout autour du globe.

Ce panel accordait bon nombre de temps de parole aux participants qui désiraient poser des questions ou lancer de nouvelles pistes de réflexion. Ainsi, à l’égard du fonctionnement de la conférence, les panelistes du BGD faisaient chacun leurs courtes présentations, en parlant du sujet de leur recherche et ce sur quoi il était important de se pencher, puis par la suite le débat était ouvert à tous. Ce qui était particulièrement intéressant durant ce panel, c’est que loin d’adopter une attitude élitiste, les panelistes ont abordé les discussions avec un esprit d’ouverture et ne prétendaient pas avoir toutes les réponses à leurs questions. Ils voulaient entendre ce que les participants du FSM pensaient, quels étaient les points suscitant les débats et ceux faisant plus ou moins consensus. Ce papier est donc un bref résumé des idées présentées par les panelistes du groupe de recherche Building Global Democracy.

Les panelistes présents étaient Diana Brydon (University of Manitoba) représentant l’Amérique du Nord, Jessica Byron (University of West Indies) représentant les Caraïbes, Heba Raouf Ezzat (University of Cairo) représentant le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Alla Glinchikova (Russian State Humanitarian University) représentant l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale, Anand Kumar (Jawaharlal Nehru University) représentant L’Asie du Sud, Alfred Nhema (Pan African Development Center) représentant l’Afrique Sub-Saharienne, Peng Zongchao (Tsinghua University School of Public Policy and Management) représentant l’Asie de l’Est et Jan Aart Scholte (University of Warwick) représentant l’Europe de l’Ouest. Il est à noter que l’auteur n’a pu assister aux deux premières présentations qui furent données par Heba Raouf Ezzat et Peng Zongchao. Aussi, deux membres du BGD n’ont pu être présents au panel au FSM à savoir Sitiveni Halapua (East-West Center, University of Hawaii) représentant la région du Pacifique et Moema de Miranda (University of Minas Gerais) représentant l’Amérique Latine.

Pour Alla Glinchikova, venant d’un pays où l’ouverture démocratique tarde à s’approfondir (la Russie), il faut se poser la question : Qu’est-ce qui est commun aux démocraties libérales de type occidental et aux « démocraties autoritaires » telle la Chine ou la Russie ? Selon elle, la démocratie dans les pays ayant une réalité postcoloniale ou postsoviétique ne peut être atteinte que par leur intégration à une démocratie à l’échelle globale. En effet, il serait erroné de chercher à créer une démocratie globale en commençant par l’échelle nationale.

C’est en instaurant une démocratie globale qu’on pourra instituer des régimes réellement démocratiques dans le monde postcolonial ou postsoviétique. Une démocratie globale impliquerait en effet que les élites nationales ne forment qu’une seule élite globale qui, inévitablement, chercherait à instaurer la démocratie. C’est cette élite qui détiendrait également les ressources pour atteindre le but mentionné. Le cas contraire, lorsque les démocraties nationales seraient instaurées avant d’atteindre la démocratie globale, constituerait un grand danger pour les démocraties occidentales. Les élites nationales des pays postcoloniaux et postsoviétiques n’ayant pas encore une culture démocratique bien établie chercheraient à conserver les avantages que la classe dirigeante d’une dictature obtient.

Enfin, Alla Glinchikova termine en expliquant que la démocratie peut se diviser en trois aspects, soit l’aspect politique (démocratie représentative, etc.), l’aspect social (l’éducation, les médias, etc.) et finalement les valeurs. Si ce dernier aspect n’est pas solidement instauré à tous les niveaux de la société, il y a peu de chance, selon le Dr. Glinchikova, qu’un régime politique puisse demeurer démocratique à long terme.

Jessica Byron, de University of West Indies, a fait une brève présentation des trois grandes questions qui allaient guider ses recherches. Premièrement, quels mécanismes pourront donner une voix aux petits (en termes de superficie et de population) pays dans une démocratie globale achevée ? Deuxièmement, est-ce que le régionalisme est inévitablement exclusif ou peut-il être inclusif ? Et Finalement, quelle place occuperont les jeunes dans la nouvelle démocratie globale ?

Pour Alfred Nhema, trois questions sont prépondérantes. Premièrement, qu’adviendrait-il des « failed states » dans l’optique où une démocratie globale serait atteinte ? Menaceraient-ils la stabilité de cette dernière, et comment est-ce que les habitants de ces « failed states » assureraient-ils leur représentation au niveau global ? Deuxièmement, quels seront les types d’institutions qui administreront cette démocratie globale ? Et troisièmement, quelles seront les fondations sociales, politiques et économiques d’une telle démocratie planétaire ? Le modèle occidental doit-il demeurer la seule référence ?

Le Pr. Anand Kumar de la Jawaharlal Nehru University y est allé d’une longue présentation, qui selon nous, fut la plus éloquente d’entre toutes. Tout d’abord, le Pr. Kumar tente de définir quelque peu la démocratie globale en posant les questions : « What ? Why ? How ? and Where ? » Ainsi, dans l’expression « Global Democracy » il y a le thème de la « Globalization » (ou Mondialisation) et « Democratization » (Démocratisation). La mondialisation peut être comprise en étudiant ses aspects économiques, politique (régional vs global), et de « culturalisation » (et les limites de ce phénomène). Pour ce qui est de la démocratisation, on peut questionner le phénomène quant à ses limites à travers le débat entre représentation et participation, ou encore via les problématiques autour des partis politiques (majoritarisme versus le fonctionnarisme).

Pour le Pr. Kumar, la mondialisation possède cinq facettes : soit l’aspect de la finance, l’aspect des commodités, le travail, la technologie et l’aspect du transfert d’information. La mondialisation est caractérisée par des dynamiques d’homogénéisation, d’ethnicisation, d’hybridation et de marchandisation. De plus, il soutient que la présente forme de mondialisation a lamentablement échoué quant à la réduction de la pauvreté, à la protection de l’environnement, à l’inclusion des minorités et des nations sans État et plus généralement dans le traitement des identités au sein d’un État unitaire. Le Pr. Kumar va même plus loin en affirmant que le modèle de mondialisation actuel doit être transcendé. Pour ce faire, il faut s’entendre sur un système de valeurs mondiales (« global values ») au-delà celles portées par le modèle de l’État-nation. Il soutient que l’on doit établir un système de valeurs globales qui est à la fois au-dessus (au niveau plus haut que national) et au-dessous (au niveau plus régional ou même local) de l’État westphalien.

