Le Laos et la Thaïlande : Des relations tendues « attendries »

Malgré les liens culturels et linguistiques entre le Laos et la Thaïlande (les ethnies dominantes de chacun des pays partagent le même arbre généalogique, soit les Tai lao au Laos et les Tai siam en Thaïlande[1]), les relations entre ces deux pays ont souvent été marquées par de fortes tensions et d’incompréhensions depuis le début de leur existence. Ces tensions ont souvent mené à des affrontements directs, soit à des échanges de tirs suivis de fermetures de frontières, surtout ceux qui ont eu lieu dans la décennie 80[2].

Le Triangle d’Or composé du Laos, de la Thaïlande et de la Birmanie situé au confluent du Mékong Source : https://www.playingtheworld.com/thailande/conseils-pour-passer-la-frontiere-thailande-laos-cote-chiang-rai/

Depuis quelques années, les relations lao-thaïlandaises ont commencé à s’apaiser et ont pris une tournure beaucoup plus amicale et compréhensive. Comment peut-on expliquer ce changement d’attitudes et de comportements? Après autant d’années de rivalité, qu’est-ce qui a bien pu pacifier les relations lao-thaïlandaises? Avant de répondre à la question, il serait intéressant de connaître les raisons de la rivalité lao-thaïlandaise pour ensuite voir ce qui a permis de mettre de côté les différends opposant les deux nations pour finalement coopérer ensemble.

 

Des relations bilatérales tendues

Dans un premier temps, le Laos n’a jamais vraiment fait confiance à son voisin thaïlandais, puisqu’il se présentait bien souvent comme un agresseur. Outre l’époque où le royaume de Siam conquit le royaume du Lan Xang et le divisa en trois États vassaux[3], les idéaux et les intérêts de Bangkok étaient contraires à ceux de Vientiane, que ce soit pendant la guerre du Vietnam, dans laquelle Bangkok servait les intérêts de Washington (contrairement à Vientiane qui servait les intérêts du Vietnam du nord communiste), ou durant  le conflit frontalier de 1987-88, dans lequel les forces thaïlandaises occupèrent le village de Ban Romklao, un acte considéré par le gouvernement laotien comme une violation de son intégrité territoriale[4].

Par ailleurs, le fait que les deux pays ont une proximité au niveau géographique, culturelle et linguistique, cela vient exacerber leurs relations, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Comme il a été mentionné précédemment, les ethnies dominantes au Laos et en Thaïlande proviennent du même arbre généalogique, soit l’ethnie tai originaire d’un espace allant de l’ouest du Guangxi et du sud-est du Yunnan (sud de la Chine) au nord du Vietnam et au nord-est du Laos[5].

Cette situation vient à façonner des expressions qui véhiculent une certaine vision des relations lao-thaïlandaises. Par exemple, l’expression ban phi muang nong signifie « le pays du grand frère, le pays du petit frère » et est surtout utilisée en Thaïlande, le grand frère étant ce dernier et le petit frère étant le Laos[6]. Les Laotiens préfèrent utiliser l’expression ban kai heuang kieng qui veut dire « pays voisins », afin d’éviter un ton paternaliste vis-à-vis le Laos et d’insister sur le respect et l’égalité des deux peuples[7].

De plus, bien que les relations entre la Thaïlande et le Laos se sont pacifiées grâce à une donne qui sera révélée plus loin, les Laotiens restent méfiants, puisque les dirigeants thaïlandais ne cachent pas leur grand projet de créer une « Grande Thaïlande » au niveau culturel[8]. Effectivement, les touristes thaïlandais qui se rendent au Laos acclament le fait que les Laotiens ont su préserver leurs traditions et coutumes tai malgré le phénomène de globalisation. Cette situation renforce l’idée thaïlandaise qui est celle de créer un grande famille tai qui irait au-delà des frontières et qui permettrait à Bangkok d’exercer, en quelque sorte, un leadership rassembleur et culturel transnational[9].

 

La donne économique

 D’une part, les relations entre la Thaïlande et le Laos se sont améliorées, et ce, depuis la fin de la guerre froide, puisque les oppositions géopolitiques et idéologiques n’avaient plus lieu d’être et le risque que la Thaïlande déclarerait la guerre au Laos était minime, surtout depuis l’adhésion du Laos à l’ASEAN en 1997[10].

D’autre part, face aux éléments énoncés plus haut qui ont entretenu la rivalité lao-thaïlandaise, un élément important a su convaincre les dirigeants des deux pays de mettre leur animosité de côté et d’améliorer leurs relations: la donne économique. Aujourd’hui, la Thaïlande est le principal partenaire économique du Laos, le premier pays duquel il importe ses produits et le premier dans lequel il exporte ses produits[11].

De son côté, la Thaïlande voit en ce partenariat économique un moyen de tirer avantage des richesses naturelles du Laos, ces dernières étant insuffisantes sur son territoire[12]. Pour sa part, le Laos voit en cette coopération économique une façon de développer son économie grâce, entre autres, au développement d’infrastructures (pont de l’amitié lao-thaïlandaise) et de ses voies de communication et de diversifier ses partenaires économiques (autrefois, le Laos était économiquement dépendant du Vietnam)[13].

Bien que le Laos et la Thaïlande approfondissent leurs relations, surtout économiques à travers des mécanismes régionaux et internationaux, il se pourrait que ces relations ravivent d’anciennes rivalités entre la Thaïlande et le Vietnam. Face à cela, il serait intéressant de voir l’impact des relations lao-thaïlandaises sur les relations lao-vietnamiennes.

 

Notes de bas de page

[1]Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong 2004, p.69.

[2]Laos- Thai Relations, Global Security

[3]Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong 2006, p.185

[4]Laos- Thai Relations, Global Security

[5]Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong 2004, p.69

[6]Ibid. p. 70

[7]Ibid.

[8]Ibid. p.72

[9]Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong 2004,  p.72

[10]Ibid. p.68.

[11]Ibid. p.67.

[12]Ibid. p. 71.

[13]Laos- Vietnam Relations, Global Security

 

Bibliographie

« Laos- Thai Relations ». Dans Global Security. En ligne. https://www.globalsecurity.org/military/world/laos/forrel-thai.htm (page consultée le 10 juin 2018).

« Laos- Vietnam Relations ». Dans Global Security. En ligne. https://www.globalsecurity.org/military/world/laos/forrel-vn.htm (page consultée le 10 juin 2018).

Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong. 2004. Le Laos au XXIe siècle: Les défis de l’intégration régionale. IRASEC : Bangkok, 240p.

Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong. 2006. Laos: From Buffer State to Crossroads ?, Mekong Press: Chiang Mai, 215p.

 

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