Le Vietnam : du Doi Moi à la déforestation?

Aujourd’hui, le Vietnam est l’un des pays les plus dynamiques de l’ASEAN. Or, la croissance économique et démographique que connaît le Vietnam vient accompagnée d’un recul de ses forêts. En 1970, 55 % du territoire était couvert par la forêt, et en 1990, l’aire forestière était de 17% (de Koninck, 1998). Bien que le Vietnam, à l’aide de politiques environnementales, a regagné quelques hectares de forêt, le problème de la déforestation est loin d’être réglé. Alors, quelles sont les causes de la déforestation au Vietnam et quel est le poids de l’agriculture avec la déforestation?

 

Le Doi Moi: le début de la mondialisation vietnamienne?

La mondialisation au Vietnam commence à partir de la période du Doi Moi “le renouveau”. Le Doi Moi consiste en une période de réformes économiques mises en place depuis 1986. Celles-ci avaient l’objectif de permettre une ouverture aux marchés mondiaux tout en conservant une structure communiste (Roche, de Koninck, 2002). À l’époque, le Vietnam était endetté et appauvri à cause de son régime politique rigide et fermé suite à l’effondrement de l’URSS. Ces réformes économiques avaient pour but de passer d’une économie planifiée à une économie de marché (Buchot, 2019). À partir de cette période, le Vietnam fait son entrée dans la mondialisation et aujourd’hui, ce pays est un pays agricole et une puissance industrielle et a augmenté le secteur privé (Beresford, Fraser, 1992). Le Doi Moi a sans doute porté fruit puisque 30 ans après les réformes, le PIB du pays a augmenté de 6,7% en 2015, 6,2% en 2016, 6.8% en 2017 et 7,4% en 2018 (Buchot, 2019). En 2007, le Vietnam devient membre de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce), et est le 1er pays émergent à avoir conclu un traité de libre échange avec l’Union européenne.

 

Alors, quelles sont les causes de la déforestation au Vietnam:

Paysage au nord-ouest du Vietnam (ces paysages sont considérés comme les plus beaux au monde) Crédits: ©VIETNAMNET Bridge, 2016.

Plusieurs causes sont à l’origine de la déforestation. Le Vietnam dispose dans son territoire des conditions naturelles et des ressources propices pour développer différents types de forêts tropicales comme les forêts pluviales (rainforest) et les forêts de mousson à saison sèche (Roche, de Koninck, 2002). Les conditions du pays vietnamien sont favorables à l’agriculture. Ce pays exporte beaucoup de céréales, comme le riz, et le nombre d’hectares de terre dédié à sa production a presque doublé à nos jours (de 5 à 9 millions d’hectares. Sept millions de tonnes de riz sont exportées annuellement (Buchot, 2019). L’augmentation de la production est due à la croissance démographique qu’a vécue le pays, en 1997, ce pays comptait 78 millions d’habitants! Cela veut dire qu’il y a environ 200 habitants par kilomètre carré. Puis, selon des données présentées par WordOmeter, la population du Vietnam en 2020 dépasse les 97 millions d’habitants.

Ainsi, la forêt primaire vietnamienne est celle qui se trouve la plus menacée à cause de la croissance démographique qui affecte les forets (Roche, de Koninck, 2002). L’agriculture, plus précisément la colonisation agricole, constitue l’un des principaux facteurs qui expliquent la déforestation. Depuis la réunification du Vietnam entre les années 1975-1976, une redistribution géographique a eu lieu, appelé la colonisation agricole. Plusieurs habitants ont migré des plaines aux régions forestières pour développer l’agriculture. C’est le résultat des nouvelles zones économiques (NZE) (Thuy et al., 2012). Ainsi, les terres agricoles ont connu une croissance de 60% de 1975 à 1990, soit de 4.3 millions d’ha à 6.9 millions d’ha (de Koninck, 1998).

Parmi ces migrations, la question ethnique est importante, car la majorité des groupes ethniques au pays pratiquent une agriculture itinérante, mais ceux-ci sont souvent perçus comme les responsables de la déforestation (Déry, 2005). Cependant, l’agriculture itinérante est différente de l’essartage qui est majoritairement utilisé par les firmes internationales et les grandes corporations.

