Singapour et l’ASEAN : une opportunité de développement socioéconomique en or

Par Alexia Belzile

Singapour comme leader de l’ASEAN en 2018 : intérêts, vision et stratégie

 C’est en 1967 que l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN en anglais ou ANASE en français) s’est officiellement formée et concrétisée[1]. Cette organisation qui regroupe Singapour, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, le Laos, le Myanmar, le Cambodge et le Bruneï, représente désormais une «force économique régionale» et une zone de libre-échange de plus en plus attrayante pour de nombreux pays à travers le monde[2]. L’ASEAN possède un produit intérieur brut (PIB) d’environ 3000 milliards de dollars et regroupe une population de plus de 650 millions d’habitants[3].

Singapour était la leader de l’ASEAN pour l’année 2018. Image : Twitter. 

À chaque année, selon la charte de L’ASEAN qui a été réformée en 2008, la présidence de l’organisation doit être attribuée à un État différent. Cette rotation est établie par «ordre alphabétique du nom anglais de chaque État membre» et a fait en sorte que Singapour est devenue le leader de l’ASEAN pour l’année 2018, sous le thème de la résilience et de l’innovation[4]. Pour assumer son rôle, la cité-État devait assurer la présidence de chaque réunion (il y en a plus de 1000 par année) des États membre de l’organisation et ce, pour chaque niveau et secteur d’opération de l’ASEAN. Singapour devait aussi remplir quatre rôles principaux lors de sa présidence : 1) «promouvoir et améliorer activement les intérêts et le bien-être de l’ASEAN», 2) «assurer la centralité» de l’organisation, 3) «garantir une réaction rapide et efficace aux problèmes urgents et aux situations de crise» et 4) «représenter l’ASEAN dans le renforcement et la promotion de relations plus étroites avec les partenaires extérieurs»[5].

Lors de son mandat, Singapour devait se concentrer particulièrement sur la prévention et la réaction collective aux menaces qui concernent actuellement les pays membres de l’ASEAN, dont le terrorisme, l’extrémisme violent, les crimes transnationaux et les cybercrimes. Elle devait aussi trouver des moyens efficace et innovateurs pour faire face «aux grandes puissances» qui font compétition à l’ASEAN pour gagner de l’influence dans le monde en matière économique et de softpower[6]. De nouveaux projets innovateurs et originaux ont aussi été élaborés et planifiés, dont la développement de e partenariats en développement durable pour les pays membres et la création de villes intelligentes dans les années à venir[7].

Le gouvernement Singapourien est un des États de l’organisation qui croit le plus au potentiel de l’ASEAN pour le développement socioéconomique de l’Asie du Sud-Est et de la cité-État. En effet, Singapour était fière de pouvoir diriger l’organisation en 2018, car cela lui a permis de s’exposer davantage sur la scène internationale et de se positionner comme partenaire économique de confiance pour de nombreux pays non seulement en Asie, mais aussi à travers le monde. Singapour désire réellement bâtir un avenir prospère pour elle-même, mais aussi pour l’ASEAN[8].

 

Avantages économiques

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La paix régionale favorisée par l’ASEAN assure une stabilité sociopolitique et économique entre les pays de l’organisation. Image : François Crépeau.

La formation de l’ASEAN a instauré une paix entre les pays de l’Asie du Sud-Est, ce qui a permis  une stabilité sociopolitique et économique relative au sein de la région. En effet, il n’y a pas eu de conflit armé entre pays de l’Asie du Sud-Est depuis 1961. Singapour a particulièrement pu bénéficier de cette paix pour le développement de son économie, car elle avait moins à se préoccuper de la gestion de conflits et de tensions sociopolitiques et économiques interétatiques qui auraient été un obstacle important au développement de la cité-État. Elle a donc pu se concentrer sur la prospérité de ses institutions, de ses infrastructures et de son économie et se sortir d’une situation de pauvreté et d’un statut de pays peu développé[9].

Par ailleurs, le fait que l’ASEAN soit particulièrement ouverte à la création de partenariats avec d’autre pays permet à tous les États membres d’élargir leurs opportunités économiques et assure le succès de l’organisation. Des forums de grande envergure sont organisés avec les représentants de l’ASEAN et leurs pays partenaires afin d’ouvrir un dialogue plus vaste à propos du développement économique et d’accords économiques qui pourraient bénéficier chaque État impliqué. Par exemple, le Asean Plus Three (qui regroupe la Chine, le Japon et la Corée du Sud et les pays de l’ASEAN), le ASEAN Regional Forum et le East Asia Summit constituent des partenariats intéressants pour accomplir les objectif de développement économique des pays participants[10].

