Indochine Française

Par Christelle Bitar,

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« Si notre protectorat doit être immobile et platonique, mieux vaudrait nous retirer, car tout protectorat qui ne mène pas à la conquête absolue d’un pays est une duperie » annonce le Colonel Callet, commandant de la troisième brigade, le 15 février 1888 (1). Comme nous l’avons vu dans les autres billets (Indonésie, Philippines, Vietnam, Singapour), la colonisation a pris des visages différents, mais peut-on qualifier les protectorats d’une colonisation ? C’est ce que nous développerons tout au long de ce billet qui nous emmène en Indochine française entre 1858 et 1945.

L’Indochine française est constituée des territoires actuels du Vietnam, du Cambodge et du Laos (2). En 1858, le Vietnam était divisé entre la Cochinchine dans le Sud et ayant pour capitale Saigon, l’Annam dans l’Est et ayant pour capitale Hué et le Tonkin dans le Nord ayant pour capitale Hanoï (3). À cette époque, le Vietnam était unifié sous la dynastie des Nguyen et c’est à ce moment que les Français ont exécuté une première intervention militaire pour contrer l’influence britannique et pour défendre les missionnaires chrétiens, assez nombreux sur place. Napoléon III a donc conclu un accord avec la Cochinchine pour la liberté du commerce et de la religion. Cependant, en 1859, les Français ont envoyé un corps expéditionnaire et prirent donc la région de Cochinchine. En Annam, la situation était légèrement différente. L’empereur Tuduc interdisait la présence des Français et en 1874 il conclu un accord leur permettant une présence contrôlée. Après la mort de Tuduc, en 1883, la région était déstabilisée et les Français en profitèrent pour imposer leur loi. Ils conservèrent la monarchie jusqu’en 1945, mais la placèrent sous tutelle. Au Tonkin, les Français ont effectué une conquête et se confrontèrent à la piraterie et à des soldats chinois rebelles. En 1874, un accord a été mis en place qui concédait les territoires de Hanoï et Haiphong aux Français. Les négociations avec les Chinois aboutirent en 1885 à un traité qui proclamait leur retrait, mettant alors cette région sous le protectorat français. (4). Nous pouvons voir que les français ont pris possession de la région grâce à des accords développés à des moments clés. Ainsi, en 1863, la situation politique instable du Cambodge suite à la mort du Roi et au conflit entre ses fils, ont permis à la France de négocier un accord avec le nouveau Roi, Norodom qui mettait le Cambodge sous protectorat français et facilitait les échanges commerciaux français en contrepartie d’une protection du souverain. (5). Enfin, pour le Laos, le protectorat leur permettait de garantir leur sécurité vis-à-vis du Vietnam et du Siam (6).

L’administration française était divisée quant à la question de comment gérer l’Indochine. Le Bureau du sous-secrétariat des Colonies privilégiait une administration unie, directe et forte tandis que le Bureau des affaires étrangères voulait honorer les accords qui ont mené au protectorat. En 1886, c’est la première option qui l’emporta. Ainsi, un gouverneur général, assisté par un secrétaire général et par un conseil supérieur, administrait directement l’Indochine. De plus, le budget était commun et devait jouir des diverses ressources locales. Le fonctionnement de l’administration était rendu commun avec une ligne politique française. Malgré le fait que le Bureau des Affaires étrangères tenta de conserver une certaine autorité, il fut évincé. En effet, ceci s’accentua avec le retour de Étienne Richaud au sous-secrétariat général qui donna la capacité au Gouverneur général de correspondre directement avec la France, Bangkok, Pékin et Manille. Cette correspondance était initialement prévue à travers le Bureau des affaires étrangères. La France se réservait le droit de contrôle et de direction interne face aux autorités locales. Ceci a été souligné dans le cas des conflits internes du Tonkin, zone qui débordait de ressources importantes. Les Français ont eu une facilité à prendre en main l’administration étant donné la centralisation et l’hiérarchisation  du pouvoir. Il leur suffisait donc de dominer la classe d’élite. Pourtant, ce ne sont pas les meilleurs qui furent recrutés à des hauts postes, « I1y avait certes, parmi les fonctionnaires, beaucoup de médiocres, et pas mal d’improbes ». (7). Ceci permettait à l’empire Français de contrôler l’administration de par sa médiocrité. En effet, avec une telle administration, l’Indochine ne se développait pas et restait sous le joug français.

En 1889, De Champeaux déclarait « Notre politique doit être en apparence de défendre les bons Cambodgiens contre les persécutions des méchants Annamites… mais, en fait, de favoriser ces derniers mieux taillés pour la lutte, plus sociables et plus travailleurs… ».  (8). Nous pouvons voir la manipulation effectuée dans l’esprit du peuple. En 1908, cette pensée fut menée plus loin. Un imprimeur, François Henri Schneideur, introduit le concept de « Bibliothèques de vulgarisation ». Le but de ce concept à la base est de fournir un savoir équitable et de renforcer la souveraineté du peuple. Effectivement, en Indochine le but était d’abord de répondre à l’attente de l’élite. Cette dernière voulait acquérir le savoir français pour se débarrasser du colonisateur, mais les Français y virent une façon de perdurer leur règne en manipulant l’esprit de la colonie et plus précisément du Vietnam. La première bibliothèque de vulgarisation fut créée en 1907 et devint publique en 1919. L’élite vietnamienne locale, pour l’option loyaliste, a soutenu ce projet comme Nguyen Van Vinh surement dans le but de travailler avec l’Empire, mais le but de ce dernier était de rendre des Vietnamiens égaux entre eux, mais pas avec les Français. Ceci a été effectué grâce à l’impression et la traduction d’œuvres françaises telle que La Fable de La Fontaine. (9). Ainsi nous pouvons voir que l’Empire français se servit de l’élite locale pour renforcer son règne et perdurer.

Bibliographie.

(1) : Blanchard, Marcel. 1953. « L’Indochine Française de 1886 à 1889 » dans Etudes d’histoires modernes et contemporaines, 5 :184-223.

(2) : Encyclopedia britannica, « Indochina », (2013). En ligne. http://www.britannica.com/EBchecked/topic/286431/Indochina (page consultée le 19 octobre 2013).

(3) : Académie Reims, « L’Indochine, fleuron asiatique de l’empire colonial français », (2013). En ligne. http://www.mediatheque.grand-troyes.fr/webmat/sites/default/files/services/ressources/dossier/plancy/12-_lindochine.pdf (Page consultée le 19 octobre 2013).

(4) : Idem.

(5) : Idem.

(6) : Nguyễn Thế Anh, « La place du Laos dans la littérature coloniale », (2008). En ligne. http://www.larevuedesressources.org/la-place-du-laos-dans-la-litterature-coloniale,991.html (Page consultée le 19 octobre 2013).

(7) : Blanchard, Marcel. 1953. « L’Indochine Française de 1886 à 1889 » dans Etudes d’histoires modernes et contemporaines, 5 :184-223.

(8) : Idem.

(9) : Affidi, Emmanuelle, « Vulgarisation du savoir et colonisation des esprits par la presse et le livre en Indochine française et dans les Indes néerlandaises (1908-1936) », (2009). En ligne. http://moussons.revues. org/1078 (page consultée le 21 septembre 2013).

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