Par Perrine Legoube
Le Vietnam est un pays divisé entre la montagne et l’eau. Depuis les réformes des années 80, le pays a connu un fort développement économique. Cependant, on sait que la croissance économique se fait souvent au détriment de l’environnement. Dans un pays balayé par les moussons, traversé de rivières, et dont les principales cultures sont intensives en eau (rizières), l’une des premières victimes environnementales de la croissance économique est la qualité de l’eau. Le gouvernement a pris conscience de ce risque sur les populations, et a tenté de réagir. Toutefois, ces actions ont été limitées, et à l’heure actuelle, l’eau reste un enjeu central au Vietnam. C’est pourquoi, dans un premier temps, on fera un état des lieux de la qualité de l’eau au Vietnam, en essayant d’identifier les facteurs de cette baisse de qualité. Puis, on s’intéressera aux actions déjà entreprises par le gouvernement, ainsi que les solutions envisageables pour l’avenir.
Une région du Vietnam est particulièrement touchée par la pollution de l’eau: la pointe au sud du pays, la région du delta du Mekong. L’un des problèmes principaux concernant la population de cette région est la pollution de l’eau en surface. Elle est utilisée non seulement en consommation directe, mais elle sert aussi à irriguer les cultures, à l’aquaculture mais aussi au transport commercial. De mauvaise qualité, elle peut avoir des conséquences terribles pour de nombreuses personnes. Les origines de cette pollution sont diverses, même si elles sont bien plus humaines que naturelles. Des études de l’Organisation Mondiale de la Santé y ont ainsi retrouvé des résidus de pesticide, des bactéries de type e-coli, qui sont en partie responsable du 8,5% de mortalité due à la diarrhée dans les pays de l’Asie du Sud Est. La salinité et l’acidité sont aussi problématiques dans la région du Delta. L’aquaculture et l’urbanisation sont les deux autres grands facteurs de pollution de l’eau au Vietnam. Il y a quelques années, la pollution en arsenic des cours d’eau dans la région fut à l’origine d’un scandale de grand ampleur, responsable de l’empoisonnement des populations (Wilbers et al, 2014). Mais la pollution peut aussi être naturelle, le climat et les chutes de terrain expliquent aussi le faible niveau en oxygène de l’eau du Delta. Plus les cours d’eau sont étroits, plus la qualité de l’eau est basse. Or ce sont ces cours d’eau que les populations utilisent le plus pour subvenir à leurs besoins domestiques.
Le gouvernement a pris conscience des risques que pose une mauvaise qualité de l’eau. Dès 1994, l’Assemblée Nationale vietnamienne fit passer la Loi sur la Protection de l’Environnement (« LEP »), mais elle reste très vague. Son langage s’apparente à celui d’une Constitution, instaurant des objectifs larges comme la responsabilité de la qualité de l’eau aux organisations, aux agences de l’État, aux ménages et aux individus. Elle protège les nouvelles constructions en rendant nécessaire la délivrance d’un permis de construire sous la forme d’une validation de l’environnement avant le début de la construction (Whitney, 2013).
Mais face aux incitatifs socio-économiques, la LEP ne fait bien souvent pas le poids. Bien qu’ayant été renforcée, y compris en 2010, cette loi est rarement appliquée, car elle diminue non seulement l’investissement étranger, mais également l’innovation. Concernant la protection de la qualité de l’eau elle-même, celle-ci remonte à 1999. Ces lois interviennent peu après le développement du pays lancé dans les années 80, appelé Doi Moi. Après des années de gouvernement communiste et de retard de développement, le Vietnam ne voulait aucun obstacle à son développement. Cependant, les effets environnementaux se sont rapidement fait sentir, ce qui a poussé le gouvernement à agir (Whitney 2013, 30).
Le gouvernement a ensuite créé un Conseil National des Ressources en Eau, qui a pour tâche de conseiller le gouvernement sur les questions de l’eau d’un point de vue national et international, tout en réglant également les contentieux entre les provinces, les villes et/ou les agences. La loi est un bon cadre légal de protection, mais elle manque de force d’application. Par exemple, le gouvernement autorise une industrie à ignorer cette loi si une autre loi spécifique existe. La loi ne possède aucune force d’application, aucune contrainte réelle pour les entreprises à la fois locales et étrangères. On peut supposer qu’elle ait été votée pour que les organisations environnementales ne puissent plus dire que le gouvernement du Vietnam ne fait aucun effort de développement durable, et qu’elle s’apparaît plus en tant qu’objectifs globaux qu’en tant que réel cadre légal. Cette loi témoigne de la bonne volonté du gouvernement concernant la protection de l’eau, mais souligne que la priorité pour lui demeure celle du développement économique du pays.
La chercheuse Heather Whitney propose plusieurs solutions à ce problème. Tout d’abord, le gouvernement pourrait bénéficier d’une étude approfondie de toutes les mesures de protection de l’eau de manière à pouvoir les rendre plus efficaces. Deuxièmement, les efforts actuels du gouvernement devraient être encouragés, les avocats de la protection de la qualité de l’eau gagneraient sûrement à travailler avec le gouvernement pour changer véritablement les choses. Troisièmement, le Vietnam devrait implanter un programme de protection sociale et écologique des grandes réserves d’eau, comme dans les parcs régionaux ou les régions indigènes. Quatrièmement, le gouvernement devrait continuer à fournir un soutien financier et administratif aux programmes qui visent les régions particulièrement touchées par la pollution, surtout celles qui ont une importance historique et culturelle. Les outils du marché, comme les taxes et les quotas d’utilisation d’eau, peuvent être imposés pour sensibiliser à la qualité de l’eau. Cette prescription est ambiguë, car les entreprises étrangères s’installent dans des pays comme le Vietnam pour profiter de sa main d’œuvre bon marché et son laxisme environnemental. Stopper la croissance économique n’est pas non plus une solution pour la protection de l’environnement. Cinquièmement, l’objectif le plus important, mais peut être aussi le plus difficile à mettre en place, serait un système de justice capable d’appliquer des contraventions aux violations des lois environnementales. Enfin, la qualité de l’eau et de l’environnement en général au Vietnam bénéficierait sûrement d’une implication publique des citoyens et des individus pour la protection de l’eau.
Le gouvernement vietnamien n’est pas aveugle à la problématique que pose l’eau, mais les choix sont divisés entre la protection environnementale et sanitaire et la croissance économique. Les solutions proposées ici malheureusement entrent souvent en opposition avec les objectifs économiques. Peut-être faudra-t-il encore un peu de temps pour trouver une solution durable conjuguant croissance et protection environnementale. Idéalement avant qu’il ne soit trop tard.
Sources
Gert-Jan Wilbers,Mathias Becker, La Thi Nga, Zita Sebesvari, FabriceG.Renau « Spatial and temporal variability of surface water pollution in the Mekong Delta, Vietnam » Science of the total Environment, Summer, 2014, Vol.485-486(1), p.653-665
Whitney, Heather. « Vietnam: water pollution and mining in an emerging economy » Asian-Pacific Law & Policy Journal, Summer, 2013, Vol.15(1), p.25-57