L’enjeux du VIH s’inscrivant dans la culture au Cambodge

Par Mikaelle Hotte

 

Comme dans bien des pays aux quatre coins du globe au tournant des années 1990, la propagation du virus sidéen est devenu un enjeu d’ordre national (Guillou 2002, 1). Partout dans le monde, des politiques sont donc mises en place afin de protéger les tranches de la population les plus vulnérables. Afin de contrer la propagation de la maladie, l’insertion de programmes au sein même de la culture qui s’inscrivent dans le mode de vie des populations visées est très importante et la plus efficace. C’est d’ailleurs ce qu’a décidé de faire le gouvernement cambodgien lors des hausses de propagation dans les années 1990-2000. Une fois que l’enjeu de la sexualité et des crises qui peuvent en découler ont été bien cadré au niveau de la culture, un plan, somme toute efficace a pu être mis en place (Hsu 2005).

 

Portrait de l’enjeu du VIH et de la culture sexuelle cambodgienne

Pub Street, rue connue pour son offre de travailleuses sexuelles – Siem Reap

Les premiers cas de VIH au Cambodge sont détectés en 1991 par le Centre de Transfusion Sanguine (Guillou 2002, 1). Cette période correspond au même moment où le pays, dans une période d’intentions diplomatiques de fin de guerre, commence à s’ouvrir d’avantage aux pays voisins(Guillou 2002, 1). De plus, la présence massive de Casques Bleus et de personnel de l’ONU avec comme objectif l’instauration de la paix (1992-1993) dans la région peut aussi expliquer l’importation du virus à l’intérieur des frontières cambodgiennes (Guillou 2002, 1). En 1995, la branche du ministère de la santé se concentrant sur le virus, dresse un portrait de la situation en faisant une enquête épidémiologique à travers le pays (Guillou 2002, 1–2). Les résultats sont très semblables ceux présentés par la Thaïlande : les travailleuses du sexe et leurs clients masculins sont les principaux touchés (Guillou 2002, 1). C’est environ 40% des femmes qui travaillent dans les maisons closes qui sont affectées par le sida (Guillou 2002, 2).

Les provinces les plus touchées sont celles se retrouvant entre le Vietnam et la Thaïlande, créant un corridor où plus de femmes décident de se diriger vers le travail sexuel surnommé la Route 5 (Guillou 2002, 3). C’est en effet tout un réseau qui s’installe autour du recrutement de ces femmes dans ce corridor où les activités sont les plus lucratives par la grandes présence de militaires ou de policiers (Guillou 2002, 2). Les jeunes femmes des zones rurales avoisinantes sont recrutées par d’autres femmes qui les introduisent au milieu de la scène urbaines et des bars (Hoefinger 2013, 109). Bien que le milieu du travail du sexe soit perçu de manière plutôt péjorative au sein des communautés rurales car il défie les normes judéo-chrétiennes et incite la libération sexuelle, les femmes tirent leur légitimité de pratiquer de tels métiers par l’indépendance économique que ceux-ci impliquent (Hoefinger 2013, 109). Beaucoup de femmes partent donc pour les centres urbains afin d’amasser de l’argent qu’elles ramènent dans leurs communautés rurales par la suite (Hoefinger 2013, 109). De façon générale, les métiers reliés à l’industrie de la prostitution sont aussi vus d’un meilleur œil quand ceux-ci font en sorte que des Cambodgiennes peuvent fréquenter des Occidentaux (Hoefinger 2013, 120). Bref, pour plusieurs de ces avantages, les femmes voient une opportunité d’élévation de statut dans l’industrie, même si elles se mettent plus souvent qu’autrement à risque de contracter le VIH.

 

Gestion politique de la propagation du VIH

Au début de l’année 2000, le gouvernement cambodgien décide de mettre sur pieds un programme afin de contrer la propagation du virus dans ce corridor à risque qui se nomme l’École de vie des agriculteurs (Hsu 2005, 781). Ceci permettait à l’État de soutenir les régions éloignées en éducation, mais aussi de contrôler un message de prévention face à la maladie, même pour les gens les plus à risques, surtout dû à leur statut socioéconomique et de leur position géographique (Hsu 2005, 781). C’est un partenariat entre le gouvernement fédéral, la FAO et le PNUD, ce qui assurait l’inclusion de plusieurs champs d’expertise dans le déploiement de ce programme(Hsu 2005, 781). Les thèmes abordés dans les ateliers de ce programme sont le planning familial, l’utilisation de pesticides et la protection face aux ITS, plus précisément le VIH (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture 2001).

Au final, les écoles forment plus de 30 000 personnes par années avec plus de 400 agriculteurs-enseignants (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture 2001). Cette approche s’éloigne des approches traditionnelles qui insistent sur la participation d’experts gouvernementaux de la santé en optant plutôt pour une éducation qui se transmet de pairs en pairs venant du milieu agricole (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture 2001).  Ceci encourage les gens issus de ce milieu à soit devenir agriculteur-enseignant ou à demander conseil à des individus qui comprennent leur situation particulière, augmentant par le fait même l’efficacité de transmission de connaissances sur les thèmes visés (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture 2001).

 

Sources :

Guillou, Anne Yvonne. 2002. “Les enfants des rues et le problème du Sida au Cambodge. Parcours féminins, parcours masculins.” Revue du GREJEM, no. 1: 29–41.

Hoefinger, Heidi. 2013. Sex, Love and Money in Cambodia : Professional Girlfriends and Transactional Relationships. Routledge. https://doi.org/10.4324/9780203550786.

Hsu, Lee-Nah. 2005. “Mettre En Place Une Gouvernance Démocratique Dynamique et Des Sociétés En Mesure de Résister Au Vih.” Revue Internationale Des Sciences Socialesn° 186 (4): 773–88.

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. 2001. “A l’école de La Vie Au Cambodge.” L’acutalité – FAO. 2001. http://www.fao.org/Nouvelle/2001/010603-f.htm.

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