Singapour : la cité-État au cœur d’un jeu de séduction entre Pékin et Washington.

L’Asie du Sud-Est : un enjeu géostratégique sino-américain.

Singapour : la cité-État au cœur d’un jeu de séduction entre Pékin et Washington.

 

Souvent appelé la « petite Chine » l’archipel de Singapour est un modèle pour l’empire du Milieu. Cette proximité repose sur différents piliers historiques, culturels et économiques. Pourtant, Washington maintient une forte présence dans l’archipel souhaité par les dirigeants de Singapour dont la stratégie élaborée est illustrative des enjeux et des difficultés des pays asiatiques confrontés à ce dilemme de positionnement géostratégique. Cette cité-État construite sur une presque-île a su créer une dynamique économique remarquable jusqu’à devenir une place forte de l’économie mondiale. De plus, la cité du Lion fait figure d’un modèle d’exemplarité pour Pékin, mais aussi d’un atout stratégique pour Washington, qui s’efforce à renforcer les relations bilatérales entre les deux pays. L’intégration réussie de la cité au sein de l’économie internationale et leur relation atypique avec les élites chinoises, nous incite à nous interroger quant au rôle de Singapour dans la rivalité sino-américaine ?

 

Une place financière internationale.

Singapour est unique, la cité du lion est devenue une des nations les plus riches du globe et est aujourd’hui considérée comme une place boursière majeure de l’économie mondiale avec notamment un PIB par habitant le plus conséquent du monde. La réussite économique de l’archipel est notamment due à une stratégie de libéralisation économique accompagnée d’une large ouverture à l’économie internationale se caractérisant par un fort excédent commercial[1]. Singapour constitue un terreau d’investissement attrayant pour les investisseurs étranger avec une politique fiscale adoucie caractérisée par un taux d’imposition faible. Singapour est aussi au cœur de nombreux traités de libre-échange offrant à l’archipel une place majeure dans l’économie internationale et lui conférant des relations étroites aussi bien avec Pékin que Washington. Hormis Hong Kong, ses principaux partenaires économiques sont la Chine et les États-Unis, s’inscrivant ainsi dans la stratégie de la double appartenance avec Pékin et Washington. De plus, Singapour a su mettre en place de superbes infrastructures domestiques et internationales comme celles aéroportuaires et maritimes (troisième port au monde en trafic de marchandises)[2].

 

  

Figure 1. Marina Bay, le symbole de l’intégration économique de Singapour[3].

 

Le dynamisme économique de Singapour est inévitablement impacté par la rivalité sino-américaine dans la région, la cité du Lion ayant notamment assisté à un recul de sa croissance économique dû aux tensions commerciales entre les États-Unis et Pékin[4]. Puisqu’étant fortement dépendante des exportations, Singapour est un reflet de la santé de l’économie mondiale et démontre que la « guerre économique » sino-américaine a « un impact négatif sur les secteurs manufacturiers et les exportations »[5].

 

Un modèle pour Pékin et un atout géostratégique pour Washington.        

La cité de Singapour fascine, son impressionnante réussite économique, ainsi qu’une société réputée comme disciplinée et sécuritaire sont autant d’éléments qui inspirent les élites chinoises. C’est aussi la conception du schéma politique de Singapour qui intéresse le parti communiste chinois puisque la République de Singapour est considérée comme une démocratie populaire avec un régime parlementaire monocaméral au sein duquel le parti au pouvoir (le PAP) ne souffre d’aucune concurrence et a la mainmise sur la vie politique de Singapour. La vision de la politique des élites singapourienne inspire le gouvernement chinois dans les réformes chinoises. À l’image de la rivalité sino-américaine, Singapour est un symbole de la dualité opposant les démocraties occidentales et les démocraties hybrides, caractérisé par un autoritarisme optant pour une limitation des libertés contre la promesse d’une plus grande efficacité (économique, sociale, sécuritaire notamment). Ainsi, selon les élites singapouriennes « les procédures électorales sans démocratie peuvent accroître la stabilité politique, si le système des partis s’y prête »[6]. Singapour se construit sur les échecs des démocraties occidentales et cherche à formuler une forme novatrice d’un système considéré par Singapour comme plus stable et empêchant les extrémistes d’accéder au pouvoir[7]. La proximité politique de la Chine et de Singapour s’illustre également par de nombreux projets et accords économiques bilatéraux. Mais malgré la reconnaissance de la réussite du modèle singapourien, Pékin considère l’archipel comme faisant partie de sa sphère d’influence et n’hésite pas à intervenir contre les intérêts de Singapour notamment en mer de Chine Méridionale[8].

L’expansion chinoise en Asie du Sud-Est contraint Singapour à devoir choisir la neutralité dans la rivalité sino-américaine, une position attentiste qui fait figure d’opportunité pour les États-Unis qui gardent une relation proche avec la cité de Singapour. Ainsi, les deux pays multiplient les accords commerciaux et Singapour reçoit d’importantes parts d’investissement américains[9].

 

Figure 2. Rencontre à Washington en 2016 du Président Obama et du Premier Ministre singapourien Lee Hsien Loong.[10]

 

Les États-Unis voient en Singapour une plaque tournante de la stratégie géopolitique de la région ; dans cette optique, l’ancien président Barack Obama avait déclaré : « Singapour est l’ancrage de notre présence dans la région »[11]. La présence américaine se traduit notamment par des accords militaires tels que l’aménagement de la base navale de Changi, à Singapour, afin d’accueillir les porte-avions américains, offrant à Washington un allié au sein des conflits en mer de Chine méridionale[12].

 

Singapour, par son caractère unique et sa réussite incontestable, attise les intérêts de Pékin et de Washington, conférant à la cité du Lion une délicate posture d’équilibriste au sein d’une rivalité sino-américaine instable.

