La Thaïlande et l’environnement: Duo ou duel?

Par Claire Bigand

Le pachyderme est un des symboles nationaux de la Thaïlande. Pourtant, la déforestation massive réduit son habitat naturel, forçant les éléphants sauvages à mendier leur survie. L’instabilité politique thaïlandaise qui sévit depuis des évènements tels «le coup d’État en 2006 par les militaires ou les violences de Mai 2010»[1] fait en sorte que l’élite du pays remanie constamment les programmes de l’État en décentralisant ou centralisant davantage : «la Thaïlande a enregistré une remarquable croissance économique, mais à un prix social et environnemental élevé»[2]. Le Royaume de Siam d’autrefois semble avoir choisi le bateau du capitaliste et non celui de l’écologiste!

Épuisement des sols, usage de fertilisants et consommation faramineuse d’eau, voilà la recette à suivre pour avoir des pratiques de plantation identiques à la Thaïlande. Le pays a «exploité ses ressources naturelles pour l’exportation de manière plus importante que la consommation domestique»[3] et le gouvernement ne prévoit pas, pour le moment, de modifications importantes quant aux polices d’exportations internationales. Depuis que l’État du roi Rama IX est proactif au sein de l’Ansea (Association des nations du Sud-est asiatique) concernant son économie interne et son commerce extérieur, tout porte à croire qu’il en a presque oublié que sa population demeure majoritairement reliée à l’agriculture. D’importants problèmes quant à l’alimentation et l’accès à l’eau potable affectent les villageois qui se retrouvent avec des terres non fertiles et délabrées. Toutefois, les agriculteurs locaux ont mis leur grain de sel également. Ils pratiquent une technique d’agriculture sur abattis-brûlis, «pratique agricole apparue dès le néolithique»[4], qui produit un taux de particules fines en suspension alarmant, rendant la situation sanitaire très préoccupante en Thaïlande. «Pourtant, malgré de violentes critiques et des menaces de sanctions de la part du gouvernement thaïlandais, les feux continuent de brûler»[5], créant des problèmes respiratoires chez les citoyens et une visibilité réduite dans le ciel.

Déforestation en Thaïlande, image provenant de Greenpeace

Le plus grand fléau de la Thaïlande reste néanmoins la déforestation. Au début du XXème siècle, aller au palais royal de «Bangkok à Prakanong nécessitait un long trajet à dos d’éléphant à travers un dense rideau végétal»[1] : maintenant, il suffit d’une «vingtaine de minutes en métro aérien»[2]. Non seulement des espèces rares d’arbres sont menacées, mais en plus, on retrouve beaucoup de ressources alimentaires et médicales qui découlent des plantes de forêts tropicales humides thaïlandaises, dont la disparition serait désastreuse. On estime que «depuis environ 20 ans, les Thaïlandais coupent en moyenne 5000 km carré par année de forêts»[3], ce à quoi le gouvernement, ou plus précisément le Département royal des eaux et des forêts, a répondu que ces pratiques étaient nécessaires pour le bon développement du pays. Le département a renchérit en installant des villages dits forestiers, visant la replantation des arbres, en particulier le teck et l’eucalyptus camaldulensis, mais beaucoup de lacunes sont venues mettre le doute dans l’esprit des gens, comme lorsque le Département récoltait les arbres bien avant leur maturation. Par malléabilité éthique et corruption, le fameux département royal est devenu le principal agent de destruction en s’alliant avec les compagnies privées d’exploitation. Les paysans des forêts denses sont toutefois un frein à cette course à la production, forçant le gouvernement à adopter «en 2007 une loi qui leur reconnaît le droit de gérer les ressources forestières»[4]. Une belle victoire, peut-être, mais rien n’est joué. Les ethnies minoritaires sont donc les seuls qui peuvent réellement s’opposer aux manœuvres gouvernementales en faisant valoir leur droit à utiliser les forêts. Par exemple,les citoyens de Samut Songkram, la «plus petite province de la Thaïlande»[5], ont continué à pratiquer leur agriculture ancestrale. Résultat : Samut Songkram est devenue une province pilote sous la mire de l’Initiative pauvreté-environnement (PEI), faisant parti du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a permis à ces personnes d’analyser les problèmes environnementaux de manière responsable et d’en tirer bénéfice. En effet, les villageois ont mis au point un modèle d’écotourisme et des séminaires pour analyser les problèmes de pollution.