De 2000-2010, 0,65 million d’ha de forêts ont été détruites (Van Khuc et al., 2018). Cependant, les guerres successives qui ont eu lieu sur le territoire et l’exploitation des ressources forestières pendant la période de guerre ont aussi occasionné la dégradation des forêts. 23% de la superficie boisée a été anéantie par les bombardements des aviations américaines et françaises (de Koninck, 1998).

 

Quelles solutions pour réduire l’impact de la déforestation?

Déforestation dans la commune de Nam Son Crédits: ©VIETNAMNET Bridge, 2017.

Le niveau de déforestation au Vietnam demande des solutions efficaces et une plus grande considération par le gouvernement de l’enjeu qu’elle représente. En 2010, il y avait 13 797 000 d’ha de forêt et aujourd’hui 12.9 millions d’ha et seulement 85 000 d’ha consiste de forêt primaire (Buchot, 2019). Les chiffres démontrent la gravité du problème, mais malgré tout, ce pays a réussi à augmenter sa couverture forestière. Cette dernière, a augmenté de 4.1 millions d’ha en 2009 avec des programmes de reboisement massif et une réforme nationale (Thuy et al., 2012). Ces mesures ont été prises dans le cadre du REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation) une initiative transnationale pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre produites par la déforestation (Meyfrod et al., 2009). Or, au Vietnam, les régions les plus couvertes de forêts sont celles où se concentrent les plus hauts niveaux de pauvreté (Thuy et al., 2012).  Il est probable qu’il faut régler la pauvreté avant pour réduire la déforestation. Même si le Vietnam a réussi à accroître certaines zones forestières, le nombre total d’ha de forêts continue à réduire. Le REDD et l’ensemble de ces promoteurs favorisent les solutions économiques et financières. Or, les solutions proposées par le REDD conçoivent le CO2 comme une sorte de bien à commercialiser. De ce fait, les stocks de gaz à effet de serre  peuvent être vendus (Demaze, 2010). Reconsidérer les enjeux et les solutions à la déforestation est nécessaire.

 

Bibliographie: 

Bouchot, A. (2019). Le Viêtnam : miroir des défis environnementaux, sanitaires et alimentaires. Dans : Sébastien Abis éd., Le Déméter 2019, 69-90. IRIS éditions. DOI:10.3917/iris.abis.2019.01.0069.

Roche, Y., De Koninck, R. (2002). « Les enjeux de la déforestation au Vietnam », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, 3(1). Repéré à http://journals.openedition.org/vertigo/4113.

De Koninck, R. (1998). La logique de la déforestation en Asie du Sud-Est. In: Cahiers d’outre-mer. N° 204 – 51e année. Déforestation en Asie du Sud-est, 339-366. DOI : https://doi.org/10.3406/caoum.1998.3702

Demaze, M. (2010). Éviter ou réduire la déforestation pour atténuer le changement climatique : Le pari de la REDD / Avoid or reduce deforestation to mitigate climate change: The REDD challenge. Annales De Géographie, 119(674), 338-358. Repéré à www.jstor.org/stable/23457843

Déry, S. (2003). « Distinctions ethniques et déforestation au Việt Nam », Études rurales, 165-166 mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 22 mars 2020. Repéré à http://journals.openedition.org/etudesrurales/8002.

Meyfroidt, P., Lambin, E., & Turner, B. (2009). Forest Transition in Vietnam and Displacement of Deforestation Abroad. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 106(38), 16139-16144. Consulté le 21 mars 2020. Repéré à www.jstor.org/stable/40485034

Thuy, P., Moeliono, M., Hien, N., Tho, N., & Hien, V. (2012). The context of REDD in Vietnam: Drivers, agents and institutions. Center for International Forestry Research, 1-12. Consulté le 21 mars 2020. Repéré à www.jstor.org/stable/resrep02208.8

Van Khuc, Q., Quang Tran, B., Meyfroidt, P., Paschke,W, M. (2018). Drivers of deforestation and forest degradation in Vietnam: An exploratory analysis at the national level,

Forest Policy and Economics, Volume 90, 128-141. Repéré à https://doi.org/10.1016/j.forpol.2018.02.004.

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