Par Laurianne Bossé
En 1962, en pleine guerre du Vietnam, le Laos affirme sa position de non-alignement dans le conflit qui confronte l’Est et l’Ouest et, sous la directive des ententes prises à Genève, toutes les troupes armées étrangères sont forcées de quitter le territoire. Or, le Vietnam, qui nie avoir des troupes en sol lao, ainsi que des troupes locales supportées par la CIA, continuent leurs affrontements dans une ère qu’on dénomme maintenant « l’ère de la Guerre secrète ». (Stanbridge, 2011)
De 1962 à 1973, les troupes nord-vietnamiennes infiltrent le Vietnam du Sud et s’approvisionnent en passant par la Piste d’Hô Chi Minh. (Stanbridge, 2011) Cette route est cependant située en territoire lao, le long de la frontière partagée par le Vietnam et le Laos. Afin de ralentir le progrès des troupes communistes ennemies, les États-Unis menèrent une campagne de bombardement qui a dévasté le pays. (Kingshill, 1990)
Cependant, même si la guerre était menée entre le Vietnam et les États-Unis, il reste que tout compte fait, les ravages causés à cette époque se font encore ressentir au pays aujourd’hui. Avant d’être récemment surpassé par l’Irak, le Laos était officiellement le pays le plus bombardé au cours de l’histoire. (Stanbridge, 2011) En effet, les quantités larguées sur le Laos entre 1964 et 1973 équivalent à la cargaison d’un avion entier larguée toutes les huit minutes, 24 heures sur 24, pendant une période de 9 ans (Khamvongsa et Russell, 2009, p. 289), et ce, sur un territoire approximativement 6,5 fois plus petit que la province de Québec. Certes, les États-Unis clament n’avoir que répondu aux attaques des soldats nord-vietnamiens qui brisaient les Accords de Genève, mais la force utilisée par cette puissance militaire peut néanmoins sembler disproportionnée.
Ainsi, encore à ce jour, le territoire lao est parsemé de ce qu’on appelle des unexploded ordnances (UXO), qui sont en fait des engins non explosés et qui, depuis la fin de la guerre, ne cessent de faire des victimes parmi les civils lao. Certes, les bombardements eux-mêmes ont, à l’époque, décimé des villages entiers, mais, aujourd’hui, ce sont les restes de ces événements qui posent problème. (Kingshill, 1990)
En effet, la gestion des UXO est coûteuse et le Laos n’a pas les moyens financiers d’une part d’imdemniser les paysans blessés par ces engins, et d’autre part de payer pour leur extraction. Or, la présence même de ces engins pose un frein au développement économique du pays de sorte que l’État se retrouve pris dans une sorte de cercle vicieux dont la seule échappatoire est le financement. En effet, le Laos étant un pays principalement agraire, ces UXO diminuent énormément la capacité de la population à cultiver la terre en plus de présenter un danger énorme pour la sécurité de celle-ci (Lovering, 2001) ce qui nuit à l’économie du pays et amoindrit ses capacités financières quant à l’extraction des UXO. Or, la population étant elle aussi assez pauvre, il arrive que certains paysans tentent de désamorcer eux-mêmes les bombes qui parsèment leurs terres dans l’espoir de pouvoir revendre les parties métalliques récupérées des UXO. (Khamvongsa et Russell, 2009) Et cela ne tient pas compte des nombreuses explosions accidentelles qui peuvent survenir : de 1973 à 2009, on estime que près de 40% des civils blessés ou tués par ces engins sont des enfants. (Khamvongsa et Russell, 2009, p. 293) La plupart de ces enfants sont de jeunes garçons qui, sans le savoir, tombaient sur ce que les Lao appellent maintenant « bombies », c’est-à-dire de toutes petites bombes ayant la taille et la forme d’un ballon.
Ce n’est qu’à partir de 1994, soit près de 20 ans après la fin de la guerre, que le Laos reçut enfin de l’aide dans l’extraction des UXO disséminées sur son territoire. Ce sont le Mines Advisory Group (MAG), basé au Royaume-Uni, ainsi que le Mennonite Central Committee des États-Unis qui furent les premiers à mettre en place un programme pilote d’extraction des UXO. Suite à cela, le UXO Lao fut formé en 1996, un groupe travaillant en partenariat avec les Nations Unies. (Khamvongsa et Russell, 2009) Malgré tout, le processus en lui-même demeure lent et laborieux.
35 ans après la fin de la guerre, le gouvernement lao peinait toujours à subvenir aux besoins essentiels de sa population. L’État s’ouvre cependant de plus en plus à l’international et, depuis les années 2000, il connaît une bonne croissance économique. (Khamvongsa et Russell, 2009) Ainsi, malgré le fait que les conséquences des bombardements américains lors de la Guerre secrète soient encore bien présentes, le Laos parvient tout de même à se remettre sur pied son économie auparavant en déroute.
Bibliographie :
Khamvongsa, Channapha et Russell, Elaine (2009) « Legacies of War » Critical Asian Studies, 41,2: 281-306.
Kingshill, Kenneth P. (1990) « Present-Day Effects of United States Bombing of Laos during the Vietnam War: Can Injured Laotians Recover under the Federal Tort Claims Act » Loyola of Los Angeles International and Comparative Law Journal 13,1: 133-178.
Lovering, Daniel (2001) « Taming the Killing Fields of Laos » Scientific American 285,2: 66-71.
Stanbridge, Andrew (2011) « UXO in Laos: A Multifaceted Look at Bombs from the Secret War Era. » Anthropology Now 3,2: 48-61.