Par Anna Dauray
L’acceptation de la communauté LGBTQ+ au Singapour est paradoxale, car bien que celle-ci grandit au fil des années, des lois anti-LGBTQ+ sont encore en vigueur. Le pays possède encore une loi du temps qu’il était une colonie britannique criminalisant l’homosexualité. L’article 377A interdit spécifiquement aux hommes gais tout action ou encouragement à des « indécences », et ce en public ou en privé.[1] Depuis la fin des années 1990, le gouvernement du pays a activement attaqué les activités LGBTQ+ et découragé la construction de la communauté.[2] En 2007, le parlement du Singapour a pour la première fois dans l’histoire post-colonialisme reconnu l’existence de l’homosexualité dans le pays. Depuis, le gouvernement a concédé de ne pas activement utiliser la loi. En revanche, son existence a des effets sur la communauté LGBTQ+.[3]
Effets de la loi sur la communauté
En premier lieu, cela introduit l’institutionnalisation de droits inégaux et un manque de protection pour les hommes gais. Ensuite, la présence de la loi permet à la discrimination par le gouvernement et les agences privées d’exister, car les défendre est équivalent à admettre un crime. Cela crée aussi un stigmate social affectant toute la communauté LGBTQ+ et justifie de ne pas fournir de protection sociale comme l’égalité d’accès au logement et au système de santé.[4] Cependant, peu est fait pour défier l’ordre social et la culture du secret persiste. Ce secret que plusieurs personnes homosexuelles gardent pour ne pas se faire stigmatiser rendent difficiles les recherches de prévention sur les maladies transmises sexuellement et la promotion de pratiques sécuritaire au groupe à risque.[5] En revanche, ces dernières années le gouvernement a adopté une attitude plus tolérante envers la différence sexuelle. Le gouvernement a permis aux établissements commerciaux LGBTQ+ de faire du commerce publiquement, les raids policiers ont cessé et la censure a été considérablement réduite.[6] Bien que la tolérance des orientations sexuelles soit de plus en plus grande, la seule présence de la loi 377A démontre que le pays est encore loin d’accepter sa communauté LGBTQ+.
L’opposition religieuse et la réponse des femmes LGBTQ+
Les institutions religieuses et anti-LGBTQ+ rendent difficiles les changements en lien avec la communauté. Les institutions religieuses n’acceptent pas les mariages de personnes de même sexe. Celles-ci identifient le mariage homosexuel en tant que menace au mariage hétérosexuel et en tant qu’attaque à la culture singapourienne.[7] L’argument que la construction d’égalité et de droits pour les personnes LGBTQ+ est une imposition néocoloniale de l’occident sur leurs « valeurs asiatiques » a été utilisé à plusieurs reprises au Singapour.[8] C’est pourquoi l’organisme Sayoni, un organisme se concentrant sur les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenre et queer au Singapour, ne revendique pas l’égalité des mariages.[9] En 2007, Sayoni est allé au Pink Dot pour montrer que la discrimination ne s’applique pas seulement aux hommes gais, mais aussi aux femmes de la communauté LGBTQ+. D’après l’une des militantes de Sayoni, la discrimination des personnes homosexuelles ne provient pas seulement de la loi 377A, mais de leurs familles, de la condamnation par les groupes religieux, de la discrimination sur les lieux de travail et de la discrimination en lien avec leur orientation sexuelle et leur identité de genre.[10] La priorité pour ces militantes est d’enlever les lois de censure et d’inclure des lois protégeant les personnes LGBTQ+ de la discrimination des lieux de travail. Leur raisonnement est que sans la censure, les images positives envers les personnes LGBTQ+ réduiront les préjugés faits contre eux. Pour ces militantes, la reconnaissance des mariages ne doit pas venir au coût de l’impossibilité à changer les politiques sociales discriminant contre les personnes LGBTQ+ et aussi aux personnes seules qui ne suit pas les normes des mariages hétérosexuels.[11]
Efforts de réconciliation
Les femmes de la communauté LGBTQ+ visent à changer la perception que le public général a de la communauté. Elles essaient aussi de changer la culture de la famille « parfaite » avant de s’attaquer aux autres problèmes plus spécifiques à la communauté LGBTQ+. En revanche, la majorité de la communauté au Singapour cherche à se réconcilier avec la population générale. Les vidéos promotionnelles du Pink Dot ne mettaient pas en valeur les droits LGBTQ+, l’insistance fut sur le fait que les hommes gais et des femmes lesbiennes sont les fils et les filles d’une famille. Les militants concentraient leurs efforts pour convaincre que bien qu’ils soient queer, qu’ils ne sont pas si différents.[12] Pink Dot ne vise pas à militer pour les droits LGBTQ+ ni ne vise à protester, mais a pour but d’être un symbole d’un futur plus inclusif au Singapour et que tous les Singapouriens sont libre d’aimer et d’être aimé.[13] Les efforts pour l’acceptation et les grands changements sont perçus sur le long terme. La communauté LGBTQ+ du Singapour est donc dans une période paradoxale. La communauté est à la fois de mieux en mieux vue, mais est aussi persécutée. Elle veut à la fois s’intégrer au modèle hétéronormatif de la famille singapourienne et s’en détacher complètement.
Références
Caryn, T. S. T. (2014). The Lesbian Community in Post-Independence Singapore. [Thèse de doctorat, National University of Singapore]. CORE. https://core.ac.uk/download/pdf/48808231.pdf
Daniel, T. H. B. (2015). Meanings of sexual health among gay men in Singapore. [Thèse de doctorat, National University of Singapore]. CORE. https://core.ac.uk/download/pdf/48810361.pdf
Oswin, N. (2014). Queer time in global city Singapore: Neoliberal futures and the ‘freedom to love.’ Sexualities, 17(4), 412–433. https://doi.org/10.1177/1363460714524765
Tan, C. (2015). Pink Dot: Cultural and Sexual Citizenship in Gay Singapore. Anthropological Quarterly, 88(4), 969-996. Retrieved April 1, 2021, from http://www.jstor.org/stable/43955499
Yulius H., Tang S., Offord B. (2018). The Globalization of LGBT Identity and Same-Sex Marriage as a Catalyst of Neo-institutional Values: Singapore and Indonesia in Focus. In: Winter B., Forest M., Sénac R. (eds) Global Perspectives on Same-Sex Marriage. Global Queer Politics. Palgrave Macmillan, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-62764-9_9
[1] Yulius H., Tang S., Offord B. (2018). The Globalization of LGBT Identity and Same-Sex Marriage as a Catalyst of Neo-institutional Values: Singapore and Indonesia in Focus. In: Winter B., Forest M., Sénac R. (eds) Global Perspectives on Same-Sex Marriage. Global Queer Politics. Palgrave Macmillan, Cham.
[2] Oswin, N. (2014). Queer time in global city Singapore: Neoliberal futures and the ‘freedom to love.’ Sexualities, 17(4), 412–433.
[3] Yulius H., Tang S., Offord B. (2018).
[4] Yulius H., Tang S., Offord B. (2018).
[5] Daniel, T. H. B. (2015). Meanings of sexual health among gay men in Singapore. [Thèse de doctorat, National University of Singapore]. CORE.
[6] Oswin, N. (2014). Queer time in global city Singapore: Neoliberal futures and the ‘freedom to love.’ Sexualities, 17(4), 412–433
[7] Yulius H., Tang S., Offord B. (2018).
[8] Yulius H., Tang S., Offord B. (2018).
[9] Caryn, T. S. T. (2014). The Lesbian Community in Post-Independence Singapore. [Thèse de doctorat, National University of Singapore]. CORE.
[10] Caryn, T. S. T. (2014).
[11] Caryn, T. S. T. (2014).
[12] Tan, C. (2015). Pink Dot: Cultural and Sexual Citizenship in Gay Singapore. Anthropological Quarterly, 88(4), 969-996.
[13] Oswin, N. (2014). Queer time in global city Singapore: Neoliberal futures and the ‘freedom to love.’ Sexualities, 17(4), 412–433.