 

 

 

TAGS : Singapour, Chine, États-Unis, économie, démocratie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie.

Atlasocio. « Classement des ports du monde par transport de marchandises. » Atlasocio, 14 mai, 2020. https://atlasocio.com/classements/economie/transports/classement-ports-par-transport-de-marchandises-monde.php.

 

Duchâtel, Mathieu. « Singapour, la voie chinoise des réformes politiques ? ». Perspectives chinoises 8, n°1(2008) : 100-101. http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/3833.

 

De Changy, Florence. « L’intenable neutralité stratégique de Singapour vis-à-vis de la Chine et des États-Unis ». Le Monde, 3 mars, 2017. https://www.lemonde.fr/international/article/2017/03/03/l-intenable-neutralite-strategique-de-singapour-vis-a-vis-de-la-chine-et-des-etats-unis_5088796_3210.html.

 

Figure 1. Molpix. Paysage urbain de Singapour au crépuscule. Paysage d’un immeuble d’affaires de Singapour autour de la baie de Marina. Bâtiment moderne de haut niveau dans le quartier des affaires au crépuscule. Provenant de Fang, Joy. « Marina Bay Sands celebrates its 10th birthday with unique S$20 cocktails. » SilverKris (blogue), 17 septembre, 2020. https://www.silverkris.com/marina-bay-sands-10th-birthday-cocktails/.

 

Figure 2. Wilson, Mark. President Obama welcomes Singapore Prime Minister Lee Hsien Loong during an arrival ceremony on the South Lawn of the White House August 2, 2016 in Washington, DC. Provenant de Liptak, Kevin. « Obama: I’m still president and I support TPP trade deal ». CNN Politics. 2 août, 2016. https://www.cnn.com/2016/08/02/politics/obama-singapore-state-visit-tpp-trade-deal/index.html.

Ministère de l’Économie, des finances et de la relance. Commerce extérieur de Singapour : bilan de l’année 2020 et du S1 2021. Paris : ministère de l’Économie, des finances et de la relance. Direction générale du trésor, 2021. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/08/02/commerce-exterieur-de-singapour-bilan-de-l-annee-2020-et-du-s1-2021.

Nicolas, Corentin. « Guerre commerciale : Singapour victime des tensions entre Washington et Pékin ». Les Echos, 12 juillet, 2019. https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/guerre-commerciale-singapour-victime-des-tensions-entre-washington-et-pekin-1037573.

 

[1] Ministère de l’Économie, des finances et de la relance, Commerce extérieur de Singapour : bilan de l’année 2020 et du S1 2021. (Paris : ministère de l’Économie, des finances et de la relance. Direction générale du trésor, 2021), https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/08/02/commerce-exterieur-de-singapour-bilan-de-l-annee-2020-et-du-s1-2021.

 

 

[2] Atlasocio, « Classement des ports du monde par transport de marchandises, » Atlasocio, 14 mai, 2020. https://atlasocio.com/classements/economie/transports/classement-ports-par-transport-de-marchandises-monde.php.

[3] Figure 1. Molpix. Paysage urbain de Singapour au crépuscule. Paysage d’un immeuble d’affaires de Singapour autour de la baie de Marina. Bâtiment moderne de haut niveau dans le quartier des affaires au crépuscule. Provenant de Fang, Joy. « Marina Bay Sands celebrates its 10th birthday with unique S$20 cocktails. »SilverKris (blogue), 17 septembre, 2020. https://www.silverkris.com/marina-bay-sands-10th-birthday-cocktails/.

[4] Corentin Nicolas, « Guerre commerciale : Singapour victime des tensions entre Washington et Pékin », Les Echos, 12 juillet, 2019. https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/guerre-commerciale-singapour-victime-des-tensions-entre-washington-et-pekin-1037573.

[5] Nicolas, Guerre commerciale : Singapour victime des tensions entre Washington et Pékin.

[6] Mathieu Duchâtel. « Singapour, la voie chinoise des réformes politiques ? », Perspectives chinoises 8, n° 1 (2008) : 100-101. http://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/3833.

[7] Duchâtel. « Singapour, la voie chinoise des réformes politiques ? »

[8] Florence de Changy, « L’intenable neutralité stratégique de Singapour vis-à-vis de la Chine et des États-Unis », Le Monde, 03 mars, 2017. https://www.lemonde.fr/international/article/2017/03/03/l-intenable-neutralite-strategique-de-singapour-vis-a-vis-de-la-chine-et-des-etats-unis_5088796_3210.html.

[9] Simon Desplanque. « Singapour : une petite puissance à la charnière des océans », Union européenne-Chine. Note d’analyse 23(2013), http://cecrilouvain.be/wp-content/uploads/2018/01/23-note-danalyse-singapour2.pdf.

[10] Figure 2. Wilson, Mark. President Obama welcomes Singapore Prime Minister Lee Hsien Loong during an arrival ceremony on the South Lawn of the White House August 2, 2016 in Washington, DC. Provenant de Liptak, Kevin. « Obama: I’m still president and I support TPP trade deal ». CNN Politics. 2 août, 2016. https://www.cnn.com/2016/08/02/politics/obama-singapore-state-visit-tpp-trade-deal/index.html.

[11] Florence de Changy, « L’intenable neutralité stratégique de Singapour vis-à-vis de la Chine et des États-Unis », Le Monde, 03 mars, 2017. https://www.lemonde.fr/international/article/2017/03/03/l-intenable-neutralite-strategique-de-singapour-vis-a-vis-de-la-chine-et-des-etats-unis_5088796_3210.html.

 

[12] De Changy, « L’intenable neutralité stratégique de Singapour vis-à-vis de la Chine et des États-Unis ».

 

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