L’ASEAN, un comité d’observation de la Birmanie?

Par Roxanne Lord D’Onofrio

Bien que l’économie de la Birmanie n’ait rien à se faire envier et que le pays vit plusieurs crises sociales depuis les dernières décennies, il n’en est pas moins un territoire de haute importance. En fait, l’espace occupé par la Birmanie représente un point important dans le carrefour maritime de l’Asie du Sud-Est.

La Birmanie, en rouge, a une position stratégique car elle fait la connexion entre l’océan Indien (à droite) et l’océan Pacifique (à gauche). Source: Wikipédia

Effectivement, il fait la connexion entre le sous-continent indien et l’Asie du Sud-Est [1]. De surcroît, par son emplacement, il a accès au détroit de Malacca. Ce détroit assure le passage du pétrole en Chine et au Japon. Aussi, il est la route qui fait la connexion entre l’océan indien et l’océan Pacifique. Ainsi, par son passage, une grande part du commerce maritime mondial circule. Pour les pays voisins de la Birmanie, ses eaux sont d’une importance capitale. Par conséquent, les débordements, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, qui pourraient affecter le processus de croissance et les activités économiques de la région.

Ainsi, les pays voisins, comme la Thaïlande, la Chine, l’Indonésie ou la Malaisie veulent garder un œil sur la Birmanie. Plusieurs mesures sont d’ailleurs mises en place afin de faciliter la cohésion entre la Birmanie et le reste de l’Asie du Sud-Est. En vigueur depuis 2008, l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est, association à laquelle la Birmanie fait partie) s’est armée d’une charte des droits de l’Homme [2]. L’ASEAN regroupe dix pays de l’Asie du Sud-Est. Elle avait été créée durant la guerre froide pour faire blocus aux mouvements communistes, dans la région.

logo de l’ASEAN. Source: ASEAN.org

Depuis sa création, l’ASEAN est connue pour adopter une attitude particulière par rapport aux relations internationales. En fait, elle met de l’avant des « valeurs asiatiques » qui s’appuient sur des principes très flexibles. En fait, les deux principes primordiaux de l’association sont la souveraineté et la non-ingérence[3]. Ainsi, l’adoption d’une Charte qui vient suggérer un comportement aux nations ne cadre pas du tout avec les basses actuelles de l’ASEAN. En ce sens plusieurs commentateurs avancent qu’il s’agit là d’une tentative de la part de l’ASEAN de réprimer les violations des droits de l’Homme en Birmanie [4].

Cependant, l’ASEAN n’est pas une association « forte » sur la scène internationale. En effet, par manque de budget et par des politiques laxistes, l’ASEAN ne réussit pas à devenir un gros joueur sur la scène internationale[5]. Cependant, parce que sa région abrite une grande part du commerce mondial, bon nombre de pays veulent travailler avec elle. Ainsi, sa réputation sur la scène internationale est importante. Cependant, les conséquences des problèmes internes de la Birmanie se font sentir à l’extérieur de ses frontières. En effet, la mauvaise réputation de la Birmanie met de l’ombre sur l’ensemble de la région. De plus, plusieurs pays ne veulent collaborer avec elle, ce qui peut miner les relations diplomatiques des autres pays.

En fait, depuis plusieurs années, diverses crises internes en territoire birman apparaissent aux yeux de la communauté asiatique comme un signe de faiblesse. Il s’agit de violations de droits humains envers certains groupes ethniques. Les persécutés deviennent des réfugiés dans les pays limitrophes. Ainsi, les problèmes internes birmans ont la capacité de s’exporter hors des frontières, donnant à la communauté de l’ASEAN un souci de plus. Le comportement de la Birmanie dans la gestion de ses crises, notamment la crise de Rohingyas qui sévit depuis plusieurs années, attire le mépris de la communauté internationale [6].En effet, lorsque l’ONU a décrit la crise comme étant un génocide, les yeux de la communauté internationale étaient rivés sur la région. Ainsi, l’inaction de l’ASEAN face à la violation des droits fondamentaux des Rphingya nuisait à la réputation de l’ASEAN. En effet, lorsque l’ONU a décrit la crise comme étant un génocide, les yeux de la communauté internationale étaient rivés sur la région. Ainsi, l’inaction de l’ASEAN, association de laquelle la Birmanie fait partie, nuisait à la réputation de l’ASEA. En ce sens, l’adoption d’une charte des droits humains par l’ASEAN est une manière de critiquer le comportement de la Birmanie [7]. En effet, les Birmans n’ont pas eu de véritables élections depuis une vingtaine d’années. Lorsqu’enfin le gouvernement militaire accepte de les mettre en place, Aung San Suu Kyi est mise au pouvoir. Sa gestion des crises internes laisse croire à la communauté internationale que le gouvernement birman est quelque peu indifférent face aux bafouements des droits humains [8].

Les États membres de l’ASEAN, comme la Malaisie qui ademandé à l’ASEAN de renforcer sa position sur la Birmanie afin de « convaincre le monde » que l’association condamne les violations des droits de l’homme dans la région [9]. En 2016, l’ASEAN a commandé une mission d’information en Birmanie [10]. À celle-ci, des dirigeants thaïs, malais et indonésiens sont allés discuter avec Aung San Suu Kyi. Ces dernières années, plusieurs rencontres diplomatiques ont eu lieu avec la Birmanie afin de favoriser les droits de l’Homme. Ainsi, la Birmanie doit s’attaquer à sa réputation à l’international, car les réponses des pays limitrophes ainsi que l’ASEAN laissent croire que les répressions en Birmanie feront l’objet d’une réprimande de plus en plus persistante.

[1] Abel Tournier. 2007.p.53

[2]  Anja Jetschke. 2017.p.67

[3] Sophie Boisseau du Rocher. 2001.p.398

[4] Anja Jetschke. 2017.p.67

[5] Sophie Boisseau du Rocher. 2001.p.395

[6] Anja Jetschke. 2017.p.74

[7] Anja Jetschke. 2017.p.67

[8] Anja Jetschke. 2017.p.70

[9] Anja Jetschke. 2017.p.75

[10] Anja Jetschke. 2017.p.76

 

Bibliographie

Abel Tournier. 2007. « L’inclusion asiatique de la Birmanie », Matériaux pour l’histoire de notre temps, N° 88. p. 52-59. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL : https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2007-4-page-52.htm

Anja Jetschke. 2017. « L’ASEAN, les réfugiés birmans et les droits de l’homme », Politique étrangère, p. 67-78. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2017-2-page-67.htm

Arnaud Vaulerin. 2017. « Birmanie : l’armée met Aung San Sun Kyi face à ses limites ». Libération. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL :https://www.liberation.fr/planete/2017/01/12/birmanie-l-armee-met-aung-san-suu-kyi-face-a-ses-limites_1540864

Sophie Boisseau du Rocher. 2001.« L’Asean et les nouvelles règles du jeu. Le régionalisme en Asie du Sud-est à l’épreuve de la mondialisation », Revue internationale de politique comparée, Vol. 8, p. 395-417. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2001-3-page-395.htm

 

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