L’industrie du sexe aux Philippines : les enjeux de la crise du vih

Si beaucoup de pays sont connus pour être des destinations phares du tourisme sexuel, les Philippines sont l’un des pays les plus importants. Il est le deuxième le plus important d’Asie après la Thaïlande en matière de tourisme sexuel et de prostitution. En Asie du sud-est, les Philippines apparaissent un peu comme une exception car la prostitution est loin de diminuer notamment car la pauvreté s’accentue dans le pays alors qu’elle diminue dans les autres (Charpenel, 2016, 397). Le pays doit donc faire face à de nombreux problèmes liés à ce secteur notamment une épidémie du VIH (virus de l’immune-déficience humaine) arrivée tardivement.

Par Nick R. Martin dans TPM prise le 27 Avril 2012, Un politicien mexicain dans le redlight district de Angeles City aux Philippines

Pourquoi la prostitution est elle si importante aux Philippines ?

La prostitution et le tourisme sexuel ont connu un essor majeur dans les années 70-80 avec les politiques du gouvernement de Marcos pour développer le tourisme dans le pays. Une bonne partie de ce tourisme était un tourisme de « détente », les hommes d’affaires notamment japonais venaient pour les clubs, les bars, les salons de massage… etc. La mafia japonaise a notamment joué un rôle important dans l’organisation de ce tourisme (Bonnet, 2017, 50-51).
Aujourd’hui la prostitution est très développée dans le pays et prend même de nombreuses formes alors qu’elle est interdite car considérée comme une forme de vagabondage. Les prostituées étant vues comme des vagabondes par le Code pénal, cela rentre en totale contradiction avec les lois mises en place en 2003 censées  les considérer comme des victimes. Cela empêche donc une protection réelle des travailleurs du sexe et la mise en pratique de ces lois. Elles ont un statut juridique ambigu. Elles sont reconnues comme des employées des salons de massage, bars et autres mais leur travaille de prostitution lui n’est pas reconnu. Aussi dans certains secteurs elles doivent s’inscrire dans des registres et faire des tests de dépistage et des contrôles régulièrement (Bonnet, 2017, 54-55). Cette ambiguïté constante au sujet de la prostitution est aussi due au fait que les Philippines sont un pays encore très catholique et cela influence beaucoup les décisions politiques.
La pauvreté n’est malheureusement pas en diminution aux Philippines. Les populations notamment les femmes et les enfants sont alors beaucoup plus vulnérables au trafic d’êtres humains pour l’exploitation sexuelle. Les femmes entrent dans ce secteur pour essayer de gagner de l’argent et s’y retrouvent coincées pour les mêmes raisons. C’est un lieu majeur pour le trafique sexuel surtout celui des enfants qui n’ont malheureusement pas de protection juridique suffisante (Charpenel, 2016, 399).

Comment le gouvernement philippin gère le rapport entre prostitution et VIH ?

L’épidémie du VIH est arrivée tardivement aux Philippines.  Jusqu’en 2005 environ le nombre de cas était bien plus faible que dans tous les autres pays d’Asie du sud-est (Salvana, 2010, 2). Aujourd’hui encore on ne sait pas vraiment expliquer ce phénomène. Le nombre de cas a grimpé d’un coup et en 2009 le pays a eu un nombre record de cas diagnostiqué en un mois (Salvana, 2010, 1) ainsi qu’un nombre de cas qui a doublé en 2 ans. Même si la prévalence du VIH est faible, c’est le nombre de cas diagnostiqué par an qui est très important (unaids, 2018). Le gouvernement doit alors faire face à une épidémie majeure avec 90% des cas qui sont par transmission sexuelle (Salvana, 2010, 2). Les préservatifs n’étaient que très peu utilisés comme moyen de contraception et encore moins dans l’industrie du sexe. l’utilisation du préservatif comme moyen de contrôler de l’épidémie est un enjeu important.

Le département de la santé oblige les travailleuses du sexe à effectuer des tests obligatoires toutes les semaines ou deux semaines et de s’inscrire dans les cliniques (Urada et autres, 2012, 2). Certains lieux ont des politiques qui obligent à utiliser des préservatifs. Seulement ce n’est pas encore la majorité et la mise en place d’une politique gouvernementale à ce sujet est freinée par l’influence catholique. Beaucoup de prostitués refusent aussi d’utiliser des préservatifs car elles ont peur de perdre des clients et donc de perdre de l’argent et aussi car elles doivent les acheter, cela coute cher surtout quand ils ne sont pas disponibles sur le lieu de travail. Il serait donc pertinent de mettre en place des préservatifs disponibles gratuitement et sur le lieu de travail (Urada et autres, 2012, 7). Il y a aussi un manque important de connaissances et d’éducation des travailleuses et des managers des établissements de commerce sexuel en matière de VIH.

Les Philippines sont encore aujourd’hui un endroit majeur du tourisme sexuel en Asie du sud-est. L’épidémie de VIH depuis les années 2000 et l’importance du trafic sexuel font partie des défis que doivent relever le pays. Il y a une réelle nécessité d’un vrai système de lois et d’encadrement de l’industrie du sexe pour arriver à y faire face. Seulement cela ne sera pas possible tant que le gouvernement philippin restera dans une position ambiguë entre encadrement, aide et répression.

 

Bibliographie :

Bonnet, François-Xavier. « From Oripun to the Yapayuki-San: An Historical Outline of Prostitution in the Philippines. » Moussons, no. 29 (2017) : 41-64.

Charpenel, Yves. Prostitutions- Exploitations, Persécutions, Répression. Paris : Economica, 2016. https://www.fondationscelles.org/pdf/RM4Prostitutions_Exploitations_Persecutions_Repressions_Fondation%20Scelles_FR.pdf

Morisky, Donald E. et autres. « Modeling Personal and Situational Influences on CondomUse Among Establishment-Based Commercial SexWorkers in the Philippines. » AIDS and behavior 6, no. 2 (Juin 2002) : 163-172.

Urada, Lianne A. et autres. «Condom Negotiations among Female Sex Workers in the Philippines: Environmental Influences. » Plos one 7, no 3 (2012) : 1-9.

Salvana, Edsel Maurice T. « The Philippine HIV/AIDS epidemic : a call to arms. » Acta medica philippina 44, no. 1 (2010) : 60-62.

Unaids, « Pays : Philippines » 2018. https://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/philippines

Unaids, « Pays : France » 2018. https://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/france

 

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