Tensions et défis en mer de Chine méridionale: Le Vietnam, partagé entre deux puissances

Par Hendrina Blais-Rochefort

Dans la dispute en mer de Chine méridionale, le Vietnam est l’un des pays étant le plus impliqués, si l’on considère le nombre d’accrochages contentieux avec la Chine. De plus, de nouveaux développements avec les États-Unis laissent croire qu’Hanoi pourra compter sur cet allié dans le futur lorsqu’il sera question du conflit. Ainsi, quelle serait la meilleure marche à suivre pour le Vietnam afin qu’il puisse s’assurer un avenir plus pacifique et plus stable dans la région au cours des années à venir?

Les revendications de la part du Vietnam dans la région de la mer de Chine méridionale datent de l’époque où le pays était divisé en deux, et ont d’abord été faites par le gouvernement du Vietnam Sud, qui considérait qu’ayant succédé à la colonie française, il était dans son droit d’hériter des territoires qui appartenaient à la France dans la région, après la défaite japonaise de 1945 (Buszynski, 2015, p. 8). Le Vietnam se base aussi, comme la Chine, sur des faits historiques, déclarant que les archipels des Spratlys et des Paracels sont occupés par les Vietnamiens depuis le 17e siècle. Le Vietnam a publié au cours des années 80 trois Livres blancs pour appuyer ses revendications, documents présentant des faits légaux et historiques qui essaient de démontrer  l’occupation et l’administration de ces îles par le pays, en plus de contester l’utilisation de la force par la Chine en 1974 et en 1988 pour expulser les Vietnamiens des îles Paracels et Spratlys, respectivement (Buszynsky, 2015, p. 83). De fait, en 1974, plus de 70 Vietnamiens ont perdu la vie, et 60 autres en 1988 (BBC, 2016).

(A) Revendications territoriales de la Chine et du Vietnam

Crises et tensions

Plus récemment encore, en 2014, une autre crise a éclaté entre le Vietnam et la Chine, cette fois au sujet d’une plate-forme pétrolière installée à l’ouest des Paracels, en plein dans ce que le Vietnam considère comme étant sa zone économique exclusive (ZEE) et son plateau continental. De son côté, la Chine a aussi défendu sa position en disant que ces îles font en fait partie du territoire chinois, et qu’elles n’étaient sujettes à aucune dispute, donc que c’était au Vietnam de cesser ses activités sur ce territoire (Amer, 2015, p. 387-88). La crise s’est finalement résolue lorsque la Chine, ayant terminé ce qu’elle avait à faire dans la région des Paracels, en est partie et a, du même coup, relâché les pêcheurs vietnamiens qu’elle détenait depuis son début(Amer, 2015, p. 389). La résolution même du problème démontre que la Chine peut faire ce qu’elle veut, et que le Vietnam, même s’il s’insurge contre le géant asiatique, reste trop petit face à ce pays. Ce ne sont pas des négociations qui ont mené à la fin des tensions, mais simplement qu’une des parties, la plus puissante, ait obtenues exactement ce qu’elle voulait. Il est donc évident que seul, le Vietnam a peu de chance de pouvoir arriver à un accord juste avec la Chine dans une résolution éventuelle de la dispute. Ainsi, quelles sont les perspectives d’avenir pour le Vietnam en mer de Chine méridionale?

Du côté de ses relations avec la Chine, le Vietnam a mis en place plusieurs politiques depuis les années 90. Au début, Hanoi se montrait conciliant et exerçait du « soft balancing » dans la région, mais au fur et à mesure que la Chine devenait menaçante, surtout vers la fin des années 2000 et après la crise de 2014, le Vietnam a mis beaucoup plus d’accent sur le « hard balancing » (Vuving, 2017, p. 431), tentant de resserrer les liens avec les autres pays Sud-Est asiatiques ainsi qu’avec les États-Unis. En janvier 2016, Nguyen Phu Trong a été réélu Secrétaire général du Parti. Sa vision pour la politique étrangère que mènera Hanoi au cours des prochaines années est claire : plus de rapprochement avec les puissances économiques voisines, telles que le Japon, la Corée du Sud, ainsi qu’avec les États-Unis, la Russie et l’Inde, pour ne nommer que ceux-là, et aussi qu’une plus grande participation au sein de l’ASEAN (Nguyen, 2017, p. 416).

