Épopée philippine – Épisode 4

21 juin 2012

Morning Ma’am !

Dimanche, Clémence et moi avions décidé de partir de Manille. Comme on annonçait de la pluie, on s’est dit qu’on n’allait pas escalader un volcan. Alors on est allé à Santa Cruz et Pagsanjan. On prends trois jeepneys dont une dans le mauvais sens, on se fait indiquer où sont les bus, là on chope un bus déjà en route indiquant « Santa Cruz, Laguna bay » et hop en avant 2h30 de bus climatisé. Ça s’est bien passé, j’avais prévu un pull, mais le plastique qui recouvre tous les sièges est assez désagréablement en plastique…
On approche, peu à peu, le bus se vide, entre deux stop dans la même ville, des marchands montent pour vendre des « Buko Pie » ( des tartelettes de jeunes noix de coco ), des bouteilles d’eau, des trucs et des bidules. Avec nos têtes de pas assez dormi, ils ont pas insisté avec nous. Le mec qui fait payer les tickets s’approche, nous demande où on va, on dit Pagsanjan falls et là il nous dit que le chauffeur peut nous emmener en tricycle. Ok pourquoi pas, même si on avait envie d’éventuellement se promener avant d’y aller… bref. Donc le chauffeur, pas loin de 3h de route en bus, c’est pas grave, il enchaîne avec son tricycle, aucun problème…
Forcement, il nous emmène chez des potes à lui qui vendent le tour sur la rivière pour arriver à la waterfall. On se sent un peu piégé, alors on dit qu’on va faire un tour avant de se décider. Là, il y a un mec qui nous suit « pour nous montrer où manger », non mais ÇA VA OUI ? Il voulait pas nous lâcher, c’était pénible, mais on a réussi à le semer. On se balade et on se dit qu’on va prendre le tour parce qu’il n’y a pas d’autre manière d’arriver à la cascade.
Non mais j’étais à doigt deux d’exploser à la fin de la journée avec tout cette infantilisation des femmes et encore plus des femmes blanches, comme si on allait se casser comme du crystal au moindre coup de vent ! Toujours à nous protéger, à nous dire quoi faire, à nous guider, raaaaaaaaaaah !
À Pagsaysay, juin 2012
On revient voir nos boatmans, on paye et on s’en va roucouler paisiblement sur le fleuve, sur un canoe, cernées de deux « boatman » qui nous demandent les classiques questions : Where are you from ? What’s your name ? Are you married ? Do you have children ? Are you single ? … Le bonhomme nous dit qu’on devrait avoir un filipino boyfriend. En gros, c’est pas grave s’il est marié et a 5 enfants quoi. Génial.
On s’arrête à un genre de barbecue de passage, un gars nous demande si on veut payer la bouffe de nos boatmans, on arrive pas à dire non, et on mange aussi des brochettes de poulet avec ÉVIDEMMENT du riz. On repart, on croise des millions de coréens qui font la gueule, on dirait qu’ils aiment pas du tout se faire promener sur un fleuve, ou alors c’est ptet parce qu’on leur a mis tous les mêmes chapeaux moches, je ne sais pas. En tout cas on a croisé aussi des touristes de quelque part au moyen orient, eh ben ils avaient l’air beaucoup plus heureux !
On arrive finalement à la fameuse cascade. Là, bouchon de canoés de coréens. On descend, on va derrière les rochers et voilà la cascade. De loin elle avait pas l’air spécialement ouaw, mais bon, tous les boatmans philippins ont un grand sourire en nous voyant et ils nous demandent TOUS « do you enjoy ? I hope you enjoy » Oui oui, on enjoy super much. Au début sceptique, je me laisse entraîner et on va sur une plateforme en bambou tirée par un gars avec une corde installée en avant.
Je pense naïvement que c’est pour se rapprocher afin de mieux voir, mais en fait je comprends vite pourquoi j’avais entendu « good massage », c’est qu’on passe dessous en fait ! Et c’est violent toute cette masse d’eau qui tombe ! Ça fait presque mal. Enfin c’est drôle, surtout qu’on a fait la traversée avec deux coréennes coincées qui nous tiraient les manches (je ne sais pas ce qu’elles voulaient…) , entièrement habillées avec des souliers fermés et des chaussettes, je les plains parce qu’on a finit comme si on avait plongé dans l’eau quoi.
D’ailleurs c’est ce qu’on a fait, et la trentaine de touristes philippins qui étaient là nous a trouvé super rebelles de sauter dans l’eau sans nos bouées ! Ouaw ! En fait je pense que pas mal de philippins ne savent pas nager. Du coup, c’est devenu nos potes du moment. On revient quelques minutes plus tard entourées de la trentaine de philippins, je vous dis que nos deux boatmans ils tiraient la tronche ! Oui ! Ils étaient jaloux ! Ahah, ça m’a bien fait rire, et en même temps, la femme indépendante que je suis s’est révoltée contre cet espèce de protectionnisme paternel de convoitise totalement inappropriée et irrespectueuse.
Les trente gars voulaient prendre une photo avec nous (les philippins adoooorent les photos) et les deux boatmans nous pressaient en disant qu’il fallait partir très vite (alors que juste avant ils nous disaient de prendre notre temps) bref faut arrêter le délire les enfants.
 