Finalement Diana Brydon, a eu le mot de la fin avec une brève intervention sur son sujet de recherche qui porte sur la justice cognitive (« cognitive justice »). Dans une optique qui semble très influencée par Foucault, elle s’interroge sur les relations entre le savoir et le pouvoir politique, les formes d’organisations politiques que cela entraîne et sur les autres modes de connaissance qui peuvent être abordés.

Ce panel soulève en fait davantage de questions qu’il n’apporte de réponses, mais c’est peut-être cela les premiers pas d’une démocratie globale : se questionner ensemble comme citoyens du monde au sein d’un forum social mondial.

Métropoles : enjeux de nouveaux droits à conquérir et à renforcer pour d’autres mondes possibles. Regards croisés des autorités locales et de mouvements sociaux

Par Caroline Patsias et David Custeau (professeure et étudiant à l’Université de Sherbrooke)

Le titre même du panel peut sembler paradoxal. Pour les analystes, les Mouvements sociaux  (MS) privilégient la protestation plutôt que la collaboration face au pouvoir. Certains d’entre eux voient d’ailleurs dans l’émergence de nouvelles instances de consultation le danger d’une instrumentalisation des forces sociales. De telles craintes sont loin d’être le seul fait des universitaires ; les acteurs aussi ont longtemps appréhendé la collaboration avec les autorités comme une trahison à la cause. Plusieurs raisons ont contribué à un changement des opinions et des pratiques. Compte-rendu d’une rencontre.

Participants :

Ateliers 1 : Gerard Perreau Bezouille, cité de Nanterre (France, Paris métropole) FAL/FALP, Stéphane Troussel, vice-président du Conseil général de Seine-Saint-Denis (France, Paris métropole), Eduardo Tadeou, cité de Várzea Paulista (Brésil, métropole de Sao Paulo), Antonio José Araujo (Brésil, mouvement national de lutte pour le logement- MNLM, NO VOX, métropole de Sao Paulo), Gustave Massiah (France, ATTAC-AITEC), Jessica GROPP, (Sommet citoyen de Montréal).

Ateliers 2 : Patrick Braouzec (France, Plaine-Commune Saint-Denis, métropole parisienne), Réseau FAL/FALP, Christian Hervy, vice-président du Conseil général du Val-de-Marne (France, métropole parisienne- réseau FAL/FALP), Jorge Jairo, maire de Canoas (Brésil, métropole de Porto Alegre)- réseau FAL/FALP, maire de Getafe (Espagne, métropole de Madrid), Ana Teresa Vicente, maire de Palmera (Portugal, metropole de Lisbonne), représentant du réseau NO VOX.

D’abord la chute du mur de Berlin et le déclin d’un monde raconté à travers la confrontation de deux idéologies. Ensuite, la déliquescence du mouvement ouvrier dans les démocraties occidentales. Si ce contexte a ouvert une période difficile pour la gauche, il a aussi été marqué, au début des années 2000, par l’arrivée de celle-ci au palier local, notamment en France et au Brésil. Dans bien des cas, ce succès est dû aux mouvements sociaux, quand les partis au pouvoir ne sont pas une émanation directe de ces derniers. Pour Eduardo Tadeou, maire de Várzea Paulista, il y a un point de contradiction dans ce phénomène : les autorités publiques progressistes et les mouvements sociaux, luttant, à travers des moyens différents (les leviers du pouvoir pour les uns, la rue pour les autres) à la réalisation d’un même objectif, soit une ville plus juste et plus solidaire. Ces évolutions récentes ont érodé les visions par trop dichotomiques des relations entre mouvements sociaux et autorités locales. Non seulement l’opposition serait désormais caduque, mais d’aucun discerne dans l’action de certaines municipalités de nouvelles voies possibles aux transformations sociales (Taneau).

La collaboration entre les représentants institutionnels et les groupes de la société civile apparaît d’autant plus nécessaire aux panélistes que leurs villes, banlieues périphériques et populaires de grandes métropoles, sont, plus que d’autres, confrontées à d’épineuses problématiques sociales et urbaines que la crise ne peut qu’aggraver. Cette dernière réclame d’ailleurs la mise en œuvre d’innovations sociales, lesquelles font appel autant à la société civile qu’aux instances publiques. À cet égard, les représentants locaux insistent sur la nécessité d’une société civile structurée et soulignent que si les MS ont bien œuvré dans certains cas, à la victoire des forces de gauche (le Brésil et l’accession au pouvoir de Lula est ici un exemple significatif), ils ont aussi bénéficié de l’action des municipalités et de citer leur exemple respectif… Le premier élu de Várzea Paulista rappelle ainsi qu’à son arrivée au pouvoir, le travail de réforme a souffert d’une société civile faible et fragmentée (voire inexistante). Les pouvoirs publics ont alors incité à l’organisation des MS à travers de nouveaux organes institutionnels, lieux de rencontre des autorités locales et des MS, tels les budgets participatifs et autres formes de conseils à portée décisionnelle.

Le témoignage de Patrick Draouzec évoque la même réalité, à vingt ans d’intervalle cependant. Lorsque celui-ci a pris la tête de la commune de Saint-Denis dans les années 80, son ambition de rénovation urbaine s’est également heurtée à l’absence d’interlocuteurs. Avec son équipe, il a donc mis en place un conseil de quartier sous la responsabilité du maire adjoint de l’époque afin de travailler de concert avec les habitants. Comme le remarque l’ancien édile, le terme consacré était alors celui de « démocratie directe ». Ici une interrogation, que signifie l’évolution terminologique ? Engage-t-elle un changement de structure ? D’ambition ? Dans quel sens ? S’agit-il d’un approfondissement de la démocratie, et quid de l’intégration des MS dans cette transformation du processus décisionnel ?

Cette vision positive des relations entre MS et autorités locales ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les participants. Ainsi, le leader du mouvement national pour le logement, dénonce-t-il l’absence d’une politique globale au niveau national, et des conseils qui, selon lui, tournent souvent au dialogue de sourd. Les deux critiques ne sont d’ailleurs pas sans lien. Jusqu’à récemment, l’absence d’une politique nationale en matière de logement a entraîné la fragmentation et la faiblesse des solutions proposées au palier local, comme celle de conseils où la voix des MS avait relativement peu de poids. C’est l’émergence d’un plan national établissant les priorités en termes de logement sur 11 ans et d’un conseil national de l’habitat lequel subordonne l’obtention de fonds à l’instauration de conseils réellement participatifs qui a permis une amélioration de la participation.

