Par Benjamin Labrecque
Les politiques gouvernementales de relocalisations ont eu des impacts négatifs considérables sur les minorités indigènes habitant les îles extérieures [1] d’Indonésie. Ce programme a forcé les paysans sans terres et les populations pauvres vivant dans les îles surpeuplées de Java et Bali à migrer vers les parties moins populeuses de l’archipel. Cette politique devait servir à soulager la pression démographique de Java et Bali et aide également à incorporer les îles extérieures à l’intérieur de l’archipel. Cependant, les impacts à long terme des relocalisations sont maintenant devenus évidents à travers l’archipel.
Souvent, les vastes étendues de terres utilisées pour ces projets de relocalisation sont des espaces que les planificateurs ont classés comme vides malgré la présence connue de populations indigènes. De plus, ces derniers ont rarement reçu une compensation adéquate pour leur terre. Sur l’île d’Halmahera par exemple, plusieurs projets de relocalisation furent initiés sur des terres habitées et revendiquées par les communautés forestières Tobelo. Ces dernières n’ont reçues aucun dédommagement [2].
Anciennement, le département de relocalisation travaillait avec les responsables du programme PKAT (Programme pour le développement et la prospérité sociale des communautés traditionnelles géographiquement isolées) par le biais du programme de relocalisation des résidents locaux au sein duquel les minorités étaient incluses dans le programme de relocalisation. Ils devenaient une part du projet en recevant la même équivalence en terme de terre et ils exploitaient les mêmes ressources comme s’ils étaient eux-mêmes des relocalisés [3]. La justification était que les minorités indigènes adopteraient un nouveau système de valeurs plus rapidement que s’ils s’étaient établis indépendamment [4].
Cependant, les effets du programme furent désastreux. Un rapport de la Banque Mondiale établissait que les fonds qu’elle avait alloués pour les projets de relocalisation (des non-indigènes) sur l’île de Sumatra avaient des impacts majeurs et probablement irréversibles sur les Kubu, une population indigène habitant la forêt de la province de Jambi [5]. Inquiétée par les effets défavorables de la relocalisation sur les minorités indigènes, la Banque Mondiale a renoncé à son allocation vers la fin des années 1990 [6].
De plus, les relocalisations de populations, souvent à l’intérieur de terres appartenant aux indigènes, ont créé des tensions qui ont explosé en violence depuis la chute de Suharto. La violence récurrente dans les provinces du Centre et de l’Ouest de Kalimantan entre les populations locales de Dayak et les relocalisés venant de l’île de Madura est l’exemple le plus connu.
Il faut toutefois noter que la réaction aux relocalisations n’en a pas toujours été une négative. Les minorités indigènes ont réalisé qu’elles pouvaient obtenir des gains en prenant part (stratégiquement) à de tels programmes. Le travail de Jennifer Leith sur la relocalisation dans le nord d’Halmahera nous éclaire sur ce point [7]. En effet, cette dernière dénote le désir que les gens ont de bénéficier de pareils développements.
Les relocalisations ont déjà amené des améliorations puisqu’avec elles viennent souvent de meilleures infrastructures; le gouvernement veut livrer aux relocalisés les produits du marché et, généralement, le prix du riz local tombe. Les habitants indigènes locaux peuvent également tirer des bénéfices des nouvelles technologies et techniques apportées par les relocalisés. Au centre de l’île de Halmahera, les villages locaux ont commencé à utiliser les techniques des relocalisés javanais pour construire leurs propres champs de riz.
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Références
[1] Îles extérieures: Désigne les îles éparses de l’archipel indonésien qui sont géographiquement isolées et éloignées des grands centres tels que Java et Bali.
[2] John F. McCarthy, « The Changing Regime: Forest Property and Reformasi in Indonesia ». Development and Change 31 (2000): 108.
[3] Les indigènes étaient eux-mêmes relocalisés un peu plus loin puisque les premiers relocalisés (non indigènes) de Java et Bali occupaient désormais les terres des indigènes.
[4] DBMT (Direktorat Bina Masyarakat Terasing), 1988. Petunjuk Alokasi Penempatan Daerah Transmigrasi. Jakarta.
[5] Charles Victor Barber et James Schweithelm, Trial by Fire (Washington: World Resources Institute, 2000), 34.
[6] Mohammad Zaman, « Resettlement and Development in Indonesia », Journal of Contemporary Asia 32 (2002), 259.
[7] Jennifer Leith, 2001. Representation, Resources and Resettlement as Development in Eastern Indonesia. Ph.D. diss., University of East Anglia.