D’ailleurs mon intégrité de femme a été durement attaquée quand plus tard dans la journée, une troupe d’enfant nous demandent vaguement des sous (ils avaient surtout l’air de s’ennuyer) et l’un deux nous lance « God bless your open vagina ». Là je m’échauffe sérieusement, j’ai beau savoir que toutes les blanches ont une image de prostituée aux yeux ignares de la plupart des pays d’Asie, c’est quand même assez dégueulasse ! Ça m’a pris tout mon sang froid pour pas l’insulter pendant un quart d’heure en lui lançant des parpaings dans la gueule ! (Note pour les québécois, voilà ce qu’est un parpaing) Mais c’est qu’il l’a répété deux fois ce sale gosse !
 
Pagsaysay, juin 2013, philippins très contents...
On rentre, on se sèche, on se promène, on se perd, on se retrouve, nous sommes épuisées. On décide d’aller à Santa Cruz, parce qu’on avait vu quelque part qu’on pouvait voir le lac « laguna bay » depuis la ville, accessible à pied. Donc on prend une jeepney, on arrive, on demande, là personne ne voit de quoi on parle. On demande à plein de gens, ils nous indiquent une direction avec beaucoup de doute dans les yeux. On marche, on marche, là, un type nous aborde depuis sa moto. Il nous montre sa carte, c’est un gars du gouvernement et il veut nous aider parce que tu comprends, on est des blanches et on va se faire agresser (nonon, seulement insulter). Il nous a collé aux fesses, toujours en lâchant pas un pet de sourire, alors qu’on lui disait que c’était pas la peine, qu’on était très bien toutes seules, mais non. Et puis franchement, il n’y avait aucun danger.
On a quand même appris grâce à lui que les étrangers passent très rarement dans ce coin et que ça explique le comportement des gens : très curieux et extasiés de nous voir, surtout les enfants. Il y en a une petite, elle a osé venir me voir et me demander mon nom et me serrer la main alors je vous dis pas comment c’était la superhéros de sa gang ! Trop cute.
Bref on a vu notre lac, ou plutôt pas grand chose, c’était juste un bout de jetée où des bateaux de pêches se stationnent mais c’est vrai qu’il n’y avait pas grand chose à voir. Mais l’aventure s’est avérée remplie de découvertes !
On repart, le gouvernementeux nous colle toujours, il nous amène au marché, nous achète des avocats (à manger comme ça, sans rien, sans ma merveilleuse vinaigrette) et du jus de coco, tous les deux pas très bons, mais on se sent obligé de simuler le grand intérêt. On finit par lui dire qu’on va rentrer à Manille, parce qu’on en pouvait plus d’avoir Papa Gouvernement qui nous surveille. Il a même payé notre jeepney !
Enfin on en revenait toujours pas de ce gars. Plus tard en le racontant à des philippins ici (à Quezon City), ils nous ont dit que c’était bizarre et qu’il a sûrement du faire ça pour se donner de l’importance face à des étrangères, genre moi j’ai du pouvoir, de l’argent…
On est rentré à Manille en un peu plus de 3h30, sous la pluie, épuisées.
 
Je m’arrête là, je vous enverrai un autre message pour raconter le reste de ma semaine.
Veni, vidi, vici !
Sandra Vilder ( Blog d’écriture )
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