Singapour: Un Exemple de la Représentation Politique de la Femme?

par Valérie Paquet

Partisans du People’s Action Party et du Worker’s Party pendant la nomination des candidats des élections générales de 2015. Photo: Straigts Times (Archives) https://www.straitstimes.com/politics/singapore-ge2020-workers-party-wipeout-argument-a-tactic-expect-hard-fight-says-prime

Singapour se trouve à prendre une approche singulière pour augmenter la représentation féminine dans la politique en n’employant pas de quota de genres dans son parlement pour adresser l’égalité des sexes. En 2020, on a pu assister à un nombre record de 29.5% du parlement singapourien représenté par des femmes.[1] De ce fait, la question des quotas de genres dans les partis politiques et les facteurs socioculturels sont très importants afin d’expliquer le boom de la représentation des femmes dans la politique à Singapour et ses conséquences.

 

Structure gouvernementale et élections

Pour commencer, la structure du gouvernement et des élections joue un rôle important dans les changements qui ont eu un impact sur l’augmentation des femmes dans la politique et le parlement singapourien. Le gouvernement singapourien est formé selon le modèle britannique, le système de Westminster, et comprend trois branches de pouvoir (législatif, exécutif et la judiciaire) et une seule chambre (unicaméral).[2] Aujourd’hui, le parti majoritaire est le People’s Action Party (PAP), qui est le parti politique dominant depuis l’indépendance de Singapour de la Fédération malaisienne en 1965.[3] Le PAP est considéré comme un parti conservateur au niveau social.[4]

Contrairement au système électoral canadien, Singapour compte deux types de division circonscriptions : les circonscriptions uninominales et les circonscriptions représentées par un groupe (Group Represented Conscriptions, GRC). Dans les circonscriptions uninominales, un seul membre du Parlement représente les intérêts de sa circonscription. Les circonscriptions représentées par un groupe sont des circonscriptions plus larges, représentées par trois à six candidats. Chaque groupe doit comprendre au moins un candidat d’une minorité ethnique (Malay, Indien ou autre). Ce type de circonscription a été établi en 1988 pour représenter les communautés de minorités ethniques dans le Parlement singapourien.[5] L’établissement de ce genre de circonscription aura un impact important sur la possibilité des femmes d’entrer en politique et d’augmenter la représentation au sein du Parlement.

 

Les effets du quota ethnique et l’introduction du système GRC

Depuis la fin du 20e siècle, plusieurs pays asiatiques et occidentaux ont introduit un quota de genre pour assurer une augmentation rapide de la représentation des femmes en politique.[6] Cependant, Singapour a décidé de ne pas introduire de quota officiel et le nombre de femmes dans la politique a doublé depuis 2001 grâce au quota éthique et du changement de la structure électorale.

Introduit en 1988, le quota ethnique sert à représenter la diversité des minorités ethniques à Singapour et éviter les tensions entre celles-ci. Le quota a été introduit pendant une phase d’impopularité auprès des électeurs en raison de problèmes de crédibilité parmi la classe ouvrière.[7] Il s’agissait donc plutôt d’un geste politique pour augmenter la popularité et maintenir la majorité du PAP au parlement.

Le quota ethnique a également influencé le système électoral, puisqu’il prescrit au moins un candidat d’une minorité ethnique dans un GRC. La création des GRC permet également la création de plus de sièges dans le parlement qui peuvent accueillir entre autres plus de femmes.[8] De plus, les GRC fonctionnent comme une liste fermée de candidats. Le concept est surtout avantageux pour les politiciennes vietnamiennes, car il diminue la discrimination envers les femmes et les minorités ethniques.[9] Pour plaire à un électorat plus jeune, le PAP a également décidé au tournant du siècle de proposer plus de candidates dans les GRC et adopte de manière inofficielle un quota de genre au sein de leur parti.[10] Ceci a mené à une augmentation de femmes dans le parlement en 2001et on assiste également à un changement de l’opinion publique envers le préjugé négatif des femmes dans la politique.[11]

 

Pas de quota de genre?