(B) Obama en visite au Vietnam et Tran

Courtisé par les États-Unis

Au même moment, et depuis 2016, quelques officiers du Parti ont visité Beijing et ont signé des accords économiques entre le Vietnam et la Chine, tentant de calmer le jeu entre les deux pays et de maintenir des relations cordiales avec son plus important partenaire économique. Mais alors que les relations avec la Chine sont plus ou moins tendues, le Vietnam s’est rapproché des États-Unis, surtout après la levée de l’embargo sur les armes imposé il y a plus de 10 ans, lors de la visite d’Obama en mai 2016 (Nguyen, 2017, p. 417). Ainsi, selon Vuving, trois éléments pourraient résumer la stratégie en matière de sécurité du Vietnam. Hanoi, dans un premier temps, tente de construire, à l’aide de la modernisation et de plus d’investissement en défense, une capacité dissuasive afin d’éviter plus de violence de la part de la Chine. Se faisant, le Vietnam doit aussi, comme il le fait depuis 2016, s’assurer de maintenir des relations pacifiques avec la Chine, de garder en place, même en temps de crise, les mesures nécessaires afin d’assurer la communication entre les deux parties. Mais Hanoi doit aussi, dans un troisième temps, tendre le bras vers les organisations internationales et ses autres pays voisins pour s’assurer le soutien dont il a besoin face à la Chine (Vuving, 2017, p. 432). Du point de vue des affaires étrangères, l’avenir du Vietnam en mer de Chine du Sud ne peut être positif pour lui que dans la mesure où il parvient à s’éloigner de la Chine et à soutenir un balancement dans la région grâce aux États-Unis.

Toutefois, il ne suffit pas de pouvoir bien jouer au jeu des relations internationales pour avoir une chance, dans le cas du Vietnam. En effet, Hanoi, après le jugement de la Cour d’arbitrage internationale, a un autre défi à surmonter. Puisque selon la Cour, les éléments historiques sur lesquels s’appuie la Chine pour former sa ligne à neuf traits qui englobe presque toute la région de la Mer de Chine méridionale, ceux du Vietnam sont tout autant inacceptables. Selon le jugement, l’UNCLOS a donné les limites précises des eaux territoriales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux, qui doivent être celles utilisées légalement afin de déterminer ce qui appartient à qui (Nguyen, 2016, p. 370).

Beaucoup de travail à faire et de défis à surmonter

Le Vietnam n’a cependant pas encore défini toutes ses lignes de base, notamment dans le Golf de Tonkin, le Golf de Thaïlande ainsi que dans la région des Paracels et des Spratlys. Il peut donc utiliser le jugement de juillet 2016 pour clarifier ce qu’il revendique, ainsi que pour pouvoir, déclarer sa souveraineté sur le territoire qui respecte les 12 miles nautiques décrétés par L’UNCLOS (Nguyen, 2016, p. 372-373). Ce faisant, Hanoi aura des bases solides pour pouvoir négocier avec la Malaisie sur la zone qui touche les deux pays, puis finalement pouvoir se baser sur des faits légaux pour pouvoir faire équipe plus efficacement avec l’ASEAN et les autres pays impliqués dans la dispute face à la Chine.

En conclusion, le Vietnam, un des principaux pays revendicateurs dans la dispute en mer de Chine méridionale, a quelques devoirs à faire afin de renforcer sa position future dans la région. Le remaniement du gouvernement fait en janvier 2016 aidera définitivement dans ces tâches, Trong tente de jouer les bonnes cartes afin d’avoir plus de poids face à la Chine. Toutefois, après le jugement de la Cour d’arbitrage internationale, de nouveaux défis pointent à l’horizon. Hanoi devra, tel que mentionné, jumelé sa politique étrangère à une meilleure délimitation de ce qui fait partie, effectivement selon l’UNCLOS, de son territoire. Outillé ainsi, le Vietnam pourra défendre sa position plus aisément au sein de l’ASEAN, et peser plus lourd devant Beijing, ce qui devrait, à long terme, lui permettre de maintenir la paix et la stabilité tant nécessaire à son développement économique.

Bibliographie

Amer, Ramses. 2015. «Vietnam in 2014 : Crisis with China Makes Headline», Southeast Asian Affairs, Vol 2015, pp 385-401. [En ligne]. http://muse.jhu.edu/article/583060/pdf

Buszynski, Leszek et Roberts, Christopher B. 2015. The South China Sea maritime dispute : political, legal, and regional perspectives. New York : Routledge.

Nguyen, Phuong. 2017. «Vietnam in 2016 : Searching for a New Ethos», Southeast Asian Affairs, Vol 2017, pp 407-420. [En ligne]. http://muse.jhu.edu/article/658032/pdf

Nguyen, Thi Lan Anh. 2016. «The South China Sea Award: Legal Implications for Vietnam», Contemporary Southeast Asia: A Journal of International and Strategic Affairs, Vol 38, No 3 (Décembre 2016), pp 369-374. [En ligne]. http://muse.jhu.edu/article/647374/pdf

Vuving, Alexander L. 2017. «The 2016 Leadership Change in Vietnam and its Long-Term Implications», Southeast Asian Affairs, Vol 2017, pp 421-435. [En ligne]. http://muse.jhu.edu/article/658033/pdf

Iconographie

(A) En ligne. http://pages.stolaf.edu/asiaforecast2014/files/2014/01/China-Vietnam-Maritime-Claims.jpg

(B) En ligne. http://www.liberation.fr/planete/2016/05/24/obama-au-vietnam-au-nom-de-la-democratie-et-des-contrats_1454755

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés