Avez-vous déjà entendu parler de l’île de Bornéo? L’image d’une île paradisiaque vous vient-elle en tête lorsque vous entendez son nom? Il s’avère que cette île abrite également le sultanat de Brunei, une nation pétrolière parmi les plus riches de la région Sud-Est asiatique.
Ce pays, avec une population totale de 464 478 personnes, soit une population encore plus petite que la ville de Laval1, base la presque totalité de son économie sur l’exportation de pétrole. D’ailleurs, la fameuse compagnie Shell est le deuxième plus grand employeur du pays après le gouvernement lui-même2.
Problématique de diversification
Cependant, le pétrole est-il vraiment l’unique voie de la pérennité pour le pays? De baser toute une économie sur une seule ressource revient à mettre tous les œufs dans le même panier, et le sultanat en est conscient. En agissant ainsi, il s’expose à des risques comme une variation du prix du pétrole, un délaissement de cette ressource à l’échelle internationale ou même un épuisement de ses propres réserves. Dans les trois cas, le pays en souffrirait durement.
Afin de pallier ce problème, des plans de diversification de l’économie sont successivement mis en place depuis 1962, pourtant, 58 ans plus tard, leur succès est encore mitigé. Mais qu’est-ce qui freine leur efficacité? Des experts se sont penché sur la question3. Les Brunéiens semblent ne pas ressentir de pression pour investir dans d’autres ressources. Après tout, la quantité réelle de pétrole se trouvant encore dans le sous-sol du pays est inconnue, les citoyens ne savent donc pas s’ils doivent urgemment, ou non, tenter d’explorer d’autres secteurs économiques. De plus, avec à peine plus de 400 000 personnes sur le territoire, il est difficile de réaliser des économies d’échelle qui pourraient rendre compétitives plusieurs industries simultanément.3
Malgré cela, certains croient que le pays doit agir immédiatement pour éviter une crise à long terme, et pensent que les investisseurs étrangers sont la clé de sa stabilité. Pour attirer les investisseurs, il faut cependant créer un environnement qui inspire confiance à ces derniers. Toutefois, le risque d’interventionisme de l’État effraie les potentiels investisseurs, ce qui explique partiellement la difficulté à atteindre cet objectif.4 Malgré tout, les Brunéiens persistent. Ils pourraient d’ailleurs faire passer la diversification par les petites et moyennes entreprises représentant 98.37% de toutes leurs entreprises.5&6
Les experts proposent une autre piste de solution, soit de produire à l’intérieur du pays ce qui est présentement importé. Par exemple, le Brunei importe environ 772 millions de dollars de machinerie chaque année, majoritairement pour sa production pétrolière. En comparaison, c’est un montant environ 3 fois plus élevé que le coût de la nourriture pour toute la population pour l’année entière.7 De construire cette machinerie demande cependant une forte volonté de la part de l’administration publique du pays. Cette dernière devrait trouver une façon d’attirer davantage de main d’œuvre des pays environnants, sans nécessairement offrir à ces nouveaux travailleurs les mêmes conditions que les citoyens, sans quoi l’État devrait payer pour eux les services de santé et d’éducation comme elle fait pour sa propre population.8 & 9
(Ci-dessous, un tableau interactif permettant d’explorer les importations du Brunei en 2017. Source: Observatory of Economic Complexity – 2017.)
Volonté de changement
Cet argumentaire explique en quelque sorte pourquoi la volonté de transition économique est si faible au Brunei. La vente de pétrole engendre des revenus substantiels pour l’État. La diversification économique engendrerait soit des coûts supplémentaires, soit un partage des bénéfices. Pourquoi changer? Tant et aussi longtemps que la rente pétrolière permettra aux Brunéiens de vivre avec des standards de vie substantiels, il semble que seule une force majeure, comme une crise pétrolière ou un épuisement des réserves, puisse forcer le sultanat à prendre des mesures draconniennes pour diversifier son économie. Cette étude de cas nous offre d’ailleurs un parallèle intéressant avec la crise climatique. Les économies prendront-elles des mesures radicales afin de réduire leur impact environnemental tant et aussi longtemps que la situation ne les force pas à le faire?10
Quelle est donc la meilleure solution pour la nation? Probablement la situation actuelle. Un rapport du Fonds Monétaire International (FMI) rapporte que la baisse acceptable du prix du pétrole depuis 2014 a forcé le pays à prendre des décisions importantes pour se diversifier, sans remettre en question l’importance de sa production pétrolière. C’est aujourd’hui avec un secteur financier plus développé, et des investissements extérieurs plus diversifiés que le Brunei Darussalam peut se considérer en meilleure posture qu’à la publication de son dernier plan de diversification.11
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Bibliographie
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Blomqvist, Hans C.. 1998. « The endogenous state of Brunei Darussalam: The traditional society versus economic development ». The Pacific Review Vol. 11 (No.4): 541-559.
Brunei Shell. 2020. Welcome to Brunei Shell Petroleum. En ligne. https://www.bsp.com.bn/main/default.aspx/ (page consultée le 9 février 2020).
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Tasie. George. 2009. « Globalization and economic diversification in the Sultanate of Brunei ». African journal of Business Management Vol. 3 (No. 10): 511-520.
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Siddiqui, Shamim Amhad, Abdul A. Hashim et Abu N. M. Wahid. 1996. « Economic and Social Policies of Brunei: An Empirical Analysis ». Philippines Review of Economics Vol.33 (No. 1): 4-36.
Siddiqui, Shamim Amhad et Alaa Aldin Abdul Rahim Al Athamy. 2012. « Development and Growth through Economic Diversification: Are there Solutions for Continued Challenges Faced by Brunei Darussalam? ». Journal of Economics and Behavioral Studies Vol. 4 (No. 7): 397-413.
Tisdell, Clem. 2007. « Brunei’s quest for sustainable development: Diversification and other strategies ». Journal of the Asia Pacific Economy Vol. 3 (No. 3): 388-409.