Par Marie-Anitha Jaotody
La Malaisie est réputée pour le consensus qui existe au sein des différents groupes composant la population. Ce consensus permet de garder une stabilité politique et la tenue régulière d’élections prouve le caractère démocratique du régime du Dr Mahatir [1]. Mais pour certains intellectuels malais, ce caractère démocratique n’est qu’une façade afin de masquer des pratiques qui avoisinent l’autoritarisme.
Le fondement de la démocratie repose sur la pluralité d’idées et la capacité à exprimer ces idées afin de les confronter les unes aux autres. Cet aspect remet en question le caractère démocratique de la Malaisie parce que plusieurs évènements démontrent la répression de toute éventuelle opposition.
La marche du Barisan Nasional, qui représente l’ordre des avocats, pour un plus grand respect des droits humains a abouti à une vague d’arrestations et de représailles de la part de la police [2]. Aussi, Anwar Ibrahim [3], un membre de l’opposition est détenu sous prétexte que ce dernier est sur la liste noire de l’immigration (donc interdit d’entrée en Malaisie).
La répression contre l’opposition est fréquente en Malaisie, mais la corruption, pratique qui viole le principe de transparence dans un État démocratique classe la Malaisie au même rang qu’un pays comme la Namibie selon le classement de Transparency International [4]. En effet, l’équivalent de millions de dollars est détourné par les dirigeants du pays, et même une fois démasqués, aucune mesure n’est prise contre ces dirigeants. On peut ajouter à la répression et la corruption le trucage des élections, la sélection des candidats qui peuvent s’y présenter selon leur appartenance politique et aussi l’intimidation des électeurs [5].
On peut se poser la question sur le fonctionnement et l’opérationnalisation de ce système répressif dans le quotidien des Malais. Le militarisme en Malaisie se caractérise par sa subtilité, c’est-à-dire qu’elle passe par d’autres moyens comme la manipulation de l’appareil étatique, le contrôle de la société civile pour maintenir l’ordre, la centralisation du pouvoir au sein de l’exécutif et de la police pour assurer la sécurité nationale. En effet, l’armée et surtout la police occupent une place prépondérante dans le contrôle de la population. Elle peut appréhender, arrêter, user de la violence et la loi permet une détention préventive qui peut aller au-delà de 60 jours. Elle surveille étroitement la vie des Malais afin de détecter toute éventuelle opposition au pouvoir central. Outre le pouvoir étendu de la police, le gouvernement procède aussi à une concentration de pouvoir au niveau fédéral et l’article 150 de la Constitution institutionnalise ce plein pouvoir [6]. Le principal argument avancé par le gouvernement pour le maintien de ce système est la sécurité intérieure.
On peut apporter plusieurs explications à la persistance de ce système coercitif, mais nous allons porter notre attention sur l’explication culturelle. Elle n’explique certainement pas tous les éléments de ce système, mais elle reste pertinente [7]. En Malaisie, les valeurs qui prônent la collectivité ont toujours primé sur celles qui prônent l’individualisme. Malheureusement, les valeurs démocratiques comme la liberté individuelle sont associées aux valeurs individuelles et ne trouvent pas d’écho auprès de la population. Ceux qui la réclament sont comparés à des fauteurs de trouble. Les Malais ont aussi cet attachement à un certain ordre social qui ne doit pas être perturbé. Les répressions policières et le renforcement du pouvoir central sont perçus comme les gardiens de cet ordre social.
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Références
[1] Youtube. En ligne. Dr. Mahathir bin Mohamad speaks about Malaysia. (page consultée le 28 juin 2008).
[2] Rau, Robert. 1986. « The role of the armed forces and police in Malaysia ». Dans Stephen Jurika Jr, dir., The armed forces in contemporary Asian Societies. Boulder : Westview Press.
[3] Youtube. En ligne. Anwar Will Run For Malaysia Parliament Once Eligibility Is Confirmed. (page consultée le 28 juin 2008)
[4] Guan Eng, Lim. 2001. Elected dictatorship in Malaysia. En ligne. (page consultée le 28 juin 2008).
[5] Idem.
[6] Guan Eng, Lim. 2001. Elected dictatorship in Malaysia. En ligne. (page consultée le 28 juin 2008).