Par Phan Quang Anh Bui
La Malaisie est l’un des sept pays avec des revendications territoriales en Mer de Chine méridionale avec la Chine, Taiwan, le Vietnam, les Philippines, l’Indonésie et le Brunei. Les parties péninsulaire et orientale du pays étant séparées par la Mer de Chine méridionale, le contrôle des îles et récifs se situant sur cette étendue d’eau ainsi que des flux qui relient le territoire malais se révèle être un enjeu de taille. Quel est l’état des revendications malaises aujourd’hui et quelles stratégies le pays pourrait-il adopter dans l’avenir ?
La Malaisie affirme sa souveraineté sur tous les îles et récifs se situant sur son plateau continental et exerce un contrôle effectif sur cinq de ceux-ci : Pulau Layang-Layang (Swallow Reef), Terumbu Mantanani (Mariveles Reef), Terumbu Ubi (Ardasier Reef), Terumbu Siput (Erica Reef), and Terumbu Peninjau (Investigator Reef). Deux autres récifs se situant aussi dans cette zone revendiquée se trouvent sous contrôle des Philippines (Terumbu Laksamana ou Commodore Reef) et du Vietnam (Pulau Amboyna Kecil ou Amboyna Cay) [1].
Un communiqué du Ministère des Affaires Étrangères datant de 2010 nous apprend les grandes lignes de la position du gouvernement quant à ces revendications.
Tout d’abord, la Malaisie ne compte pas effectuer de développement conjoint de ressources dans les mers au-delà des régions de Sabah et Sarawak (aussi connus conjointement sous le nom de « Malaisie orientale ») étant donné qu’elle se considère souveraine sur cette zone de par sa localisation au sein du plateau continental.
De plus, la Malaisie déclare vouloir régler les disputes territoriales de manière pacifique, sans avoir recours à l’usage ou la menace de la force, conformément à l’esprit de la Déclaration sur la conduite des parties de 2002 [2].
Finalement, le gouvernement se déclare ouvert à des négociations bilatérales ou multilatérales, mais seulement avec les parties concernées – c’est-à-dire les autres pays ayant aussi des revendications. Il serait possible d’y lire ici une volonté de limiter l’implication des puissances extérieures à la région quant aux questions de revendications territoriales. En dernier recours, la Malaisie se déclare ouverte à l’interprétation de décisions provenant de la Cour Internationale de Justice ou du Tribunal d’Arbitrage [3].
La position du gouvernement malais pose un problème au niveau du droit national et international, étant donné que ni la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer de 1982 (UNCLOS) ni le Continental Shelf Act malais de 1966 indiquent que les provisions relatives aux droits apportés par le plateau continental peuvent s’appliquer à des récifs émergés : en effet, il n’est fait référence que du sous-sol et des fonds marins. Pour ces raisons ci, les revendications malaises furent parfois qualifiées comme étant plus faibles et moins convaincantes que celles d’autres pays [4].
Pourquoi la Malaisie revendique-t-elle alors ces territoires ? Le journaliste Dzirhan Mahadzir (Université de Lancaster) fait savoir que « cette zone située dans la mer de Chine méridionale est riche en ressources halieutiques et en hydrocarbures et contribue de manière importante à l’économie du pays » [5]. Ce facteur économique constitue aussi une part non négligeable dans les enjeux soulevés par les autres pays concernés dans la région.
À cela, Eli Noor de l’Université d’Oxford y ajoute aussi l’idée de l’approvisionnement énergétique. Elle fait remarquer que les réserves malaises en gaz naturels seront épuisées d’ici 36 ans à la vitesse d’exploitation et de consommation de 2008.
« Si l’on peut se fier aux estimations de l’US Geological Survey selon lesquelles 60 à 70% des ressources en hydrocarbures de la Mer de Chine méridionale seraient comprises de gaz naturel, la tendance à la baisse des réserves de gaz malaises pourrait être considérablement ralentie à moyen terme » [6], postule-t-elle, d’où l’importance de conserver un accès à cette zone et une possibilité d’exploitation de ses ressources.
Cet accès a été établi dès la fin des années 1970 et le début des années 80 par la mise en place d’une série de bases militaires et de stations navales sur les îles et récifs revendiqués. Les infrastructures qui furent installées à cette époque ont permis à l’aviation et à la marine royale malaise d’y maintenir une présence physique jusqu’à nos jours. Plus récemment, vers juillet 2004, la Malaisie a aussi commencé à y installer des stations de recherche marine [7].
Quelles perspectives aujourd’hui pour les revendications territoriales malaises ? Il serait une bonne idée de continuer d’adhérer au principe de non usage de la force ou de menace de la force lors des négociations avec les autres pays de la région. De plus, la Malaisie devrait tenter de renforcer sa position en les alignant davantage sur les principes de droit international, notamment ceux prescrits par l’UNCLOS. Le gouvernement pourrait insister davantage sur l’exercice continu et effectif de l’autorité étatique sur le territoire contesté en y maintenant sa présence physique, ainsi que réaffirmer son intention et sa volonté d’y agir à titre de souverain [8].
Notes
[1] Mahadzir 2014, p. 209
[2] Voir Association of Southeast Asian Nations 2002
[3] Mahadzir 2014, p. 210
[4] Valencia, Van Dyke et Ludwig 1999, p. 37
[5] Mahadzir 2014, p. 216
[6] Noor 2016, p. 206
[7] Mahadzir 2014, p. 213
[8] Voir aussi Affaire de l’île de Palmas
Bibliographie
Association of Southeast Asian Nations. 2002. Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea. En ligne. http://asean.org/?static_post=declaration-on-the-conduct-of-parties-in-the-south-china-sea-2 (page consultée le 15 juin 2018).
Mahadzir, Dzirhan. 2014. « Malaysia’s Maritime Claims in the South China Sea: Security and Military Dimensions ». Dans Entering Uncharted Waters ? : ASEAN and the South China Sea. ISEAS-Yusof Ishak Institute, 208–22.
Noor, Elina. 2016. « The South China Sea Dispute: Options for Malaysia ». Dans Ian Storey et Cheng-Yi Lin (dir.), The South China Sea Dispute: Navigating Diplomatic and Strategic Tensions. ISEAS-Yusof Ishak Institute, 205–27.
Valencia, Mark J., Jon M. Van Dyke et Noel A. Ludwig. 1999. Sharing the Resources of the South China Sea. Honolulu : University of Hawaii Press. 290 p.