Colonialisme Américain au Vietnam (1954-1967)

Par Christelle Bitar,

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« Le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a saboté les accords de Genève de 1954 sur le Vietnam, déclenché la guerre et fait régner la terreur blanche au Sud -Vietnam»  (1) déclare le ministre Xûan-Thûy lors des conversations officielles de Paris entre les représentants du gouvernement de la République démocratique du Viet Nam et ceux du Gouvernement des États-Unis. Nous avons vu dans les billets précédents que le colonialisme a différentes formes (Philippines, Indonésie, Indochine, Singapour) mais pouvons nous pour autant qualifier la guerre du Vietnam de colonisation ?

D’après certains auteurs, tels que Samir Amin, le capitalisme est d’essence impérialiste (2). Ainsi, il explique que le centre dominant exploite les périphéries dominées. Il identifie un impérialisme collectif constitué des pays de la Triade. Au niveau interne, ces puissances sont en conflit (3). D’après cette analyse nous pouvons identifier pour le Vietnam deux influences majeurs : l’URSS et les Etats-Unis. En effet, lors de la conférence de Genève en 1954 le Vietnam était coupé en deux zones, autour du 17ème parallèle. Au nord, il y avait l’État du Vietnam, ayant pour capitale Saigon et étant dirigée par Ho Chi Minh. Au Sud, il y avait la république démocratique ayant pour capitale Hanoi et dirigée par Ngo Din Diem. Le leader du Sud était anti-français, anti-communiste et sera épaulé par les américains tandis que le leader du Nord était nationaliste, communiste et sera épaulé par l’URSS. À partir de 1955, Ngo Din Diem réprime les activités communistes. Ceci engendre un plus fort soutient au communisme de Ho Chi Minh, et une guérilla voit le jour au Sud du Vietnam. En 1960, le FNL (Front national de libération) est créé et dirigé par Ho Chi Minh. Cette organisation avait pour ambition d’unifier le Vietnam sous le communisme.

Face à la montée du communisme, les États Unis décident d’intervenir. En octobre 1963, un coup d’État contre Diem est orchestré et mis en œuvre avec l’appui des États Unis sous le Président Kennedy.  Ceci suscite un sentiment anti-américain. À partir de 1965, les Etats-Unis intensifient leur implication dans la région. En effet, alors que les américains avaient insisté sur le fait que la guerre devait être menée majoritairement par les Vietnamiens et que les États Unis pouvaient simplement les aider (5), en 1965 ils lancent une série de bombardement aérien sur le Nord du Vietnam. Puis, en 1968, ils augmentent le nombre de membres des forces armées à 500 000 contre 23 000 en 1965 (6). Les américains essayaient de susciter une politique de terreur à l’encontre des révolutionnaires pour les dissuader de continuer à soutenir le communisme (7). Cette technique fut notamment inspirée par les hollandais. Les directives des soldats étaient d’être strictes et une politique de déshumanisation envers les Vietnamiens était mise en place (8). Nous pouvons donc voir un contrôle armé de la région.

Lacoste fut un des premiers à dénoncer les stratégies militaires américaines, notamment celles de viser les alluvions et les digues pour causer de nombreux dommages à la cible mais ceci fut dénié par le CIA (9). Les auteurs expliquent que des commissions internationales ont été mises en place pour dénoncer les violences des attaques américaines au Vietnam mais ceci en vain (10). En effet, les américains se justifiaient par le fait de ne pas avoir signé les accords de Genève. Cet accord, signé lors de l’indépendance du Vietnam en  1954 (11) déclare que le Vietnam devrait résoudre ses problèmes politiques internes  « sur la base du respect des principes de l’indépendance, de l’unité́ et de l’intégrité́ territoriales» (12). Ainsi, en 1967, les États Unis instaurent à Saigon un gouvernement se basant sur les méthodes démocratiques. Ils mettent en place une constitution républicaine de type parlementaire et le 3 septembre 1967, Nguyen Van Thieu et Nguyen Cao Ky sont élus comme président et vice président, respectivement. (13). Nous pouvons comprendre cette volonté de démocratisation émanant du fait que les États Unis veulent appliquer « les paradigmes de notre tradition de pensée politique». (14). Mais nous pouvons également considérer le point de vu de Samir Amin selon lequel les États Unis ont un projet d’impérialisme mondial, et ce depuis la doctrine Monroe. Il explique que cette politique est entreprise sous forme de guerres préventives dans une volonté de démocratisation de l’État visé (15). Ceci expliquerait la présence de bases américaines dans les États cibles. Nous pouvons effectivement voir la présence de la base du Cam Ranh au Vietnam (16).

