Winston Churchill a déjà dit que la démocratie était un mauvais système, mais le moins pire de tous. Toutefois, quand on regarde plus attentivement, la démocratie devient un régime pernicieux si elle est mal structurée. Par exemple, aux Philippines, le président Marcos a réussi à instaurer un régime autoritaire malgré la présence d’un système démocratique. Or, qu’en est-il de la Thaïlande? Après tout, dès le premier coup d’État dans les années 30 par les militaires, le pays vivra une multitude de coups de coups d’État jusqu’à aujourd’hui. Certains d’entre eux seront violent alors que d’autres, comme ceux de 1932 et 2006, se feront sans éffusion de sang. Toutefois, cela démontre que la Thaïlande est marquée par la violence et une instabilité chronique. Ce phénomène est principalement dû au fait que l’armée, bien qu’elle soit nationale, plusieurs factions s’y sont constituées autour de certaines personnalités et que chacune d’entre elles tente de déstabiliser celle au pouvoir alors que cette dernière met en place une nouvelle constitution[1]. Par ailleurs, bien qu’il y ait élaboration de constitution, cela ne signifie pas pour autant la présence d’une démocratie. Traditionnellement, quand un de ces petits groupes serait au pouvoir elle élaborait une constitution pour mieux asseoir son pouvoir[2].
La fin du monarchisme absolu
Jusqu’aux années 1930, le système politique de la Thaïlande était basé sur le système de la monarchie absolue. Non seulement le roi était-il au pouvoir, mais en plus, il donnait les hauts postes de son système bureaucratique soit à des membres de sa famille, soit à des proches. Toutefois, en 1932, ce système politique sera mis à terre par un coup d’État militaire mené par le Khana Ratsadorn (le Parti du Peuple), un groupe composé de jeunes militaires[3]. Néanmoins, le roi continuera à avoir un rôle important dans la société thaïlandaise puisqu’il ne peut avoir tort[4]. Cela s’explique par le principe que le roi est considéré comme un représentant des dieux. C’est également pour cette raison qu’il demeurera présent malgré les coups d’État et conservera son influence. Malgré la tenue d’élection en 1933, la dictature militaire est marquée par un régime clientéliste entre les militaires et les capitalistes[5]. Le régime militaire restera au pouvoir jusque dans les années 1970.
La révolte étudiante de 1972 : un petit pas vers la démocratie?
Sous le régime de Sarit de 1958 à 1963, la Thaïlande s’ouvre fortement aux capitaux étrangers et entretient une relation cordiale avec les États-Unis. De plus, l’accroissement des institutions universitaires fait en sorte de quintupler le nombre d’individus hautement scolarisés. Ces deux facteurs font en sorte de créer une nouvelle classe sociale non gouvernementale[6].
À l’automne 1973, près de 500 000 personnes se révoltent dans Bangkok en exigeant une nouvelle constitution et de nouvelles élections. Le pays se démocratisera suite à une intervention du roi Rama IX auprès du général Kittikachorn qui démissionne[7].
Sous le gouvernement par intérim du professeur Sanya. La censure disparaît et des associations de paysans se forment, menant ainsi à une plus forte participation politique des citoyens[8].
Malheureusement, un an après l’élection de 1975, le gouvernement, incapable de tenir ses réformes, finit par provoquer des contestations dans la population. Une mobilisation des conservateurs se forme en dehors du gouvernement et engage des tueurs professionnels pour éliminer les étudiants activistes, les politiciens de gauche et les leaders paysans[9]. Un régime dictatorial est désormais à la tête du parti le 6 octobre 1976.
Le régime des années 1980
Bien que des élections régulières continuent à avoir lieu en Thaïlande, on assiste de nouveau à un régime militaire assez violent. Désormais, des assassinats politiques ont lieu envers les membres parlementaires ou ceux qui seront d’éventuels membres[10]. La règle démocratique tenue d’élections pour légitimer le pouvoir n’a donc aucune raison d’être puisque l’effet coercitif des assassinats est une stratégie pour conserver le pouvoir ou l’obtenir.
