Singapour : Dictature ou démocratie ? (1ère partie)

Par Samuel Barbas

Singapour s’impose comme un modèle de prospérité. Toutefois, même si officiellement il s’agit d’une démocratie (par la tenue d’élections législatives et présidentielles), il faut admettre que l’encadrement gouvernemental a des airs despotiques. La majorité des critiques à l’endroit de ce régime proviennent de l’Occident parce que les libertés individuelles et les droits de la personne priment dans nos sociétés.
La majorité des critiques à l’endroit de ce régime proviennent de l’Occident parce que les libertés individuelles et les droits de la personne priment dans nos sociétés. En Asie, Singapour est de plus en plus vue comme LE modèle à suivre [1] (Juan 2003).

Depuis sont accession au pouvoir en 1959 le People’s Action Party (PAP) est indélogeable. Cependant, cette longévité n’est pas entièrement due à la qualité de sa gouverne. Au fil du temps, ce gouvernement contrôlé par Lee Kuan Yew a développé une panoplie de moyens lui permettant de se maintenir au pouvoir élection après élection. Comme la plupart des pays d’Asie du Sud-Est, le PAP a tôt fait d’adopter une Loi de sécurité intérieure (ISA) « autorisant l’internement sans procès de toute personne soupçonnée de subversion ou d’activités communistes » (Koninck 2006, 149). Ceci a permis, entre autres, peu avant les élections de 1968, d’éliminer la menace que représentaient deux membres du principal parti d’opposition (Front socialiste). Toutefois, les adversaires politiques ne sont pas les seuls à être touchés par cette loi : des commerçants, des journalistes et des opposants de toute sorte en ont aussi été victimes (Juan 2003). D’ailleurs, dans cette catégorie, le record est détenu par M. Chia Thye Poh qui a passé 23 ans en prison sans jamais faire face à un tribunal.

Compte tenu de la domination de la scène politique par le PAP, il est surprenant de voir qu’une quarantaine de partis politiques ont existé ou existe toujours à Singapour. Toutefois, il est rare que d’autres partis puissent régulièrement présenter des candidats aux élections générales, bien qu’ils y parviennent épisodiquement comme le démontre ce tableau. Malgré cette présence d’une « opposition », les résultats des années passées révèlent que dans les faits, ces adversaires n’ont jamais, depuis la formation d’un État singapourien, réussi à élire suffisamment de représentants pour avoir un contrepoids politique. Voici un tableau représentant cette réalité entre les années 1963 et 1997.

Les dirigeants singapouriens utilisent une série de procédés afin d’assurer leur prééminence.

  1. En plus d’intimider ses rivaux avec la ISA, le PAP impose des campagnes électorales d’une durée de seulement neuf ou dix jours, ce qui empêche les autres partis de se faire connaître. Comme les rassemblements de foules sont illégaux, ils n’ont pas le temps de le faire entre chaque élection.
  2. L’incessante surveillance à laquelle sont soumis les membres de l’opposition les empêche de parler ouvertement, car toute critique envers le gouvernement finit en poursuite pour diffamation.
  3. Les circonscriptions sont souvent délimitées la journée précédent le vote et la carte électorale est organisée de manière à favoriser le gouvernement.
  4. Tout rassemblement de plus de cinq personnes à des fins politiques est considéré illégal (Houseman 2000). Les citoyens ne sont donc pas particulièrement friands des discussions politiques.
  5. « Tout commentaire négatif de la politique du gouvernement du PAP rendu public par son auteur lui vaut d’être sommé par ledit gouvernement de se déclarer membre officiel de l’opposition. » (Koninck 2006, 150)

Singapour ne possède pas d’entité indépendante régulant les élections. C’est le gouvernement qui s’en charge. Fait intéressant, la participation au vote est obligatoire, mais dans la réalité comme il n’y a pas d’opposants dans la plupart des cas, le taux réel de participation se situe aux alentours de 30-35%. Le gouvernement achète, par ailleurs, les électeurs. En 2001 par exemple, on a offert aux électeurs des actions en bourses. Le hic c’est que ces actions étaient encaissables le jour avant l’élection. Ce n’est pas sans rappeler les ruses cambodgiennes, thaïlandaises et philippines où l’on procède de la même manière en offrant des sandales, du riz, etc. (Juan 2003). D’autre part, en 1997 le gouvernement a menacé les électeurs qui ne voteraient pas pour ses candidats, de laisser dépérir leurs propriétés, maisons et appartements (qui appartiennent tous au gouvernement) et que ces dernières finiraient en taudis.

Finalement, il est intéressant de remarquer les allures monarchiques derrière ce gouvernement « élu ». Car, il ne faut pas oublier que si Lee Kuan Yew tire les ficelles du gouvernement, son fils Lee Hsien Loong, est Premier ministre, président de la Monetary Authority of Singapore et aussi ministre des Finances. La femme de ce dernier contrôle l’une des plus puissantes compagnies du gouvernement. Le deuxième fils de Lee Kuan Yew pour sa part est en charge de la plus grosse compagnie gouvernementale : Singapore Telecom (Juan 2003).

Références

[1] Suite aux succès (économiques) sur la scène internationale de Singapour Xiaoping de Chine, Tung Chee Hwa, et récemment Shinawatra Thaksin de Thaïlande ont tous indiqué vouloir émuler les méthodes dictatoriales du PAP.

[2]

Ressources externes

Pour plus d’infos engagées, consultez ce site en anglais.

Aussi, consultez le site d’Amnistie Internationale pour en apprendre davantage sur l’utilisation injustifiée des tribunaux par le PAP.

Lien pour marque-pages : Permaliens.

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