Disputes en Mer de Chine : revendications économiques teintées de nationalisme au Vietnam ?

PJ Orsini

À l’heure où les conquêtes terrestres sont reléguées à l’Histoire, c’est la mer et ses innombrables ressources que convoitent la Chine et les États environnants : une pléthore d’îlots recensés en Mer de Chine méridionale dissimulent un intérêt économique capital en raison de la ZEE qu’ils octroieraient à leur pays (Storey 2014). Les enjeux y sont multiples. Ils sont à la fois politiques, économiques et géopolitiques (Mottet 2014). La Chine, justement, en dépit des dispositions juridiques internationales, et en raison des enjeux susmentionnés, démontre une ferme volonté de contrôler la zone, niant les droits maritimes des pays environnant (ibid.). Le Vietnam, l’un des plus fervents opposants à la Chine sur le sujet, formule ses revendications et fait valoir ses droits. « Cette rivalité débouche sur des revendications maritimes et frontalières multiples, enchevêtrées et incompatibles » (ibid.).

 

Pourquoi la Chine tient autant à la mainmise sur la Mer de Chine méridionale ? Pourquoi le Vietnam, militairement inférieur à l’Empire du milieu, est-il prêt à lui tenir tête ? C’est à cette dernière question que nous tenterons de répondre.

Parade militaire chinoise en Mer de Chine méridionale

Une histoire compliquée – une escalade des différends…

La Mer de Chine méridionale, s’une superficie de 3.5 millions de km2, est composée de 250 îles, rochers, haut-fond et autres atolls. Elle est revendiquée dans sa totalité par la République Populaire de Chine. Ces territoires contestés englobent surtout les îlots des Paracels et Spratley, deux archipels revendiqués par le Vietnam, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Brunei (Storey 2014), tous opposés face à la Chine. En effet, cette dernière agit sans considérations des droits maritimes des autres États, protégés par la convention des Nations Unies sur les droits de la mer (Martel 2018).

Dans ce conflit, le Vietnam fait valoir l’Histoire et la proximité géographique : il prétexte la présence de pêcheurs vietnamiens dans ces eaux disputées depuis des siècles, et la reconnaissance de la possession française durant la période coloniale de certains ilots aujourd’hui contestés (Mottet 2014). Malgré la perte de leur contrôle à l’issue de la guerre de 1974, le pays n’a toujours pas cessé ses revendications (Storey 2014). De surcroît, on assiste depuis 2012 à une escalade de la violence et des stratégies entre le Vietnam et la Chine (Mottet 2014). Le Vietnam répond à la Chine par un renforcement de sa marine et de ses activités de surveillance rétorque au dilemme de sécurité que peut engendrer le contrôle de la Mer de Chine par l’État éponyme.

En réponse, la Chine affirme clairement sa puissance : elle transforme depuis quelques années maintenant quelques haut-fond et atolls en bases militaires contenant quelques zones dévolues aux civils. Ce sont des activités de réclamation, qui bien que n’offrant aucun droit de ZEE, confèrent un poste de surveillance (Martel 2018). On voit clairement là une expression de la théorie du réalisme.

Néanmoins, il semble bien évident que seule l’Histoire ou la proximité géographique ne sauraient expliquer l’acharnement de la Chine et l’opposition fervente du Vietnam…

Revendications territoriales chinoises et vietnamiennes

Un enjeu crucial pour le développement économique du pays  

En dehors des arguments historiques et géographiques, ce sont des raisons éminemment économiques qui poussent le Vietnam à entretenir ses revendications sur la Mer de Chine méridionale, au risque de faire face à l’une des plus grandes puissances de la planète…

En effet, le Parti Communiste prévoit que d’ici 2020, le secteur maritime représentera 55% du Produit National Brut (Fau 2015).

Ainsi, le gouvernement voit avec grand intérêt le secteur de la pêche puisqu’il connaît une croissance spectaculaire ces dernières années (ibid.). En outre, la surexploitation des ressources halieutiques au bord des côtes résulte sur de faibles rendements, d’où l’intérêt pour le pays de se tourner vers la pêche en haute-mer (ibid.).

Autre point notable, la demande en hydrocarbure du pays est en pleine croissance. De surcroît, le Vietnam est devenu le quatrième producteur de pétrole en Asie du Sud-Est (ibid.). Ainsi, dans la poursuite de son développement, le pays entend bien mettre la main sur les potentiels 4.4 milliards de dollars de barils situés dans les confins de la Mer de Chine qu’il revendique (ibid. et Martel 2018).

Autre enjeu capital, la zone voit transiter 86% du commerce extérieur du Vietnam, en plein cœur du carrefour sud-est asiatique (Martel 2018). Le pays n’aurait donc pas avantage à ce que la Chine vienne interférer dans une zone si critique à son bon développement…

Illustration des activités de réclamation d’atolls

Une diversion pour tenter de renforcer le pouvoir du gouvernement ?

Les enjeux historiques et économiques sont certes préoccupants pour le Vietnam. Néanmoins, ce dernier arrive à tirer profit de ces différends. En effet, ces tensions avec la Chine autour des Spratley et Paracels permettent au gouvernement communiste de « renforcer sa légitimité auprès de la population et conforter son image de garant de la sécurité nationale » (Mottet 2014). En effet, le gouvernement, à la manière du populisme, diabolise la Chine auprès de la population, suscitant par-là des craintes. On y voit là un moyen pour le Parti Communiste de profiter de ces craintes pour accroitre son emprise sur une population qui déjà ne jouissait pas de la plus grande des libertés (ibid.) …

https://www.youtube.com/watch?v=MILt4DlY_sE

Bibliographie

Fau, Nathalie. 2015. « La maritimisation de l’économie vietnamienne : un facteur exacerbant les conflits entre le Viêt Nam et la Chine en mer de Chine méridionale ». Hérodote 157 (2) : 39-55.

Martel, Stéphanie. 2018. « Conflits en mer de Chine méridionale : Vue d’ensemble et  développements récents ». Conférence n°3, dans le cadre du cours POL 3011 – Relations internationales en Asie du Sud-Est.

Mottet, Éric. 2014. « Vietnam-Chine : Rivalités et Revendications Territoriales en Mer de Chine Méridionale ». Regards géopolitiques 1 (3) : 18-24.

Storey, Ian. 2014. « Discordes en mer de Chine méridionale : les eaux troubles du Sud-Est asiatique ». Politique étrangère automne (3) : 35-47.

 

 

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