Là où les Brésiliens insistent sur le rôle du centre dans l’émergence d’un véritable dialogue entre MS et autorités locales, les élus français soulignent au contraire, le danger d’un centre qui, de plus en plus, ne laisse que la portion congrue des politiques publiques (à savoir leur gestion) aux représentants locaux, se réservant le droit d’en changer les fondements. Cette évolution a conduit à des politiques sociales de plus en plus restrictives notamment quant aux critères présidant l’obtention des revenus sociaux minima. Les deux points de vue ne sont pourtant pas si éloignés. Ils rappellent implicitement que le cantonnement de la participation au palier local n’est pas exempt de risque : comment par exemple intervenir sur les politiques publiques structurantes élaborées au palier national et qui dessinent les marges d’action des acteurs locaux ? Pour le dire autrement, l’approfondissement de la participation et la collaboration entre MS et autorités publiques peut souffrir d’une vision qui privilégierait uniquement le palier local.

Si l’on peut regretter que la multiplicité des intervenants ait empêché une description plus approfondie, le débat soulevé par les acteurs renvoie à une question essentielle qui taraude à la fois les théoriciens de la démocratie comme les spécialistes des politiques publiques : à quel niveau décentraliser et comment ? Ou encore, comment concevoir et mettre en place une gouvernance multi-niveaux et quelle serait la place des MS dans cette gouvernance ?

Récemment des auteurs comme Fung and Wright ou encore, dans le cas brésilien Baiocchi et Melo, ont souligné la nécessité d’une décentralisation intersectorielle réunissant l’ensemble des acteurs impliqués dans une politique publique. Cette décentralisation intersectorielle, outre la réunion de l’ensemble des points de vue et des perspectives, devrait aussi éviter, par la pluralité des intérêts en présence et l’arrivée de nouvelles équipes de gestionnaires, le maintien des logiques de clientèle et des anciens rapports de subordination. Car si la décentralisation autorise une meilleure prise en compte des logiques locales, elle ouvre aussi à la reproduction des systèmes de potenta locaux. De ce point de vue, les MS peuvent avoir un rôle de contrôle des autorités publiques. D’ailleurs, les témoignages des représentants des MS du panel montrent que ces derniers ne conçoivent pas leur volonté de coopération comme une entrave à leur capacité de résistance ou de protestation. Si les plaintes ont parfois évoqué la dimension « décorative » des nouvelles instances de consultation, les MS n’y voient pas le danger d’une instrumentalisation et demandent au contraire davantage de coopération et d’intégration (José Araujo). Là encore, on peut regretter que les acteurs, particulièrement les élus locaux, n’aient pas été plus éloquents quant aux conflits rencontrés avec les MS, particulièrement sur le long terme, lorsque surgissent les désaccords.

Si le faible nombre de panelistes empêche toute généralisation, il est toutefois suffisant pour affirmer que la décentralisation n’est pas le remède à tous les maux et qu’il reste primordial d’examiner le contexte dans lequel elle s’inscrit, comme les rapports de force en présence.

La décentralisation garantit une autonomie aux acteurs, mais cette autonomie doit elle-même disposer de garde-fous afin d’éviter les dérives. Le rôle des acteurs y est déterminant (partis politiques, MS). La réussite des nouvelles structures ne saurait, cependant, dépendre exclusivement de ces derniers, les instances étant alors à la merci d’un changement de pouvoir. L’enracinement dans des structures de nouveaux moyens de coopération est donc nécessaire. Comme l’illustrent les cas français et brésiliens, le défi réside dans la garantie d’une cohérence sans limiter pour autant les autorités locales à un rôle de simples gestionnaires qui colmateraient les dommages des politiques centrales, trop libérales. L’ouverture à une démocratie plus participative ne peut donc s’effectuer uniquement au palier local, même si celui-ci peut constituer un premier jalon voire un lieu de résistance, comme l’illustre le refus de certaines villes, aux côtés des MS, de signer les accords des de l’OMC sur les services (AGCS) ou de s’aligner sur la politique de G. W. Bush et le Patriot Act. De ce point de vue, le maire de Várzea Paulista a peut-être raison : à certains égards, des villes peuvent bien être considérées comme le prolongement des mouvements sociaux et de leurs luttes.

Le jour où … j’ai vu une pléthore de présidents

Par Timothé Nothias

Une fois de plus, je trépigne d´impatience. C’est presque une habitude maintenant…sauf que là, c’est justifié. Je fais la queue depuis des heures afin de pouvoir assister à un événement qui ne survient pas tous les quatre matins et qui est une grande première pour moi: je vais pouvoir de mes yeux vu contempler de visu non pas un mais bien 5 présidents en exercice !

L´entrée du “hangar” ou se tiendront les discours est loin, et ma pĺus grande peur est de ne pas réussir à rentrer et de devoir me contenter d’une retransmission vidéo sur des écrans à l’extérieur. Ma crainte ne m’est ôtée qu’une couple d’heures après, quand je peux enfin franchir à mon tour les portiques de sécurité et pénétrer dans le bâtiment. Étrangement, les parapluies ne sont pas autorisés à l´intérieur, et je dois le laisser. On m´assure que je pourrais venir le chercher au moment de sortir, mais je ne doute pas qu´un “bon samaritain” se chargera de le faire pour moi. Au fond, quelle importance, je suis sûr que beaucoup de personnes seraient prêtes à donner un parapluie, même en saison des pluies, pour avoir la chance d´assister à de tels discours…Je pénètre dans une salle gigantesque, dont l´animation est assurée par un groupe de musique sur le devant de la scène, ainsi qu´une foule en délire. Que l´arrivée des présidents du Paraguay, de la Bolivie, de l´Équateur, du Venezuela et du Brésil ne fait rien pour calmer. L´ambiance est digne de celle d´un concert.

Le gouverneur de Para (la province du Brésil dans laquelle se trouve Belém) ouvre le bal avant de passer le micro aux cinq présidents qui deux heures durant effectuent chacun leur tour un speech. Les discours sont énergiques, porteurs d´idées politiques novatrices, empreints de pan-amazonisme, et donnent l’impression d´être l´éditorial du forum en quelque sorte : “un autre monde est possible” empreint de légitimité politique. Les dirigeants rappellent entre les lignes toutes les avancées sociales qu´ils ont réalisés puis ce qui s´en vient dans notre monde post-crise.