Le gouvernement thaïlandais agit néanmoins sur la protection des forêts nationales, en y restreignant l’accès notamment. Peut-on dire que ces gestes sont empreints de bonne volonté? Peut-être, mais encore une fois : «les revendications territoriales informelles des agriculteurs à l’ethnie minoritaire sont éclipsées, et certains d’entre eux sont tout simplement exclus de leur terre en raison d’une absence de titre légal»[6]. Il est donc difficile de conclure si le gouvernement ne tente vraiment rien, et les citoyens, bien que conciliants, ont aussi une part du blâme dans toute cette affaire.

Entre gérance et décadence, la Thaïlande joue avec le feu, risquant son environnement pour générer un PIB plus élevé à ses habitants et se faire valoir mondialement. Est-ce là le prix pour l’avenir?

[1] Arnaud Dubus, p.212.

[2] Ibid.

[3] Chloé Sauvé-Bissonnette, en ligne.

[4]Arnaud Dubus, p.220.

[5] Programme des Nations Unies pour le développement, en ligne

[6] Ibid, p. 77.

[1] Janet C. Sturgeon, Nicholas K. Menzies,Yayoi Fujita Lagerqvist, David Thomas, Benchaphun Ekasingh, Louis Lebel, Khamla Phanvilay and Sithong Thongmanivong, p. 77.

[2] Programme des Nations Unies pour le développement, en ligne

[3] Aweewan Mangmeechai, p. 1038

[4] Wilfried Devillers, en ligne

[5] Wilfried Devillers, en ligne

 

Bibliographie

Arnaud Dubus. 2011. Thaïlande. Paris : La Découverte, 212-224.

Aweewan Mangmeechai. 2014. «Environmental externalities in relation to agricultural sector in Thailand with trade-linked analysis». Environment, Development and Sustainability (Vol 16(5)) : 1031-1040

Chloé Sauvé-Bissonnette. 2008. Les problèmes reliés à la Thaïlande, En ligne. http://environnement.mongroupe.ca/2014/03/06/les-problemes-relies-a-la-thailande/ (page consultée le 15 octobre 2014).

Janet C. Sturgeon, Nicholas K. Menzies,Yayoi Fujita Lagerqvist, David Thomas, Benchaphun Ekasingh, Louis Lebel, Khamla Phanvilay and Sithong Thongmanivong. 2013. «Enclosing Ethnic Minorities and Forests in the Golden Economic Quadrangle». Development and Change (Vol. 44 Issue 1): 53-79

Jean-Philippe Leblond, Vers une transition forestière en Thailande?: analyse causale de l’avancée des forêts à partir du cas de Petchabun (Montréal : Université de Montréal, 2011).

Ooi Keat Gin, Southest Asia : A Historical Encyclopedia, from Angkor Wat to East Timor (United States : Print flyer, 2004).

Programme des Nations-Unies pour le développement. 2014. Thaïlande : intégrer protection de l’environnement et lutte contre la pauvreté, En ligne. http://www.undp.org/content/undp/fr/home/ourwork/environmentandenergy/successstories/locals-learn-the-benefits-of-environmental-protection-in-thailan.html (page consultée le 14 octobre 2014)

Wilfried Devillers. 2014. Le nord de la Thaïlande touché par une forte vague de pollution, En ligne. http://www.thailande-fr.com/actu/29589-nord-thailande-touche-forte-vague-pollution (page consultée le 14 octobre 2014)

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