Le Laos et le « Triangle d’or » dans le trafic de produits illégaux : l’essor d’une économie parallèle

Par Coline Hondermarck

Le célèbre « Triangle d’Or »  (peuplesdumonde.voyagesaventures)

Le Laos, situé dans la région du fleuve de Mékong, se retrouve de plus en plus impuissant face aux réseaux criminels et aux trafics de produits illicites. Le célèbre « Triangle d’Or », regroupant trois pays asiatiques dont le Laos, est connu pour être le centre d’une forte production et circulation de produits illégaux, particulièrement d’opiacée et de méthamphétamine[1]. Récemment, la police laotienne a saisi 55,6 millions de pilules de méthamphétamine, la plus grosse saisie de drogue qui a été réalisée en Asie jusqu’à présent. Cette drogue est normalement envoyée vers des marchés d’outre-mer tels que l’Australie et le Japon, mettant en lumière ce commerce illégal qui dépasse les frontières nationales.

 

De multiples acteurs qui entrent en jeu

L’évolution de ce commerce illégal a été favorisée par de multiples facteurs à prendre en compte tels que la corruption, la fragilité des institutions, une difficulté à établir une véritable économie de marché, et également une production significative d’opium en Afghanistan qui alimente toute la région asiatique. Tous ces facteurs contribuent au développement et au renforcement des groupes clandestins et criminels en Asie du Sud-Est. Ces réseaux clandestins sont en partis alimentés par les hommes d’affaires chinois et les dirigeants de différents groupes armés. Cela prend donc en compte les petits groupes individuels regroupant les dirigeants politiques locaux, les entrepreneurs de drogues et les membres de hauts commandement armés. Ces différents acteurs justifient leurs actions clandestines par le fait que ce « business » est un moyen d’assurer le développement économique local du pays. Cette région, toujours en pleine expansion, est le lieu où le développement politique est étroitement lié aux aléas du marché mondial des drogues illicites.1

 

L’émergence d’une économie parallèle

Ainsi, le Triangle d’Or participe à l’émergence d’une véritable économie parallèle qui devient une source de préoccupation pour les pouvoirs locaux, mais aussi régionaux et internationaux, menaçant la stabilité des pays de la région. Plusieurs études ont déjà démontré qu’il existait une véritable ressemblance entre les logiques de l’économie légale et l’économie illégale pour tout ce qui concerne les formes d’organisation dans l’échange (concernant les mécanismes de structuration des revenus et des prix selon la loi de l’offre et de la demande, la stricte division du travail, la diversité des types de distribution, etc.)[2]. Certains en viennent même à se poser la question si la drogue ne constituerait pas un marché comme les autres. Cependant, contrairement à l’économie légale, le marché de la drogue entraîne des conséquences néfastes sur l’économie du pays à partir du moment où le gouvernement laotien ne dispose que de peu de moyens de contrôle. De ce fait, aucun revenu provenant des taxes et des impôts ne peut être perçu pour engager de nouveaux investissements pour le développement du pays.

 

Le retard de développement du pays dans la région asiatique

Le Laos est encore plus impacté par ce phénomène dans la mesure où celui-ci reste particulièrement en retard dans son propre développement et compte parmi les pays les plus pauvres d’Asie.[3] Son niveau de croissance semble insuffisant pour lui permettre de s’échapper de la pauvreté. Cette situation est davantage préoccupante à partir du moment où la pauvreté est un facteur d’accroissement du trafic de drogue et de contrefaçons de médicaments et, de ce fait, de criminalisation de l’économie du Laos. Pendant de nombreuses années, la consommation d’opium ne représentait pas nécessairement un problème majeur pour le gouvernement laotien. C’est uniquement à partir des années 1990, lorsque la drogue est utilisée en milieu scolaire, qu’il représente un nouveau défi. Le Laos s’est ainsi progressivement inséré dans le trafic d’héroïne et d’opium. Il est désormais considéré comme un point de départ de transit dans la région (en comptant également la Chine, le Vietnam et le Myanmar).

 

Cependant, le rôle du Laos dans le Triangle d’Or soulève deux problèmes majeurs en Asie. Dans un premier temps, cela participe à la criminalisation du pays, comme vu précédemment, mais aussi à l’augmentation de la corruption à cause de l’importante circulation de capitaux illégaux. Dans un second temps, la santé publique se retrouve impactée par ce phénomène. De plus, en 2012, le directeur exécutif de l’ONUDC, Yuri Fedotov, faisait part de son inquiétude face aux réseaux de criminalité organisée : « Si la croissance économique et l’intégration régionale offrent de nombreuses opportunités en matière de mobilité de biens, de services, de personnes et de flux financiers, elles représentent également une aubaine pour les réseaux criminels qui cherchent à prospérer et menacent la sécurité et l’état de droit ».[4] Ainsi, le trafic de produits illégaux amène au développement d’une réelle économie parallèle menaçant divers secteurs de l’Etat laotien.

[1] Ko-lin Chine, The Golden Triangle : Inside Southeast Asia’s Drug Trade, Cornell University Presse, 14 janvier 2009

[2] Michel Kokoreff, « L’économie de la drogue : des modes d’organisation aux espaces de trafic », Les Annales de la recherche Urbaine, 1998, pp. 114-124

[3] Frédéric Lasserre « Laos : comment sortir de la pauvreté ? », Revue Relations, mars 2006 : Laos : comment sortir de la pauvreté? – Revue Relations (cjf.qc.ca)

[4]  « L’ONUDC souligne la vulnérabilité du Laos face aux réseaux de criminalité organisée », Nations Unies, 5 décembre 2012 [en ligne] : L’ONUDC souligne la vulnérabilité du Laos face aux réseaux de criminalité organisée | ONU Info (un.org)

Bibliographie

Alan Dupont, « Transnational Crime, Drugs, and Security in East Asia », Asian Survey, published by University of California Press, Vol. 39, No. 3 (May – Jun., 1999), pp. 433-455 (23 pages)

– Michel Kokoreff, « L’économie de la drogue : des modes d’organisation aux espaces de trafic », Les Annales de la recherche Urbaine, 1998, pp. 114-124

– Chin Ko-Lin, « The Golden Triangle : Inside Southeast Asia’s », Cornell University Press, 2009.

– Frédéric Lasserre « Laos : comment sortir de la pauvreté ? », Revue Relations, mars 2006 [en ligne] Laos : comment sortir de la pauvreté? – Revue Relations (cjf.qc.ca)

– Paul Newton, Stephane Proux, Michael Green, Frank Smithuis, Jan Rozendaal, Sompol Prakongpan, Kesinee Chotivanich, Mayfong Mayxay, Sornchai Looareesuwan, Jeremy Farrar, Francois Nosten, Nicholas J White “Fake artesunate in southeast Asia”, in THE LANCET, Vol 357, June 16 2001

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