Certains aiment a monopoliser le micro…l´heure tourne et nous sommes rendus plus ou moins tard dans la soirée…on ne se refait pas…je trépigne d´impatience a l´idée de rentrer m´allonger dans la tente.

Le Forum Social Mondial 2009 : territoire de retrouvailles et d’alliances pour les Palestiniens

Par Andréanne Bourque (étudiante à l’Université de Sherbrooke)

«J’exige le droit au retour à ma terre. Je le réclame pour tout le peuple palestinien» -Fatima, réfugiée palestinienne au Liban

Des altermondialistes venus des quatre coins du globe arborant fièrement le drapeau palestinien, des tentes thématiques présentant des images-chocs révélatrices de la situation actuelle en Palestine, des pétitions contre l’offensive israélienne… De toute évidence, l’importance accordée à la cause palestinienne lors du Forum Social Mondial (FSM) était manifeste. Grâce notamment au Réseau des Femmes arabes présent au FSM, qui s’est déroulé du 27 janvier au 1er février 2009 à Belém au Brésil, plusieurs participants ont pu en apprendre davantage et se positionner face à la cause palestinienne.

Des centaines de défenseurs des droits des réfugiés palestiniens, des groupes de pression arabes, des réseaux d’aide et de soutien pour les réfugiés, des mouvements féministes ainsi que des organisations non gouvernementales ont exploité l’espace d’expression que représente le Forum Social Mondial. Parmi cette myriade de participants, certains réclament la paix au Moyen-Orient, d’autres encouragent le boycottage des produits américains et israéliens ou demandent le retour sécuritaire des réfugiés palestiniens en Palestine. Ils ont tous affiché leurs couleurs dans la programmation du FSM afin de contracter des alliances entre les différents organismes présents, pour faire circuler des pétitions pour le retrait de Tsahal (l’armée israélienne) des territoires palestiniens et particulièrement pour porter à la connaissance des participants les réalités quotidiennes des Palestiniens. Des femmes ont d’ailleurs bravement dévoilé le récit de leur vie en tant que réfugiées palestiniennes.

L’histoire d’une réfugiée palestinienne

Après trois jours de vols et d’interminables escales au Proche-Orient et en Europe, Fatima Khadir Al-Khadir, une réfugiée palestinienne âgée de 79 ans, arrive enfin au Brésil. C’est par l’entremise du Réseau des Femmes arabes qu’elle y retrouve son fils, Hassan, de qui elle est séparée depuis 15 ans.

Depuis 1949, un an après la création d’Israël, Fatima Al-Khadir a pour office de résidence le camp de réfugiés de Burj Al-Shamali au Liban. Relatant les premières années tranquilles de sa vie de paysanne, Madame Al-Khadir soutient qu’à cette époque, personne de sa famille et du village n’aurait envisagé une telle guerre et toutes les déchirures qui l’accompagnent. « Toute la tristesse du peuple palestinien a commencé par l’attaque de la troupe Haganah[2] en 1948 », raconte Fatima. Selon ses dires, les avions sionistes laissaient tomber des lettres adressées aux populations palestiniennes. Le message: « on ne veut plus de votre peuple ici ». Toutefois, la majorité des paysans étaient analphabètes, alors ils demeuraient sur leurs terrains, ne comprenant pas la portée de ces avis. Pour Fatima, la guerre de 1948 n’a été que massacres. Les paysans de son village ont été éliminés les uns après les autres et plusieurs membres de sa famille se sont éteints sous ses yeux de jeune femme atterrée. « Nous devions alors choisir entre mourir ou sortir du pays ». C’est ainsi que depuis plus de soixante ans, Fatima vit dans un camp. Elle y a fondé sa famille et l’a aussi vu se dissoudre, au Liban.

À ses yeux, le FSM est un bon endroit pour faire connaître la cause des réfugiés palestiniens. Son fils Hassan a confié que tout ce qu’il désire, c’est de partager son histoire, qui reflète la réalité de millions de réfugiés palestiniens, en espérant toucher les participants du Forum. « Tout ce que je demande, c’est notre sécurité et notre liberté (des Palestiniens)».

Le Réseau des Femmes arabes : promoteur de la participation au FSM

Un ensemble d’organisations indépendantes arabes féministes forme le Réseau des Femmes arabes qui a pour mission de construire un discours arabe féministe démocratique basé sur les besoins des femmes arabes. Ce réseau lutte pour la participation du mouvement arabe féministe dans la société civile du Moyen-Orient et travaille à la défense de cette participation dans le monde. Sans l’appui de cet organisme, aucune des réfugiées n’aurait été en mesure de se rendre au Brésil afin d’offrir un témoignage au FSM.

Des altermondialistes appellent à la solidarité pro-palestinienne

Les témoignages émouvants entendus lors de la rencontre ont suscité de nombreuses réactions auprès des participants. Parmi eux, Jawad, d’origine marocaine et membre du Secrétariat national du Comité d’annulation de la dette du tiers monde(CADMT), s’est prononcé sur la nécessité du positionnement des altermondialistes en faveur de la Palestine. « Le mouvement altermondialiste doit être clair et direct sur le génocide qui est actuellement perpétré en Palestine. L’autre monde que nous voulons, c’est avec un peuple palestinien libre. » Jawad a d’ailleurs profité du moment pour féliciter la fraternité et la solidarité des Latino-Américains face à la cause palestinienne. Le Brésil est un des nombreux pays latino-américains qui accueillent chaque année des réfugiés palestiniens.

Une petite initiative qui en dit long

Yuri Haasz, Israélien d’origine, porte fièrement un chandail d’un rouge éclatant sur lequel est inscrit : «I am Palestinian ». Quelque temps avant son entrée prévue pour le service militaire obligatoire dans l’armée israélienne, sa famille a choisi de quitter la terre promise pour venir s’établir au Brésil. Ses parents n’adhéraient pas à l’idéologie de l’État exprimée dans l’armée et qui s’opérait selon eux par un « lavage de cerveau ». En janvier dernier, ce jeune homme a mis sur pied une campagne de solidarité à l’endroit du peuple palestinien qui sera véhiculée par le film I am Palestinian. L’idée de son projet est de rallier le plus grand nombre de citoyens, quel que soit leur pays d’origine, contre l’oppression des Palestiniens afin de souligner que la question palestinienne ne saurait se résumer au débat pro-juif ou pro-arabe mais engage une vision du juste qui concerne chaque citoyen. Tout participant volontaire venant de différentes régions du monde est appelé à se présenter et à dire, dans sa langue usuelle, « Je suis Palestinien »[3]. Selon Yuri, le travail du pro activisme palestinien est déjà fait par les organisations indépendantes, le Forum Social Mondial est un outil qui leur permet de dévoiler l’impact de leur accomplissement. Le FSM aura sans doute permis de sensibiliser les altermondialistes à la cause palestinienne voire de susciter leur soutien.

