Singapour, une Cité-État Sécurisée?

 

Par Naledi MASANABO

Figure 1. David Steele. Chinatown. 16 août 2009

6ème meilleur pays en termes de cyber sécurité et défini comme l’un des pays multiculturels les plus sûr au monde. La sécurité de Singapour lui a permis de s’ériger et se démarquer économiquement. Quels sont les raisons derrière cette efficacité ? Comment cette croissance économique challenge sa sécurité ? Et à quelles nouvelles menaces fait-elle face ?

 

Quel est le système judiciaire mis en place à Singapour ?

 

Basé sur la « common law » apportée par la colonisation britannique, le système juridique de Singapour possède 4 sources de droits : la Constitution, la législation primaire, la législation secondaire et la jurisprudence (1). L’application de cette justice se fait à 2 niveaux : la cour suprême et les cours subordonnées. La cour suprême compte 16 juges et un président appelé le « Chief Justice ». La Constitution, la loi suprême, contient les libertés individuelles fondamentales et garantie l’égalité entre tout individu indépendamment de leur croyance, ethnicité et religion.

 

Comment est-il efficace ?

Tout d’abord, Singapour est une cité-État multi-culturelle avec d’importantes influences chinoise, indienne et malaise. Afin de diminuer les risques de conflits intercommunautaires, Singapour a adopté un système juridique qui partage les valeurs transversales des différentes cultures. Premièrement, étant basée sur le système de Westminster, sa Constitution possède de concert les mêmes bases que son homologue malaise. Deuxièmement, la cité-État autorise l’utilisation de la Charia, soit la loi islamique, dans certains domaines. En plus,  Singapour fait mentions de sa multi-culturalité dans les lignes de sa Constitution et encourage par la même occasion une harmonie religieuse. Ce facteur, expliqué plus en détails par Amine Assale,  lui permet de diminuer les risques de conflits inter-culturels.

 

Figure 2. Annika Panika. Panneau d’interdiction à Singapour. 2013.

Un dernier facteur qui réduit le taux de criminalité à Singapour est le sens de la morale. La population singapourienne met énormément l’accent sur l’importance de l’effort communautaire, c’est-à-dire qu’il est de la responsabilité de chacun de s’assurer du respect de la loi afin de vivre dans un environnement sain (2). Cette vision de la société explique pourquoi les habitants n’hésiterons pas à appeler la police ou dénoncer tous crimes.L’autre raison de cette efficacité judiciaire est la sévérité du système singapourien. Ce dernier prône l’obéissance et la discipline de la population.. En effet si l’on prend des exemples précis on voit que, fumer en public est passible d’une amende ou la détention de plus de 500g de cannabis entraîne la peine de mort. La gravité des sanctions illustre le pouvoir du système juridique de Singapour ou nulle n’est au-dessus de la loi. Cette égalité présente entre tous les membres de la société est une des causes du faible taux de corruption.

En conclusion, l’efficacité du système judiciaire de Singapour réside dans la sévérité des sanctions, de la capacité du pouvoir juridique à réprimer les possibles dissidences, l’inclusivité des textes de lois et sans nul doute, la coopération de la population à lutter contre le crime.

 

Le revers d’une telle efficacité

Certes son sytème juridique est efficace mais une telle efficacité a un prix. En particulier, le bénéfice de certaines libertés, telle que la liberté d’expressions. La question sur la liberté d’expression a fait du remous au sein de la communauté internationale. Le rapport du Human Rights Watch met avant la façon dont cette répression peut être direct et indirect. Une illustration frappante de cette culture de la peur est la loi pour contrer les influences étrangères voté début octobre 2021. Cette loi passée de façon expéditive vise à fortement réduire toutes formes d’ingérences étrangères et augmenter le contrôle de l’Etat sur les réseaux sociaux. Ce contrôle de l’information permet au gouvernement de passer sous silence toutes dissidences.

 

A quels nouveaux défis fait-elle face ?      

Souvent utiliser comme plaque tournante pour le trafic humain dans le domaine sexuel et la main d’œuvre illégale, Singapour est sujette à de nouvelles formes de menaces. Ces trafics touchent majoritairement les étrangers, mais pour quelles raisons ?

