Iran Barat alias Iran Jaya alias Papousie

par François-Guy Piché

L’Indonésie est un archipel de plus de 7000 îles. Quelque 300 groupes ethniques composent l’Indonésie. Le pays est dominé par l’ethnie javanaise qui comprend environ 100 millions de personnes, suivi de l’ethnie soundanaise avec 40 millions de personnes. Ces deux groupes sont principalement concentrés sur l’île de Java qui regroupe 58% des 250 millions d’Indonésiens. La composition démographie d’Indonésie donne un avantage politique aux Javanais et aux habitants de l’île de Java qui ne représente seulement 7% du territoire Indonésien. À l’extrême est du pays, représentant environ 20% du territoire et possédant plusieurs ressources naturelles lucratives, telles que de l’or, du nickel, pétrole, gaz naturel et autres la Papouasie indonésienne ne représente qu’environ 3.6 millions d’habitant soit 1.5% de la population indonésienne (De Koninck, 2012). Comment expliquer les enjeux de société, d’économie et d’environnement propres aux Papous d’Indonésie? Les Papous ont connu peu de succès afin de faire reconnaitre leurs droits d’indigène ou leurs droits en tant que nation. Malgré les richesses naturelles de la Papouasie, la population de la province est une des plus pauvres d’Indonésie. De plus, l’exploitation de ses ressources naturelles à endommager les forêts et les cours d’eau de la Papouasie.

 L’histoire de la Papouasie

Les Pays-Bas sont restés accrochés à la Papouasie jusqu’en 1962. La Papouasie s’est rattachée en 1963 à l’Indonésie après un an de tutelle de l’organisation de nation unie. En 1969, Suharto nomma un millier de délégués afin de confirmer l’annexion de la Papouasie qui fut nommée Iran Barat puis Iran Jaya (De Konink, 2012). La province représentait des enjeux pour l’Indonésie. D’abord son annexion galvanisait le mouvement nationaliste indonésien. N’ayant fait son indépendance qu’il y a 13 ans, Sukarno, puis Suharto ont pu utiliser l’annexion du dernier territoire néerlandais afin de réunir les groupes ethniques d’Indonésie sous un projet nationaliste. Deuxièmement, la Papouasie regorge de grand potentiel économique. Riche en minéraux et en combustible fossiles, l’acquisition de ses ressources était un objectif de l’Indonésie. Non seulement la Papouasie possède plusieurs ressources naturelles, mais elle possède également un grand potentiel hydro-électrique (De Koninck, 2012). Depuis le début des années 1960, un groupe nationaliste de Papouasie, l’OMP réclame l’indépendance de la Papouasie. Leurs succès ont été plutôt limités. Certains groupes armés se réclament de l’OMP et frappent de coup en guérilla contre le gouvernement indonésien. Ils sont violemment réprimés par le gouvernement. Les accords entre l’Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée rendent plus difficile la fuite par la frontière des autorités indonésiennes. Depuis le régime autoritaire de Suharto, la population de Papouasie a quadruplé, surtout grâce au programme de transmigration créant des changements dans la composition ethnique de la Papouasie désavantageux pour les indigènes papous.

Les difficultés économiques

La province de Papouasie est très lucrative pour le gouvernement indonésien. Le gouvernement fédéral touche plusieurs redevances de grandes multinationales qui exploitent les ressources naturelles de Papouasie, telles que Freeport-McMoran qui exploite la mine de Grasberg, plus grand gisement d’or et troisième gisement de cuivre au monde ou British Petroleum qui exploite trois gisements de gaz naturel dans les baies de Berau et de Bintuni (De Konick, 2012). La mine de Grasberg est le plus grand contributeur du trésor indonésien. Malgré les revenus générés par ces exploitations, les retombés sur les populations locales papous sont limités (De Konink, 2012). Les redevances versées par les exploitants sont basses; 6.5 millions US à la Papouasie contre un milliard US au fédéral dans le cas de la mine de Grasberg (Courmont, 2015). Les employés des exploitations sont généralement des migrants qualifiés, alors que les Papous, peu éduqués, sont engagés comme travailleur non-qualifiés. Leurs salaires sont moindre. Sur une note plus positive, le gouvernement indonésien fait des efforts afin de changer positivement la situation pour la population locale. British Petroleum et Freeport-McMoran se sont engagés auprès du gouvernement à former plus de travailleur et de cadres localement et donc engagé plus de Papous comme travailleur qualifié (De Koninck, 2015).

La lutte identitaire

Dans l’Asie du Sud-Est, plusieurs groupes ethniques minoritaires autochtones cherchent à faire reconnaitre leurs droits. Certains connaissent du succès, tels que les Igorots aux Philippines, mais d’autre, comme les Papous d’Indonésie, ne connaissent pas le même succès. Les Papous luttent depuis les années 60 afin d’obtenir l’indépendance et la reconnaissance de leur statut d’indigène. Bien que ces revendications sont contradictoires, les Papous utilisent cette stratégie double (Bertrand, 2011). Par contre, leur lutte n’a pas connu de succès dû à plusieurs facteurs dont le manque de mobilisation dans les réseaux internationaux et le désintérêt du gouvernement central indonésien (Bertrand, 2011). Le gouvernement central indonésien, pendant la période autoritaire, avait d’autres priorités que les revendications papoues. Les conflits plus violant au Timor oriental et dans la province de Aceh ont créé un contexte défavorable aux négociations entre les Papous et le gouvernement fédéral. Depuis la démocratisation, les Papous et les autres indigènes d’Indonésie n’ont toujours pas réussi à inscrire les droits des indigènes dans la constitution ou toutes lois (Bertrand, 2011). La décentralisation permet une certaine autonomie, mais est loin d’une reconnaissance des droits sur leur territoire ou ressources naturelles.

En conclusion, les Papous d’Indonésie font face à plusieurs enjeux, tels que l’exploitation des ressources de leur territoire ancestrales, la pauvreté et la non-reconnaissance de leur statut d’indigène ou de nation. Ces enjeux sont causés par plusieurs facteurs donc, le contexte historique de l’annexion de la Papouasie, la recherche de ressources naturelles exportable de l’Indonésie et l’échec des Papous d’obtenir la reconnaissance légale qu’ils souhaitaient.

 

Bibliographie

Bertrand, Jacques. 2011. « ‘Indigenous peoples’ rights’ as a strategy of ethnic accommodation: contrasting experiences of Cordilleran sans Papuans in the Philippines and Indonesia ». Ethnic and Racial Studies 34 (no 5) : 850-869.

Courmont, Barthélémy. « Indonésie : les défis d’un archipel minier. » Dans Géopolitique des ressources minières en Asie du Sud-Est : Trajectoires plurielles et incertaines. Indonésie, Laos et Viêt Nam. Sous la direction de Éric Mottet, 54-140. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2015.

De Koninck, Rodolphe. 2012. L’Asie du Sud-Est. Paris: Armand Colin.

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