Le PAP n’a jamais eu de pression de la part de l’opposition d’organisation et de groupes féministes d’adopter un quota de genre officiel. Le parti argumente que ce dernier pourrait sous-estimer la crédibilité des femmes en politique et que les Singapouriennes ont des occasions et des ressources égales aux hommes pour être élues.[12] Cependant, le PAP est connu pour ses politiques conservatives, tel que le quota d’admission pour les femmes dans la faculté de médecine qui a duré 25 ans, ce qui pourrait expliquer le refus du quota de genre.[] Aussi, plusieurs femmes et politiciennes vietnamiennes refusent l’adoption d’un quota de genre puisqu’elles veulent être élues selon leur compétence et leur mérite.[13]

Membres féminins du parlement singapourien élues pendant les élections générales de 2020. Image: AWARE Singapore https://www.facebook.com/awaresg/photos/3362037263808689

Bref, le quota ethnique et la décision du PAP de changer la structure des circonscriptions ont indirectement contribué à l’accès des femmes à la sphère politique vietnamienne. La présence accrue et le changement de la perception sur les femmes en politique ont également contribué à la réussite de la normalisation de la femme en politique. Cependant, elles sont encore largement sous-représentées dans les positions décisives du gouvernement singapourien. En 2017, Halima Yacob devient la présidente de la République et est première femme à exécuter ce poste. En 2020, seulement 9 sur 37 ministres sont des femmesCela montre que les partis, surtout le PAP, ont encore beaucoup de travail à faire au sujet de la promotion des femmes au sein de leur parti.

 

[1] Union interparlementaire. Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. 2020. Femmes en politique : 2020 : situation au 1er janvier 2020

[2] Parliament of Singapore. 2019. « System of Government ». Government of Singapore. https://www.parliament.gov.sg/about-us/structure/system-of-government

[3] Perspectives du Monde. S.d. « Parti de l’action populaire » Université de Sherbrooke. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMParti?codePays=SGP&codeParti=pap

[4] Tan, Netina. 2015. « Party Quotas and Rising Women Politicians in Singapore » POLITICS & GENDER, 11 (1). 197

[5] Elections Department Singapore. 2020. « Types of Electoral Divisions ». Singapore Government Agency. https://www.eld.gov.sg/elections_type_electoral.html

[6] Tan, Netina. 2013.« Ethnic Quota and Unintended Effects on Women’s Political Representation in Singapore » International Political Science Review. 35 (1) : 30.

[7] Ibid. p. 33

[8] Tan, Netina. 2015. « Party Quotas and Rising Women Politicians in Singapore » POLITICS & GENDER, 11 (1). 201

[9] Tan, Netina. 2013.« Ethnic Quota and Unintended Effects on Women’s Political Representation in Singapore » International Political Science Review. 35 (1) : 36

[10] Ibid. p.37

[11] Tan, Netina. 2015. « Party Quotas and Rising Women Politicians in Singapore » POLITICS & GENDER, 11 (1). 202

[12] Ibid. p. 197

[13] Tan, Netina. 2013.« Ethnic Quota and Unintended Effects on Women’s Political Representation in Singapore » International Political Science Review. 35 (1) : 35

[14] Lai, Linette. 2020. « New Cabinet line-up : Nine out of 37 politicalt office-holders are women » The Straits Times. https://www.straitstimes.com/politics/nine-out-of-37-political-office-holders-are-women

Bibliographie

Parliament of Singapore. 2019. « System of Government ». Government of Singapore. https://www.parliament.gov.sg/about-us/structure/system-of-government

Perspectives du Monde. S.d. « Parti de l’action populaire » Université de Sherbrooke. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMParti?codePays=SGP&codeParti=pap

Tan, Netina. 2013.« Ethnic Quota and Unintended Effects on Women’s Political Representation in Singapore » International Political Science Review. 35 (1) : 27-40.

Tan, Netina. 2015. « Party Quotas and Rising Women Politicians in Singapore » POLITICS & GENDER, 11 (1). 196- 207.

Elections Department Singapore. 2020. « Types of Electoral Divisions ». Singapore Government Agency. https://www.eld.gov.sg/elections_type_electoral.html

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