Piano ma non troppo : analyses post-FSM

Voir les choses autrement

Par Germain Schmid (étudiant à l’Université de Montréal)

15 jours d’absence, ça se voit. Ça se voit du point de vue du voyageur. Et cela permet de vivre une autre expérience: les questions que l’on nous pose au retour.

En tant qu’étudiant, je rencontre essentiellement d’autres étudiants. Après avoir expliqué les cernes que je me trimbale sous les yeux (le manque de sommeil), le bronzage approximatif et la fièvre attrapée dans un aéroport, surviennent les éléments intéressants.

Belém, c’est où? Il y fait beau? Première question rituelle. La couverture médiatique au Québec n’a donc pas permis de parler suffisamment du FSM pour le localiser au Brésil. L’aspect “camping de la jeunesse” est une découverte.

C’était comment? Une façon détournée d’exprimer le fait qu’on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit. A partir de là, c’est le début d’un travail explicatif, qui fait entièrement parti du rôle du participant. En effet, se rendre au FSM, c’est aussi dès lors que l’on est concerné, endosser la responsabilité de transmettre sur l’événement et son contenu.

Tu as payé ton voyage? Une question très intéressante qui revient presque à tous les coups en 2ème ou 3ème position. Il semble un fait acquis que tout esprit raisonnable ne paierait pas son billet: on ne va dans une “conférence” aussi loin que si on est obligé d’y aller ou parce qu’elle est offerte. Dans l’imaginaire collectif, le Forum Social Mondial n’est ouvert qu’aux organisations. Le FSM est ainsi souvent vu comme un lieu de travail entre des mouvements sociaux. En effet, les délégations d’étudiants et d’individus présents à leurs frais sont rares si l’on exclu les brésiliens. Il s’agit dans quelques cas d’étudiants en doctorat ou effectuant des recherches précises sur les mouvements sociaux ou sur des problématiques particulières.

Qu’est ce que tu as appris? L’a-priori est que nous nous sommes déplacés pour écouter. Cela révèle peut être le peu de crédibilité que j’ai en tant qu’intervenant potentiel. Je crois surtout que cela fait ressortir que nous sommes des étudiants formatés: nous allons voir des conférences écouter des professeurs. Or, pour nous tous, il semble évident que nous avons participé au FSM,  chacun à notre manière.

Il y a des questions que l’on ne m’a pas posées, et que souvent j’aurais souhaité entendre. Il s’agit de l’expérience vécue, du contenu des ateliers, des combats sociaux, des conclusions du FSM….

Cela démontre une faiblesse de communication du FSM: la plupart des gens ne savent pas qu’il a eu lieu. Au-delà, la plupart des gens ignorent de quoi il s’agit. Il faut se sentir concerné, il faut obtenir que chacun sache qu’il a la possibilité de construire une alternative, il faut concerner le monde.

Il faut aussi sortir des cases. Notre monde est vu comme fini dans l’inconscient collectif: il est vu comme un choix entre des systèmes politiques existants, entre des événements existants, entre des métiers existants. Or le FSM le montre: il est en lui même un événement en invention, un OSNI (objet social non identifié) entre les colloques, les conférences, les rassemblements, les fêtes. Il est en soi une alternative. Nous devons réapprendre à créer des possibilités!

Libre(s) Pensée(s) contre Pensée Unique

Par Anthony Côte (étudiant à l’Université de Montréal)

Quand quelqu’un demande ce qu’est un Forum Social Mondial, on lui dit que c’est un événement regroupant de manière plus ou moins régulière les personnes qui sont en désaccord avec le système et le monde tel qu’il est, c’est à dire rempli d’injustices inutiles, etc… Mais il y a un aspect en particulier du FSM qui, à mon avis, n’est pas assez mis de l’avant, à savoir le rôle que ce dernier joue en tant que vecteur de la libre pensée face à la pensée unique. Je vais donc essayer ici de vous donner un aperçu de l’affrontement entre ces deux pensées puis du rôle joué par le FSM dans ce dernier.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous annonce aujourd’hui que le monde est en guerre. En effet (et malgré ma légère tendance à l’exagération) je pense qu’un affrontement se déroule sous les yeux de ceux qui veulent bien le voir et qu’il tend à s’amplifier (pour le meilleur ou pour le pire je ne saurais vous dire). Cette bataille est celle de deux conceptions du monde : d’un côté la pensée unique et de l’autre la(les) libre(s) pensée(s).

La pensée unique est celle qui tend à régir notre système actuel. Appelons ce dernier le système capitaliste.

La libre pensée est par définition multiple car en prônant que chacun doit essayer de penser par lui-même, elle donne naissance à des idées différentes, alternatives. Et je pense que le FSM est un des espaces où cette libre pensée s’épanouit le plus.

Parlons plus concrètement maintenant et regardons de plus près les deux forces en présence.

Sans être caricatural, nous pouvons dire que le système capitaliste, en dehors du fait qu’il soit bon ou mauvais a souvent été présenté comme la seule solution viable. «There is no alternative». Il n’y a pas d’alternative…tels étaient les mots de Margaret Thatcher (Première Ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990) lorsqu’elle imposa un programme néo-libéral à son pays. Ronald Reagan fit de même aux États-Unis. Je ne cherche pas ici à savoir si que ce «traitement de choc» était nécessaire. Ce n’est en effet pas le but de ce texte.

Le but est de bien montrer cette tendance du capitalisme à vouloir «endoctriner» le plus de personnes possible en les incitant à ne pas remettre en cause les choses telles qu’elle sont étant donné qu’un autre monde est impossible.

Le Forum Social Mondial en naissant peu après le début de ce siècle a remis en cause, il me semble,  cette Pensée Unique.

