Par Samuel Barbas
En surface, la cité-État à l’air d’un paradis d’intégration ethnique. Les dernières émeutes raciales datent de 1969 et les efforts du gouvernement Singapourien en matière d’harmonie sociale et raciale, sont impressionnants et relativement efficaces. Toutefois, au quotidien, il existe toujours de la discrimination.
Le gouvernement utilise divers mécanismes pour maintenir cet état d’harmonie : sous la Section 298 du Chapitre 224 du Code Pénal de Singapour, un article stipule que : « quiconque de plein gré heurtera la religion ou la race d’une autre personne […] sera puni par emprisonnement allant jusqu’à trois ans, ou une amende, voire les deux » (Popa 2008). ; il existe une journée de l’harmonie raciale (Racial Harmony Day) célébrée le 21 juillet ; des quotas sont établis autant dans les écoles que dans le lotissement pour s’assurer que les communautés interagissent.
Par exemple, dans un bâtiment de 100 logements, environ 70 seront alloués aux Chinois, 16 aux Malais, 8 pour les Indiens. Le reste ira aux Eurasiens et aux autres (Mitton 2001). Tout en évitant la formation de ghettos, l’État s’assure ainsi que la majorité chinoise vit avec un certain nombre de Malais et d’Indiens, notamment (Chiang Nee 2003).
Cependant, cette politique ne recueille pas un soutien unanime : d’un point de vue Malais, cette répartition uniforme de la population empêcherait la concentration de populations non-favorables au PAP et permettrait au parti de maintenir sa majorité parlementaire puisqu’il bénéficierait d’appui chinois dans toutes les circonscriptions (Fuller 1997).
La prédominance des Chinois se fait aussi ressentir à l’école. Une étudiante indienne faisait remarquer que l’on célébrait la présence d’un Centre d’Héritage Chinois (Chinese Heritage Center), tandis que son collègue soulignait qu’un examen avait été prévu le jour d’une fête nationale indienne (Velayutham 2007). De plus, comme le démontre le tableau suivant sur les bourses du Président, les Chinois sont aussi favorisés lorsque vient le temps d’octroyer des bourses.
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Une explication est que comme la majorité des hauts dirigeants des universités, du gouvernement et des entreprises sont Chinois, les étudiants appartenant à ce groupe sont avantagés (Barr 2006).
En fait, le racisme à Singapour se révèle dans la subtilité des actions du quotidien. Les Indiens et les Malais se plaignent régulièrement de discrimination lors de leurs entrevues d’embauche. On ne les refuse pas à cause de leur ethnie, mais parce qu’ils ne maîtrisent pas le mandarin. Toutefois, l’anglais est enseigné à l’école comme première langue, les autres langues officielles (Mandarin, Malais, Tamoul) sont enseignées comme langues secondes (Hindustan Times 2005).
Aussi, le racisme se concrétise à travers des insultes discriminantes basées sur des préjugés et les différentes physiques. Souvent les Indiens vont se voir appeler « Black Tofu » et encore plus fréquemment il est question de leur odeur corporelle; beaucoup relatent que dans les transports en commun, les ‘Chinois’ évitent de s’asseoir près d’eux (Velayutham 2007, 4).
Il est encore extrêmement rare d’assister à un mariage entre deux Singapouriens d’origines différentes. Ceux d’origine chinoise ont encore tendance à discriminer les Malais et les Indiens pour leur physionomie moins svelte que la leur (Velayutham 2007, 5). De plus, beaucoup de Singapouriens d’origine chinoise ont peur d’aller dans le quartier Little India le considérant comme dangereux. Pourtant, tous les touristes passent par ce quartier désormais bien connu.
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Depuis que l’ancien Premier ministre Lee Kuan Yew s’est référé à la primauté de la société confucéenne on a remarqué un changement dans la neutralité de la société. Par exemple, les universités chinoises ont reçu des subventions gouvernementales alors que les autres ont été laissées pour compte (Barr 2006). Les Malais, étant majoritairement musulmans, se voient presque automatiquement refuser l’accès à la carrière militaire. Encore aujourd’hui, il n’y a pas de Malais dans la Singapore Air Force (SFA) (Fuller 1997). Quand on a questionné l’ex-Premier ministre Goh Chok Tong à ce sujet, il a mentionné qu’on ne pouvait faire confiance à des Musulmans dans l’éventualité d’un conflit avec les voisins majoritairement musulmans comme la Malaysie, alléguant le conflit d’intérêts que poserait l’appel de « Allah Akbar » (Mitton 2001).
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Références
Barr, M. Michael. The Charade of Metritocracy. Far Eastern Economic Review. October 2006.
Chiang Nee, Seah. Racism Lives on in Singapore One generation of sophistication hasn’t erased it. The Sunday Star on Oct 2, 2005
Clammer, John, Race and State in Independent Singapore 1965-1990: the Cultural Politics of Pluralism in a Multiethnic Society. Brookfield, Vt : Ashgate, 1998
Fuller, K. Linda. 1997. The Role of Dominant Ethnicity in Racism: Reportage on Chinese Rule in Multi-Racial Singapore, The Edge, The E-Journal of Intercultural Relations, Summer 1998, Vol. 1(3)
Documents en ligne
Velayutham, Selvaraj. 2006. « Everyday Racism in Singapore », Centre for Research on Social Inclusion, Macquarie University, Online publication
Popa, Bodgan. 2008. Racist Blogger Arrested in Singapore – Posting racist comments may send you behind bars. En ligne. http://www.coursenligne.umontreal.ca/SCRIPT/POL3401_1_1/scripts/serve_home
Mitton, Roger. 2001. The cost of casual racism Anti-Muslim sentiment is growing – and dangerous. En ligne. http://www.singapore-window.org/sw01/011128aw.htm
Indian, Malay job seekers complain of discrimination in Singapore. 2005. Hindustan Times. En ligne. http://www.singapore-window.org/sw05/050809ht.htm