 

Les dynamiques migratoires en Asie du Sud-Est sont en premier lieu régional. Les populations des pays, tel que les Philippines, le Myanmar, l’Indonésie, le Laos ou le Cambodge, migrent d’abord dans la région, pour ensuite rejoindre l’Occident ou le Moyen-Orient. Singapour est de ce fait une importante destination pour les travailleurs migrants. Les visas de ces travailleurs dépendent de leur supérieur, les exposants à plusieurs formes d’abus ou à être engagé dans différents trafics (3). Pour lutter face à cette nouvelle forme de menace, le gouvernement singapourien a mise en place diverses mesures, telle qu’augmenter le dialogue avec les ONG. Ces mesures lui ont permis de se classer dans le top tiers des pays ayant réalisés le plus d’effort pour lutter contre le trafic sexuel (4).

 

Bien que la détention de drogue soit sévèrement punie, le nombre de dépendant ou trafiquant reste élevé, avec 62% de nouveaux dépendants en 2020.  L’utilisation d’amphétamine et méthamphétamine est un problème qui touche non seulement Singapour mais l’Asie du Sud-Est avec plus d’un tiers des consommateurs d’amphétamines dans cette région (5). La ville-jardin est donc entourée d’important marché illicite, ce qui nuit grandement à sa sécurité.

 

Une approche plus globale face aux enjeux sécuritaires ?

La crise du Covid-19 a mis les enjeux de sécurités au premier plan dans l’agenda des pays du monde entier. Pour faire face à cette crise la cité-État a renforcé ses rapports bilatéraux avec la Malaisie. Les deux sont allées jusqu’à mettre en place un sommet concernant les Malais bloqués à Singapour avec la pandémie. De plus, Singapour a récemment renforcé ses liens avec la Chine sur le plan légal et judiciaire (6). Cette collaboration est symbolisée par la nomination d’un juge et d’un avocat singapourien dans l’équipe de la Cour populaire suprême de Chine au comité international d’experts en droit commercial (7). En multipliant ces alliances dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est Singapour assure un environnement sécurisé avec ces partenaires, nécessaire pour son bien-être économique.

Dans cette optique, la pandémie pourrait encourager Singapour à discuter et coopérer, afin de lutter contre ces enjeux sécuritaires en Asie du Sud-Est.

 

 

 

 

(1) UNODC, 2

(2) Reynolds Zachari, 3

(3) Hagar. EN LIGNE

(4) UNODC, 442

(5) Central Narcotic Bureau, 6

(6) Tan, Eugene K.B, 293

(7) Tan Eugene KB, 293

 

 

 

Bibliographie

 

Assale, Amine. « Quelle est la place des musulmans à Singapour ? » (blogue).  25 septembre 2016 ; https://redtac.org/asiedusudest/2016/09/25/quelle-est-la-place-des-musulmans-a-singapour/

 

Central Narcotic Bureau. 2021. Drug Situation Report 2020.  Singapore: Central Narcotic Bureau. https://www.cnb.gov.sg/docs/default-source/drug-situation-report-documents/cnb-annual-statistics-2020-final.pdf

 

Chan, Sek Keong. « THE COURTS AND THE ‘RULE OF LAW’ IN SINGAPORE : A Lecture Delivered at the Rule of Law Symposium. » Singapore Journal of Legal Studies, 2012, 209–31. http://www.jstor.org/stable/24872210.

 

Hagar. « Yes, it happens in Singapore Human trafficking » s.d. Consulté le 23 novembre 2021.  https://hagar.org.sg/human-trafficking-in-singapore/

 

Reynolds Zachary. Intertwinning Public Morality, Prosecutorial Discretion, and Punishment : Low Crime and Convictions in Singapore.

 

Reynolds, Zachary, « Intertwining Public Morality, Prosecutorial Discretion, and Punishment : Low Crime and Convictions in Singapore » (2017). International Immersion Program Papers. 61. http://chicagounbound.uchicago.edu/international_immersion_program_papers/61

 

Tan, Eugene K.B. “SINGAPORE IN 2020: The ‘Crisis of a Generation’ – Challenges, Change and Consequences.” Southeast Asian Affairs, 2021, 277–312. https://www.jstor.org/stable/27075087.

 

United Nations Office on Drugs and Crime. 2015. « Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption ». United Nations : Office On Drugs And Crime.https://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/WorkingGroups/ImplementationReviewGroup/ExecutiveSummaries/V1505041f.pdf) .

 

United Nations Office on Drugs and Crime. 2018. « UNODC, Singapore Collaborate To Boost Corruption Investigations In The Asia-Pacific ». United Nations: Office On Drugs And Crime. https://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2018/June/unodc–singapore-collaborate-to-boost-corruption-investigations-in-the-asia-pacific.html

 

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