Ainsi, le FSM ne se fixe pas uniquement comme objectif de faire passer la mouvance altermondialiste de l’opposition au système vers la proposition d’alternative. Cet espace vise en plus à être ouvert à TOUTES les propositions d’alternatives, en les encourageant à se traduire par des actions concrètes mais en ne favorisant pas, dans la mesure du possible, une solution par rapport à une autre. Le FSM fonctionne plutôt par consensus quand il doit absolument prendre une décision commune à tous.

Évidemment des problèmes subsistent comme la légitimité du Conseil International à gérer le processus du FSM, ce dernier n’ayant jamais fait l’objet d’une quelconque élection qui lui aurait donné mandat d’action. Il est aussi flagrant que le Forum est encore loin de son objectif qui est de faire émerger des propositions vraiment concrètes. Quelques-unes existent mais l’effort n’est pas encore toujours systématique ni coordonné. Mais prenons le problème de la sécurité internationale, exemple parmi tant d’autres : certains proposent une simple réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, d’autres la création de nouvelles institutions internationales. Au niveau économique, les partisans de la décroissance tiennent leurs discours à quelques encablures de ceux qui réfléchissent à une aide au développement plus juste et efficace. On voit donc que les solutions proposées sont multiples et toutes examinées avec la même honnêteté par les participants, bien qu’ils aient toujours une préférence personnelle pour l’une ou pour l’autre (ce qui est normal et souhaitable).

C’est pourquoi je soutiens ici que le FSM est un des espaces majeurs de(s) libre(s) pensée(s) au sein du système global dans lequel nous vivons et où malheureusement, la Pensée Unique prends bien trop de place… Et à ceux qui soutiendraient encore qu’il n’y a aucune alternative, bien que je respecte leur opinion, je leur conseillerai de réfléchir activement à cette magnifique pensée d’Edgar Morin :

«Vouloir un monde meilleur, ce qui est notre principale aspiration, ne signifie pas vouloir le meilleur des mondes. À l’inverse, renoncer au meilleur des mondes n’est pas renoncer à un monde meilleur. » (dans Éduquer pour l’ère planétaire)

De retour du Forum Social Mondial (FSM), la tête pleine d’images, de rythmes et d’interrogations !

Par Marie-Josée Massicotte (professeure à l’université d’Ottawa)

Après les péripéties des embouteillages locaux et quatre vols d’avion contribuant encore aux gaz à effet de serre, que rapporte-t-on de cette expérience du Forum social amazonien? Des étudiants exténués, des bagages ultra-humides, des nuits sans sommeil, mais surtout des rencontres comme nulle part ailleurs… et des têtes pleines de rythmes, d’idées, de projets et d’interrogations. Des ateliers spontanément organisés ou parfaitement planifiés qui se transforment sous nos yeux, par des participants peu ou pas du tout intéressés à suivre un ordre du jour établi par d’autres. Des gens qui participent pour une toute première fois à un forum social qui se lèvent pour prendre la parole et exprimer haut et fort leurs frustrations par rapport à un monde d’exclusion, où les intellectuels même au sein des forums sociaux, continuent trop souvent à discuter entre eux, sans écouter ce que les mouvements populaires ont à dire.

Et pourtant, qu’ils le veuillent ou non, à Belém, porte de l’Amazonie, tous ont été exposés aux aléas du quotidien des peuples amazoniens, cette minorité parmi les peuples autochtones, si peu nombreuse après des siècles de surexploitation et de marginalisation par les autorités brésiliennes et autres. Malgré leur nombre, comme l’affirmait si bien Boaventura de Sousa Santos, ces gens ont quitté la «sociologie des absents». Les peuples de l’Amazonie sont bel et bien présents et ils refusent de demeurer silencieux et invisibles! Ils émergent comme une force novatrice avec laquelle on doit compter. Novatrice entre autres parce que ces marginalisés de la dite modernité évoluent dans d’autres espaces et temporalités, et selon d’autres valeurs et d’autres façons d’interagir. En tant que Nord-Américains, fortement urbanisés pour la plupart d’entre nous, nous avons tout à apprendre de leurs savoirs et leurs visions du monde, ancrés dans cette relation symbiotique avec l’environnement, la terre nourricière, l’eau, source de vie et moyen de transport. Autochtones ou non, plusieurs des participants au FSM 2009 ont en effet navigué plusieurs jours car pour une fois, ils pouvaient se permettent de voir de leur propre yeux un Forum social mondial. On a ainsi côtoyé de nombreux jeunes brésiliens, et des moins jeunes, qui sont venus des diverses régions avoisinantes afin de rencontrer d’autres participant-e-s, et surtout, de partager leurs expériences et de faire connaître leur histoire.

Les multiples rencontres ont ainsi permis aux habitants de la ville de Belém et à plus de 100 000 participants inscrits et présents au FSM 2009 de constater comment, très souvent, les autochtones sont les premiers écologistes de cette planète. Imparfaits certes, mais ô combien plus conscients des richesses et des limites de notre monde! Ces peuples possèdent une connaissance directe de l’impact des changements climatiques, des grands projets hydro-électriques et de ceux des industries minières qui polluent et exploitent à outrance les ressources naturelles sur leurs terres ancestrales. Depuis des décennies, ces activités mettent en péril leur mode de vie et leur culture, tout comme c’est le cas pour les premières nations, ici même au Canada. Leur seul présence à Belém a transformé l’espace et a interpellé les participants de diverses façons. Ainsi, un étudiant de la délégation UNIALTER affirmait qu’il est urgent, chez nous au Canada de refaire les livres d’histoire afin que les jeunes cessent de méconnaître le savoir et l’expérience des premières nations. Une femme amazonienne s’est quant à elle indignée, lors d’un autre atelier, de voir que les participants du FSM ne sortent pas en masse afin d’appuyer les revendications autochtones auprès du gouvernement brésilien pour enfin mettre un terme aux grands projets de barrages qui mettent en péril l’avenir de plusieurs communautés. La justice sociale et environnementale, en bien des endroits, ce n’est ni un luxe, ni un discours à la mode, ni une conceptualisation théorique. C’est une urgence, ancrée dans l’immédiat, l’ici et le maintenant! Pour nous Nord-Américains qui entendons quotidiennement les appels à une consommation ‘solidaire’ face à la crise économique actuelle, et aux grands plans de sauvetage des banques irresponsables (pensez au Buy American/Canadian et aux campagnes de publicité des grands de l’automobile aux États-Unis), qu’est-ce que ça change? Que pouvons-nous rapporter de ces échanges lors du Forum social mondial? Va-t-on poursuivre nos activités comme avant, pris dans le rythme effréné de notre quotidien? J’ose croire que de telles expériences continueront à bousculer nos valeurs pour un bon moment, et peut-être, peut-être aussi à transformer petit à petit nos habitudes de vie! Aux quelques 75 participants de notre délégation, longue route et sachez garder les yeux et l’esprit ouvert. Et surtout, contaminez vos pairs de vos multiples réflexions!