Cependant, en prenant en considération le fait que, traditionnellement, la colonie est un « territoire occupé et administré par une nation en dehors de ses frontières, et demeurant attaché à la métropole par des liens politiques et économiques étroits » (17) pouvons nous définir la guerre du Vietnam comme une colonisation ? Nous avons effectivement vu que les États Unis effectuent une ingérence sur le territoire Vietnamien, qu’ils y installent une base militaire et qu’ils mettent en place un système politique. Pouvons nous parler d’un néo-colonialisme tel que énoncé par Samir Amin ? Dans tous les cas, il demeure intéressant de voir l’influence américaine actuelle sur le Vietnam via l’ouverture économique malgré le caractère du parti unique politique. Il serait intéressant de comparer le cas de cette guerre à la guerre d’Irak, en s’appuyant sur l’article de Debouzy (18).

BIBLIOGRAPHIE

(1)  : Déclarations du Ministre Xuan Thuy, Publication de la Délégation de la R.D.V.N. aux conversations de Paris, tome 1, p. 2 et 3.

(2)  Samir Amin (2005), « Geopolitique de l’Imperialisme Contemporain » International Review of Sociology, 15 (1) : 5-34.

(3)  Idem p.3.

(4)  Europa World Plus, « Viet Nam », (2013) http://www.europaworld.com/entry/vn.hi (page consultée le 1er novembre 2013).

(5)  Youtube, « La guerre du Vietnam: Son histoire et ses dates clés », (2013) http://www.youtube.com/watch?v=uYsQDjFHKMU (page consultée le 1er novembre 2013).

(6)  Europa World Plus, « Viet Nam », (2013) http://www.europaworld.com/entry/vn.hi (page consultée le 1er novembre 2013).

(7)  Carbonella, August (2009), « Structures of Fear, Spaces of Hope », Anthropologica, 51 (2) : 353-361

(8)  idem p. 354

(9)  Gavin P. Bowd et Daniel W. Clayton, (2013) « Geographical Warfare in the Tropics: Yves Lacoste and the Vietnam War » Annals of the Association of American Geographers, 103 (3) : 627-646.

(10)  Idem p.5

(11) Isoart, Paul (1970) « Guerre ou paix au Vietnam ? » Annuaire français de droit international, 16 : 145-176.

(12) Accords sur la cessation des hostilités en Indochine », N.E.D., n° 1909 du 18 août 1954. Documents relatifs à la Conférence de Genève sur l’Indochine », N.E.D., n° 1901 du 30 juillet 1954.

(13) Isoart, Paul (1970) « Guerre ou paix au Vietnam ? » Annuaire français de droit international, 16 : 145-176.

(14) Moreault, Francis (1999), « Hannah Arendt, les États Unis et la modernité politique », Politiques et sociétés, 18(3) :121-144.

(15) Samir Amin (2005), « Geopolitique de l’Imperialisme Contemporain » International Review of Sociology, 15 (1) : 5-34

(16) Courrier International, « VIETNAM : Visite historique du ministre de la Défense américain » (2013) http://www.courrierinternational.com/breve/2012/06/04/visite-historique-du-ministre-de-la-defense-americain (Page consultée le 1er novembre 2013).

(17) Larousse, « colonie » (2013) http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/colonie/17291 (page consultée le 1er novembre 2013)

(18) Debouzy Marianne (1997), « Etats-Unis : guerre du Golfe, un nouveau Vietnam ? » Matériaux pour l’histoire de notre temps, 48 : 35-40.

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