La seconde période de démocratisation
Après le coup d’État de 1992, la Thaïlande connaît une période de démocratisation. Le rôle des militaires, autrefois au centre du pouvoir, correspond désormais plus à son rôle, c’est-à-dire la sécurité du pays[11]. De plus, on assiste à de nombreuses réformes qui auront pour effet de redonner plus de droits aux citoyens. Entre autres, la constitution de 1997 prohibe toute possibilité aux militaires d’avoir un siège au gouvernement ou au sénat[12].
Toutefois, malgré ces modifications dans la Constitution, cela n’empêchera pas les militaires de faire un coup d’État en2006[13].
Plus récemment encore, malgré la présence de partis politiques en Thaïlande depuis les années 70, les militaires jouent encore un derrière le rideau de la scène politique. À la fin de 2008, le Parti démocrate a négocié un accord en coulisse avec l’armée pour former un gouvernement[14].
L’armée et le crime de lèse-majesté
Depuis la formation de l’armée nationale thaïlandaise, celle-ci se voit comme la gardienne de la monarchie[15]. Malgré le coup d’État de 1932, le système politique a peu changé. La monarchie est encore présente aujourd’hui et joue encore un rôle important dans la société thaïlandaise. Cette importance est telle qu’il est interdit d’émettre la moindre critique à son égard. On peut prendre en exemple ce sexagénaire qui a écopé de vingt ans de prison pour avoir envoyé des SMS insultants à l’égard de la monarchie[16]. On peut voir que la liberté de presse n’est pas encore pleinement acceptée.
[1] Neher, Clark, D. & Marlay, Ross. 1995. Democracy and development in Southeast Asia the winds of change. Boulder : Westview Press. P.29-31.
[2] Connors, Michael Kelly. 2003. Democracy and National identity in Thailand. London: Routledge Curzon. P. 38.
[3] Limmanee, Anusorn. 1998. « chapitre 8 : Thailand » dans Political party systems and democratic development in East and Southeast Asia. Wolfgang Sachsenröder & Ulrike E. Frings dir. Brookfield: Ashgate. p.405.
[4] Hewison, Kevin. 1997. « The monarchy and democratisation » dans Political change in Thailand democracy and participation. Kevin Hewinson dir. London: Routledge. P.71.
[5] Maisrikrod, Surin. 1997. « the making of Thai democracy : a study of political alliances among the State, the capitalists, and the middle class » dans Democratization in Southeast and East Asia. Anek Laothamatas dir. New York : St. Martin’s Press. P.145.
[6] Anderson, Benedict, R. 1996. « Elections and participations in Three Southeast Asian Countries ». Dans Robert H. Taylor, dir., The politics of elections in Southeast Asia. Cambridge: Cambridge University press. p.15-16.
[7] Klen, Michel. 2001. « Les contradictions thaïlandaises », Études, vol. 394, no.6. p.729.
[8] Andersen, Benedict, R. op.cit., p.17.
[9] Ibid, p.18.
[10] Ibid, p.19.
[11] Heiduk, Felix. 2011. « From guardians to democrats? Attempts to explain change and continuity in the civil-military relations of post-authoritarian Indonesia, Thailand and the Philippines ». The Pacific Review. Vol. 24, no.2. p.263.
[12] Idem.
[13] http://www.liberation.fr/monde/010113962-coup-d-etat-militaire-en-thailande , page consultée le 2 décembre 2012.
[14]http://www.courrierinternational.com/article/2011/02/07/ca-bout-chez-les-nationalistes , page consultée le 2 décembre 2012.
[15] Heiduk, Félix. Op.cit. p.264.
[16] http://thailande-fr.com/actu/21748-lese-majeste-un-internaute-acquitte-faute-de- preuves#.UKbYM4cmbQh , page consultée le 2 décembre 2012.