Un autre monde est-il possible ? Compte-rendu du Forum Social Mondial 2009

Par Miranda Cobb (traduit par Anthony Côte)

Ayant été exposée à la rhétorique universitaire et les critiques de troisième main à propos de la quasi-mythique entité du Forum Social Mondial (FSM), je fuis la désolation hivernale d’Ottawa pour l’expérimenter moi-même au coeur de l’Amazonie brésilienne, troquant mes patins pour des sandales.

Du 27 janvier au 1er février, j’ai été l’une des quelques 100 000 personnes venues des quatre coins du monde participant au chaos semi-organisé des présentations, dialogues et performances artistiques qui en un seul évènement combinaient le 9ème FSM et le 5ème Forum Social Pan-Amazonien.

Le FSM, «contre-sommet» du Forum Économique Mondial, a attiré une foule « de gauche » très diverse : anarchistes, ONGs, syndicats, organisations religieuses, groupes de peuples indigènes, étudiants, professeurs, hommes et femmes «de terrain», partis politiques et ainsi de suite …

Il émergea alors une multitude de mondes différents : des gens faisant la fête au campement de la jeunesse, d’autres théorisant la signification de la mouvance FSMienne, quelques-uns expérimentant le campement écologique au « village de la paix », des personnes se faisant les porte-voix des luttes de leurs communautés, des mouvements cherchant à s’inter-connecter au sein de réseaux transnationaux et tous ceux faisant office de témoins de cet ensemble. Et ceci n’est qu’une citation non-exhaustive.

J’ai trouvé que la lettre de bienvenue présentée en première page du programme officiel – d’abord en portugais, ensuite en anglais, espagnol et français – m’a tout de suite mis dans le bain du discours implicite de ce forum : « Tenir le FSM en Amazonie témoigne de la reconnaissance de l’importance vitale des ressources naturelles qui existent encore dans cette partie du monde et qui sont extrêmement menacées par le modèle hégémonique. Cela valorise aussi l’incroyable capacité des peuples pan-amazoniens (peuples indigènes, habitants des berges fluviales, descendants d’esclaves, et travailleurs) de résister à la domination centenaire, l’exploitation et la destruction de leurs ressources naturelles, cultures et qualité de vie. »

Étant donné le contexte décrit ci-dessus, l’emphase était mise, lors du FSM, sur les peuples indigènes et leur environnement. Mais il se déroulait en tout temps une centaine d’ateliers, planifiés ou non, sur des sujets allant du changement climatique à la responsabilité corporative en passant par les modèles d’éducation alternatifs ou encore le futur du FSM et des mouvements altermondialistes.

Le FSM, comme toute bonne mouvance sociale, a aussi ses contradictions. Il se déroule dans les pays du Sud pour le rendre plus accessible aux pays et populations les plus pauvres. Les participants constituent une sorte de stimulation économique en envahissant les campings, auberges de jeunesse, hôtels et restaurants. Toutefois, à Belém, beaucoup des petits vendeurs de rue et des enfants des rues du centre-ville en furent chassés ou furent arrêtés tandis que la présence policière était doublée.

Le campement de la jeunesse, comprenant des centaines de tentes, était situé sur le campus de l’Université Fédérale Rurale d’Amazonie et à détruit les terrains où l’on étudiait les hévéas. L’afflux d’une centaine de milliers de personnes engendra une congestion critique des infrastructures de transport, bloquant totalement certaines parties de la ville.

Selon moi, la réelle force du Forum dont j’ai fait l’expérience (étant donné le gigantisme du FSM, il y avait maintes et maintes manières de le vivre) fut dans un premier temps de permettre une appropriation de l’espace par les opprimés et les sans-voix de ce monde. Ensuite cela permit de voir la vérité en face, racontée par ces personnes et de rééduquer la population globale aveuglés par la réalité factice des médias-jouets des corporations. Enfin, une connexion se fit entre tous les individus, groupes et mouvements sociaux luttant ensemble pour avoir accès à une plus grande place dans les sphères politiques, économiques et sociales autour du globe.

Pour ceux qui croient qu’un autre monde est possible, c’est un bon pas vers ce dernier.

Pistes d’amélioration pour le Forum Social Mondial

Par Anthony Côte

Quand on s’intéresse au Forum Social Mondial un tant soit peu sérieusement et honnêtement, on ne peut que constater l’espoir que ce dernier suscite en ce sens qu’il constitue vraiment une phénomène novateur. Ainsi, le Forum Social Mondial est un espace de réflexion et de construction d’alternatives viables au système actuel, trop injuste pour être acceptable. S’y retrouvent donc tout les individus, ONG, mouvements sociaux et autres, qui pensent qu’un autre monde est possible. En tant qu’espace, le FSM ne prend pas de décisions au nom de tout ses membres et n’agit pas de lui-même en leur nom. Toutefois, on note que vu l’extrême diversité des points de vue, les alternatives concrètes peinent à émerger ou tout du moins à être largement connues et adoptées. Certains disent que le FSM devrait abandonner un de ses principes de base qui est de ne pas parler au nom des participants et réformer sa structure, passant d’un espace ouvert et non-représentatif à un acteur politique unitaire, se rapprochant du même coup de ce qu’on pourrait appeler un lobby altermondialiste.

Je ne partage pas cet avis et pense que faire du FSM un groupe de pression altermondialiste global serait le priver de ce qui fait sa spécificité, ce que je nomme le « réseau d’unicités ». En ce sens que chaque individu ou mouvement a des différences de points de vue mais que tous peuvent trouver leur place au sein d’un réseau ouvert et porteur de quelques positions communes très larges mais très fortes comme l’opposition au néolibéralisme et la promotion du respect des droits humains par exemple.

S’inscrivant en droite ligne de la volonté de ne pas faire du FSM un acteur politique unitaire, le but de ce texte est donc de trouver un moyen d’avoir plus d’impact en termes de visibilité et d’action, autant au niveau global que local sans altérer la philosophie d’ouverture qui caractérise le FSM.

