Par Arlette Tampan Cifuentes
La Birmanie, pays de l’Asie du Sud-Est, est un territoire peuplé d’une multitude de groupes ethniques. Il n’est alors pas surprenant que le concept du nationalisme ne soit pas le même pour tous. Les principaux acteurs sont les Birmans qu’on retrouve en Haute-Birmanie, les Môns en Basse-Birmanie et au centre du pays, les Shans (De Koninck, 2005). Le nationalisme birman mise sur le bouddhisme, le sentiment anticolonialiste et l’assimilation des minorités ethniques. Ce dernier élément amène maintes divisions dans la construction d’un état indépendant.
En 1885, les Anglais et les Birmans se livrent une guerre. L’Angleterre finit par l’emporter. Dès 1886, les Britanniques abolissent la monarchie birmane. L’administration birmane est gérée à partir de l’Inde. En d’autres termes, toutes décisions affectant l’administration indienne affectent également l’administration birmane. Ces deux actions sont les précurseurs du mouvement nationaliste birman (Kratoska, 1999) . Le sentiment anticolonialiste découle de l’Inde et influence les Birmans à réagir contre cette invasion. Certains membres de l’élite birmane sont en contact avec les chefs du mouvement nationaliste indien.
Au début du 20e siècle, les Birmans forment un groupe de résistance en réaction de l’obtention des Anglais de la Haute-Birmanie, leur territoire. L’Association des Jeunes Hommes Bouddhistes (YMBA) apporte une importance particulière à la religion. Cette emphase est un facteur de division entre les partisans non bouddhistes (minorités ethniques) et les bouddhistes (birmans). À ses débuts, YMBA est plus orienté vers l’aspect religieux que politique (Kratoska. 1999). Par contre, en 1921, le parti se divise et forme le Conseil Général des Associations Birmanes (GCBA).
Le GCBA désire un parti nationaliste dans lequel tous individus protestant contre le colonialisme, peut importe leurs origines ou affiliation religieuse serait un partisan. Après une lutte pour obtenir la même constitution que l’Inde, où les minorités ethniques ont accès aux postes administratifs, les nationalistes se demandent s’il n’est pas temps de se séparer de l’Inde. Les différences sur les politiques à adopter et les conflits de personnalités amènent le mouvement nationaliste à être extrêmement divisé (Kratoska, 1999).
La division entre les différents groupes nationalistes s’explique à travers quelques facteurs. Il y a une rivalité entre les régions rurales et urbaines. Le nationalisme urbain veut tasser les Anglais et continuer la modernisation de l’état. Le nationalisme rural veut se débarrasser des Britanniques, mais souhaite revenir à la vie traditionnelle villageoise. Le nationalisme des Birmans, développé par un mouvement étudiant, se caractérise par le bouddhisme et un système d’éducation se concentrant sur la langue, l’histoire et la littérature birmane. On ne porte pas d’intérêt aux non-Birmans (Kratoska, 1999).
La Birmanie prend un dur coup lors de la grande dépression économique en 1929. Les problèmes économiques amènent les différents groupes ethniques à des rébellions. Dans les années 1930, les partis nationalistes ont tous une vision différente de ce que devrait être l’état birman. Certains désirent rétablir la monarchie. D’autres veulent un mouvement séculaire, urbain, et basé sur le socialisme et le marxisme. Un mouvement étudiant nommé Thakin souhaite unir les minorités ethniques et les Birmans pour créer une seule nation birmane. Tout en assimilant les non-Birmans à devenir des ¨vrais¨ Birmans (Kratoska, 1999).
En 1937, l’Angleterre accorde la séparation administrative birmane de l’Inde. Par contre, les Anglais occupent une place importante dans les domaines de l’économie, les affaires étrangères et le contrôle des zones où habitent les groupes minoritaires. Les jeunes nationalistes birmans sont frustrés des concessions faites par les vieux nationalistes aux Britanniques. Le mouvement nationaliste birman subit une autre division interne (Cheong, 1999) .
En 1957, la ligue antifasciste du peuple libre (AFPFL) dirigé par U Nu, arrive à mener le nouveau parti au pouvoir et déclarer l’indépendance de la Birmanie. Le AFPFL est un mouvement nationaliste birman basé sur le bouddhisme et le socialisme. Ce parti birman est toléré par les minorités ethniques, car il a peu d’influence sur leurs territoires. Le AFPFL se retrouve avec des problèmes entre ses partisans, ce qui amène éventuellement à des séparations et à la création de nouveaux partis. Dû à ses brisures, le AFPFL perd sa crédibilité. La résultante est qu’en 1962, les militaires prennent le pouvoir (Cheong, 1999).
Le nationalisme birman a été divisé par les différences des régions rurales et urbaines, le fait de continuer dans la tradition ou opter pour la modernité et l’inclusion de la religion bouddhiste dans la construction de l’état versus la sécularité. Tous ces facteurs sont à la base des divergences idéologiques entre les divers groupes ethniques. Les propositions sur ce que devrait être le nationalisme et sa lutte pour un état indépendant des forces colonisatrices, se complexifie et se fragmente non seulement entre les Birmans et les minorités ethniques, mais aussi entre les Birmans eux-mêmes. Les négociations pour l’indépendance sont ardues, non justes à cause du rôle des colonisateurs anglais, mais par les acteurs internes du pays.
—
Références
De Koninck, Rodolphe, ¨Les premiers sédiments de l’histoire¨ et ¨ la formation des domaines coloniaux¨, L’Asie du Sud-Est, 2e édition revue et corrigée, Paris : Armand Colin, 2005 : Chapitres 3 et 4 : pp. 39-75.
Krastoska, Paul. ¨ Nationalism and Modernist Reform¨, in The Cambridge History of Southeast Asia, Vol. 3. Cambridge : Cambridge University Press, 1999: pp. 286-314.
Cheong, Yong Mun. ¨The Political Structure of the Independent States¨. The Cambridge History of Southeast Asia, Vol. 4. Cambridge : Cambridge University Press, 1999 : pp. 59-131.