Avec plus de 200 millions de musulmans soit 88 % de la population, l’Indonésie est le pays avec le plus de musulmans au monde (Pew research center, 2011). Malgré cela, la prostitution y est encore très importante et a un statut juridique très flou. En effet, il n’y a pas et il n’y a jamais eu de loi interdisant la vente de services sexuels en Indonésie. La prostitution est encore aujourd’hui un sujet tabou qui est évité par les politiciens (Terence, 2017, 78). On se demande alors pourquoi dans un pays si conservateur la prostitution a toujours été toléré.
Ce que dit la loi indonésienne :
La loi n’interdit pas la vente de services sexuels, mais elle criminalise ceux qui aident et facilitent les activités illégales. Elle interdit aussi le trafique des femmes et garçons mineurs. Les articles concernés sont les articles 296 et 297 du code pénal. (Terence, 2017, 76)
Article 296:
Les personnes dont les actions ou les attitudes conduisent ou facilitent intentionnellement des activités sexuelles illégales avec d’autres personnes seront condamnées à une peine d’un an et quatre mois de prison ou à une amende de 15 000 roupies.
Article 297:
La traite des femmes ou des hommes mineurs est passible d’une peine maximale de six ans
l’emprisonnement. (Terence, 2017,76)
Un des problèmes est la définition du mot « mineur », car l’âge en dessous duquel une personne est considérée comme mineur change d’un article à l’autre. Aussi, une femme est considérée mineure si elle a en dessous de 21 ans dans le code pénal, mais si elle a en dessous de 21 ans et qu’elle est marié alors elle n’est plus mineur (Terence, 2017,76). Il y a donc un manque de clarté juridique concernant l’industrie du sexe. Qui sont les personnes qui facilitent les activités illégales et de quelles activités parle-t-on ?
L’aspect « immoral » de la prostitution :
Même si la prostitution est tolérée, les prostitués sont punis par la loi pour trouble à l’ordre publique et moral. Il y a une véritable contradiction dans les politiques mises en place par le gouvernement indonésien. D’un côté, on a créé des zones officielles au sein desquelles la prostitution est légale, les lokalisasi, (Riswanda et autres, 2017, 226) et d’un autre côté on punit les prostituées pour immoralité et on les envoie dans des centres de réhabilitation. Ces centres sont appelés centre de réhabilitation pour femmes immorales et le gouvernement en possède 22 dans tout le pays (Terence, 2017,78). La prostitution est vue comme quelque chose de plus en plus immoral par le gouvernement, car celui-ci devient plus conservateur qu’avant d’un point de vue religieux et il a de la pression de la part des organismes religieux pour punir plus sévèrement la prostitution (Riswanda et autre, 2017, 218). Même le discours religieux est parfois ambigu, la prostitution est immorale, mais en même temps elle répond à un besoin des hommes d’être satisfait sexuellement (Terence, 2017,84). Il y a aussi par exemple un problème entre la volonté de punir l’adultère zinah et ce que dit la loi.
Les conséquences :
Le manque de prise de position définitive et cohérente pose de nombreux problèmes. Le premier est une variation importante dans les politiques mises en place et donc dans les actions mises en place par la police pour réguler la prostitution (Riswanda, 2017, 217). De plus, le gouvernement a laisser le contrôle de la prostitution aux gouvernements locaux, ce qui a créé de grande différences entre les régions sur le contrôle et la pénalisation de la prostitution. Par exemple Aceh a adopté la sharia et a donc des politiques beaucoup plus dures alors que Bandung par exemple tolère la prostitution et a des stratégies pour la réduire dans certaines zone. À Bandung le gouvernement pense que en achetant des propriétés il va réduire le nombre propriétés disponible pour faire du commerce sexuel dans le red light district (Riswanda, 2017, 217).
Un autre problème est que la pénalisation morale amène une discrimination plus importante des prostituées. Le gouvernement les stigmatise et ne leur permet pas de vraiment se réinsérer dans la société en trouvant un bon emploi par exemple. La loi pénalise plus l’aspect moral plutôt que les clients et ne cherche pas à régler les problèmes de revenus. Dans un pays où 28 millions de personnes, soit 11 % de la population, vivent dans la pauvreté la prostitution est vu comme un moyen de gagner pas mal d’argent rapidement et de pouvoir subvenir à ses besoins et ceux de sa famille (Riswanda, 2017,218).
Le problème de la prostitution est grandissant en Indonésie et les nouvelles technologies ont apporté encore plus de moyens d’élargir l’industrie du sexe. Le gouvernement indonésien fait donc face à un réel besoin de politique clair pour régler le problème et mieux contrôler le secteur. Il devrait arrêter de se concentrer sur l’aspect immoral de la prostitution pour régler les réels problèmes que cela pose.
Bibliographie :
Hull, Terence H. « From Concubines to Prostitutes. A Partial History of Trade in Sexual Services in Indonesia », Moussons no. 29 (2017) : 65-93.
Pew research center. « table : Muslim population by country », 27 Janvier 2011, consulté le 31 mars 2020. https://www.pewforum.org/2011/01/27/table-muslim-population-by-country/
Riswanda, Corcoran- Nantes Yvonne et McIntyre-Mills Janet. « Re-framing Prostitution in Indonesia: A Critical Systemic Approach. », Springer Science+Business Media 29, (2016) : 517-539. 10.1007/s11213-016-9379-2
Riswanda, Corcoran- Nantes Yvonne et McIntyre-Mills Janet. « Prostitution and Human Rights in Indonesia: A Critical Systemic Review of Policy Discourses and Scenarios », Springer Science+Business Media 30, (2017) : 213-237. 10.1007/s11213-016-9393-4
Surtees, Rebecca. « Traditional and Emergent Sex Work in Urban Indonesia », Intersections : gender, history and culture in the Asian context 10, (2004).