L’ASEAN a permis à Singapour de former des relations et des partenariats forts avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon, l’Union européenne (UE), les États-Unis, la Corée du Sud, la Chine, la Russie et l’Inde. Singapour tire de nombreux avantages de ces partenariats pour ouvrir ses horizons quant au développement rapide, croissant et constant de son économie, de ses infrastructures et de la société prospère qu’elle représente aujourd’hui[11]. Le regroupement de L’ASEAN a aussi comme avantage d’agrandir de façon importante le marché domestique de chaque pays. Par exemple, Singapour, à elle seule, possède un marché de 5,6 millions de consommateurs. Avec l’ASEAN et «l’intégration de 10 économies en un seul marché», elle peut désormais avoir accès à un bassin de 628 millions de consommateurs[12].

En 2018, Singapour devait coordonner les rencontres planifiées entre l’ASEAN et la Chine, ainsi qu’entre l’ASEAN et l’UE jusqu’en 2021[13]. Cette dernière était particulièrement importante pour Singapour, car l’UE constitue «le plus grand investisseur» de l’ASEAN et le second plus grand partenaire commercial de l’organisation[14]. Quant aux relations qu’entretient Singapour avec la Chine, la cité-État doit suivre les intérêts économiques de la Chine afin de préserver ses relations cordiales et absente de tension avec elle. Singapour tente tout de même de «préserver ses intérêts nationaux» en mettant de l’avant des idées qui satisfont autant les intérêts singapouriens que ceux chinois[15].

Singapour a conclu divers partenariats économiques de grande envergure avec notamment l’Europe et la Chine. Image : Koh King Kee.

 

Coopération et efficacité au sein de l’ASEAN

Le succès de l’ASEAN repose sur sa capacité à développer et à créer une «identité et une solidarité régionale» malgré que l’organisation regroupe sur son territoire une population d’origine ethnique et culturelle très diverse, qui parle des langues et qui pratique des religions variées et qui possède des types de régimes gouvernementaux différents. De plus, les pays de l’ASEAN ont démontré qu’ils étaient capables de réagir rapidement et efficacement aux crises qui l’ont affecté, dont celles humanitaires, environnementale, migratoires, de trafic humain ou de nature terroriste. C’est notamment grâce sa «culture de consultation et de coopération et d’accommodation mutuelle» que les pays membres de l’ASEAN ont pu se développer de façon rapide et croissante et qu’ils ont pu améliorer les droits et les conditions de vie de leurs citoyens[16].

Cependant, même si le gouvernement singapourien mise beaucoup sur l’ASEAN pour la stabilité et la prospérité de la région, la population de Singapour demeure une des moins favorables de celle des États membre à l’organisation. En effet, il y aurait 77% de la population de la cité-État qui supporterait l’ASEAN, comparativement à 85% de la population des autres pays-membres qui en penserait de même.  Environ 16% des Singapouriens seraient aussi défavorables envers l’ASEAN, contre 10% dans les autres pays[17]. Cette situation fait réfléchir quant aux liens qu’entretient le gouvernement singapourien envers sa population et s’il vise véritablement à promouvoir les réels intérêts de celle-ci au sein de l’ASEAN…

[1]Ministry of Foreign Affairs Singapore 2021.

[2]Affaires étrangères et Commerce international Canada 2012 ; Ministry of Foreign Affairs Singapore 2021.

[3]Affaires étrangères et Commerce international Canada 2012 ; Direction générale du Trésor 2021 ;

[4]Koh 2018.

[5]Koh 2018

[6]Koh 2018

[7]Ministry of Foreign Affairs Singapore 2021

[8]Koh 2018

[9]Koh 2018

[10]Koh 2018

[11]Koh 2018

[12]Koh 2018

[13]Koh 2018 ; Ministry of Foreign Affairs Singapore 2021

[14]Koh 2018

[15]De Tréglodé et Frécon 2018

[16]Koh 2018

[17]Koh 2018

Bibliographie

Affaires étrangères et Commerce international Canada. 2012. «Aperçu sur l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE)». https://www.international.gc.ca/commerce/assets/pdfs/r3-fr.pdf

De Tréglodé, Benoît et Eric Frécon. 2018. « La Chine et l’Asie du Sud-Est, vers un nouvel ordre régional ? », Monde chinois, 54 – 55 (2-3). https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2018-2.htm

Direction générale du Trésor. 2021. «Singapour – L’ASEAN en bref». https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/SG/l-asean-en-bref

Koh, Tommy. 2018. «Why Asean is good for Singapore». The Straits Times, 9 janvier 2018. https://cil.nus.edu.sg/wp-content/uploads/2018/01/Why-Asean-is-good-for-Singapore_The-Straits-Times.pdf

Ministry of Foreign Affairs Singapore. 2021. «ASEAN». https://www.mfa.gov.sg/SINGAPORES-FOREIGN-POLICY/International-Organisations/ASEAN

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