Pendant le Forum, étant témoin du processus des conférences, ateliers et de tout ce qui fait un Forum, je remarquais de concert avec un certain nombre de participants la disproportion de l’information et des tentatives de «conscientisation» par rapport à la recherche de pistes d’actions (et de solutions) réelles et concrètes aux problèmes dénoncés par tous les participants.

Par exemple, j’ai assisté à un atelier sur les exactions de compagnies minières britanniques en Amérique du Sud perpétrées envers les populations locales qui osaient contester le pillage de leurs ressources naturelles et la destruction de leur environnement. Les organisateurs de cet atelier ont passé les trois heures qui leur étaient octroyées à nous exposer la situation concrète. Cela fut fort intéressant mais il aurait été encore plus enrichissant de réserver un certain temps (une heure par exemple) à chercher tous ensemble une réponse à la question essentielle selon moi : que pouvons-nous faire pour stopper ces injustices, destructions et exactions ?

Car comme disait un de mes compagnons de voyage, il est dommage d’aller au FSM pour connaître encore plus de problème mais aucune nouvelle piste de solution…

Peut-être cette vision des choses est-elle partielle et partiale mais je ne peux parler que de ce que je sais (i.e pas grand chose) et expérimente (même remarque que précédemment). Après tout, je ne suis qu’un étudiant de première année universitaire !

Mais revenons au coeur du sujet. Suite à mon expérience de Belém, il m’est venu une idée que je pensais intéressante (j’ai entendu plus tard qu’une assemblée sectorielle en avait eu une semblable donc je suis pas un génie…une autre fois peut-être !). L’idée serait d’organiser quelques mécanismes incitatifs non-obligatoires pour rendre les ateliers plus créatifs (je n’aimes pas beaucoup le mot «productif» pour des raisons qui me semblent évidentes) et orientés vers l’action tout en gardant la partie plus informative et réflexive.

Ces incitatifs sont basés en grande partie sur deux choses :

– Premièrement, une assemblée des mouvements sociaux spécifique à chaque objectif/axe thématique (une pour les menaces environnementales, une autre sur les sujets économiques, une troisième sur la sécurité globale et ainsi de suite, suivant de ce fait les principaux sujets débattus au sein de la mouvance altermondialiste). Ces assemblées sectorielles tiendraient réunion à la fin de chaque journée afin d’effectuer une synthèse de ce qui a été évoqué dans les ateliers pertinents durant les 24 dernières heures. Par ce mécanisme, nous pourrions avoir plus d’idées et un matériau brut substantif sur lequel travailler à la fin du Forum.

– Deuxièmement, une invitation faite à chaque «équipe d’atelier» (la combinaison des participants et des organisateurs d’un atelier) de fournir un document écrit à la fin de leur atelier (une simple feuille manuscrite serait parfaite) à un «bureau de collecte/agglutination». Ce document présenterait plusieurs «pistes d’actions» concrètes (qui sont dans mon esprit différentes des plans d’action, ces derniers étant plus rigides et définitifs) que chaque  équipe d’atelier propose pour aider à régler les problèmes soulevés durant leur présentation ou leur atelier.

Chacune de ces pistes d’action spécifiquement proposées par chaque atelier serait par la suite archivée dans un programme des pistes d’action. Ce sont exactement les mêmes structure et procédure organisationnelle que pour le processus d’auto-programmation se déroulant avant l’ouverture du Forum. La seule différence serait le basculement d’une procédure d’entrée vers une procédure de sortie (en langue de Shakespeare de l’input à l’output).

L’intérêt d’une telle procédure est qu’elle propose des solutions uniquement au nom des participants spécifiques de chaque atelier et non au nom du Forum dans son ensemble. Il y a donc des sorties, des «résultats» du Forum mais ce dernier garde ce caractère d’espace ouvert, cosmopolite, non-unitaire et non-représentatif qui fait toute son unicité.

En fin de compte, grâce à ce mécanisme de «compilation des propositions de pistes d’action», je penses que nous aurons une trace durable dans un seul document (il est très clair, je l’espère, que ceci n’est pas le moins du monde une déclaration finale ou un programme commun unitaire) de la plupart des fantastiques solutions émergeant du FSM durant une semaine mais qui s’évanouissent trop souvent dans les airs alors que les participants embarquent dans l’avion du retour…

En adoptant un tel incitatif, nous contribuerions à faire avancer le forum vers son objectif  de constituer un espace d’émergence de solutions alternatives sans pour autant altérer sa philosophie d’ouverture envers toutes les idées alternatives et de refus du rôle d’acteur politique unitaire.

De surcroît (et finalement !), ce système permettrait, il me semble, de faire taire la majorité des critiques partiellement fondées qui soutiennent que le Forum est plus un espace de «pensée magique» (dans l’idiome de William le «wishful-thinking») que le bouillonnant chaudron d’idées et actions alternatives qu’il était censé être (ou appelé à le devenir) lors de ses débuts il y a presque dix ans.

Voici ma très mince et humble contribution personnelle à la discussion et réflexion sur le futur du FSM. Je serais très heureux et honoré d’avoir quelques réactions de votre part à propos de ce petit mécanisme de «collecte des pistes de solution». C’est, il me semble, un incitatif non-obligatoire assez intéressant pour faire bouger encore plus les gens vers un (des) autre(s) monde(s) que nous souhaitons tous vraiment et profondément, j’en suis sûr, même si parfois le désespoir nous fait percevoir ce(s) projet(s) comme une utopie plutôt que comme une réalité en devenir…

Et comme il était écrit (en anglais) sur un mur lors du FSM de Mumbai : « Il n’y a pas de garantie que nous ferons mieux, mais il n’y a aucune raison de ne pas essayer ».

L’ensemble des contributeurs étaient membres de la délégation UNIALTER, qui s’est rendue au FSM 2009, au Brésil.


** Objet Social Non Identifié, appellation dont la paternité est attribuable à notre cher collègue Germain Schmid.

[1] Building Global Democracy. [En ligne] http://www.buildingglobaldemocracy.org/ (page consulté le 9 février 2009)

[2] Haganah était une force armée sioniste pour la défense des Juifs émigrés en Palestine.

[3] Pour plus d’informations à propos de ce projet, visiter le site http://www.iampalestinian.info

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