Par Samuel Barbas
Le Détroit de Malacca accueille quotidiennement entre 600 et 800 navires marchands et 80% des importations pétrolières japonaises (Ellis 2003). Les installations portuaires singapouriennes accueillent quant à elles une vingtaine de millions de conteneurs. Ceci représente un volume de fret de plus de 400 millions de tonnes par année, faisant de Singapour est le port le plus actif au monde (Asian Economic News 2006).
La piraterie sur mer n’est pas un phénomène propre à Singapour. Toutefois, la cité-État, à cause de son rôle de leader économique régional et de sa contiguïté géographique avec le Détroit de Malacca, est obligée d’accorder une grande importance au phénomène.
À eux six, la Corée du Sud, la Chine, Singapour, le Japon, Hong Kong et Taïwan, représentent 30,5% du tonnage mondial (Frécon 2002, 136). Tous utilisent le détroit de Malacca. S’il devenait trop dangereux, les répercussions seraient désastreuses, car la moitié de la flotte mondiale devrait rallonger ses trajets. L’INSS (Institute for National Strategic Studies) à calculé que si les SLOC (sea lines of communications) est-asiatiques devaient être bloqués, les prix du transport maritime subiraient une augmentation de l’ordre de 500% (Frécon 2002, 138).
Bien qu’il y ait eu une résurgence de la piraterie autour de Singapour en 2004, elle n’a pas été suffisante mettre en doutes l’utilisation des voies commerciales actuelles. Sauf que
« le coût des primes d’assurances versées par les armateurs est à la hausse et que dans le port de Singapour certains craignent que cela ne puisse détourner la clientèle » (De Koninck 2006, 142).
Alan Chan, propriétaire de Petroships, une compagnie singapourienne, rapporte qu’en 1999 il a perdu un tanker d’une valeur de $10 millions dans les eaux juste au nord de Singapour (Ellis 2003). Selon lui, les coûts de la piraterie tourneraient autour des 500 millions de dollars américains annuellement. En partie à cause des primes d’assurances élevées, mais aussi à cause des longs délais en cas d’assaut ou d’enquête et des frais supplémentaires d’embauche de personnel de sécurité privée sur les navires (Ellis 2003). Tout cela, sans compter les effets néfastes sur le tourisme et les investissements étrangers.
Actions locales et coopération régionale
Singapour a la plus petite zone à couvrir, mais il est l’État le plus déterminé et le plus actif dans la prévention de la piraterie. Deux organismes sont à pied d’œuvre : la Police Coast Guard et la marine. Le premier organisme s’occupe des eaux territoriales et disposait en 2000 d’environ mille hommes et 106 patrouilleurs. Cependant, sa priorité reste la lutte contre l’immigration clandestine. La marine, quant à elle, apporte son support dans les cas de banditisme maritime (Frécon 2002, 215).
Pour M. Richard Lim, vice-amiral de la marine de la République de Singapour,
« le seul moyen de lutter efficacement contre ce type de criminalité serait d’interpeller les pirates dans leurs bastions, ce qui supposerait toutefois une sérieuse coordination entre la police et les services de renseignement des pays membres de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est [Asean] » (Kane et Passicousset 2000, 6).
Il faut donc absolument que d’autres pays emboîtent le pas si on veut aspirer vers un règlement du problème de la piraterie. Or, le principe fondamental de l’ASEAN est la non-ingérence dans les affaires d’autrui. Les négociations sont ardues.
Singapour est parvenue à conclure des accords bilatéraux avec l’Indonésie et la Malaysia. Néanmoins,
« à ce jour, seuls Jakarta et Singapour ont signé un accord bilatéral permettant aux forces maritimes des deux pays de poursuivre les pirates dans leurs eaux territoriales respectives » (Kane et Passicousset 2000, 6)
En 2005, une entente sur la surveillance aérienne du Détroit de Malacca a été acceptée par l’ensemble de pays de l’ASEAN.
« Les avions de patrouille maritime voleront avec un responsable de chaque pays à bord, ce qui leur permettra de pénétrer dans tous les espaces aériens nationaux. Cette mesure viendra renforcer l’accord déjà existant sur les patrouilles maritimes signé entre Singapour, l’Indonésie et la Malaisie. » (Kane et Passicousset 2000, 6).