Par Manon Regnault
Les Philippines font face en moyenne à 20 typhons par an dont certains sont extrêmement dangereux aussi bien pour la population civile que pour les agriculteurs . Des glissement de terrains détruisent des villages entiers ainsi que de nombreux champs agricoles. Par exemple, en 2013, le typhon a fait « 4 millions de déplacés et au moins 9 milliards de dollars de dégâts matériels » . En raison des nombreuses inondations, les terres ne sont souvent plus exploitables. Par ailleurs, les dégâts provoquent souvent des pertes d’emploi ainsi qu’une longue reconstruction des infrastructures. Les habitants précaires de petits villages sont laissés pour compte. L’agriculture est la principale activité économique de subsistance des habitants ainsi que le premier employeur. l’accessibilité à la terre est essentielle à leur survie et la sécurité alimentaire.
Mais bien que le climat soit un défi à envisager, la corruption et le vide politique en sont un autre. Cet archipel, héritier des modes d’organisation politique de la colonisation espagnole et américaine, est fragmenté en différentes régions, provinces et municipalités (barangays). Ces subdivisions sont généralement composées des mêmes familles ou ethnies. De ce fait, la corruption de l’administration publique et de la communauté n’est pas négligeable. La bureaucratie est rattrapée par ses intérêts économiques. Subséquemment, la répartition des terres est très inégalitaire. On observe en effet une segmentation entre les différentes îles et les différentes capacités de production de la région d’une part. D’autre part, la différence entre les diverses communautés n’ont pas forcément accès aux mêmes ressources. La sphère sociopolitique soulève donc le problème de la hiérarchie entre les différentes « unités locales de gouvernement ». Par exemple, la municipalité de Manille est nettement plus favorisée par les autorités gouvernementales que les hautes terres du Negros .
L’inégale répartition des terres envisage de nouvelles réformes agraires. Cette dernière, datant de 1963, était prometteuse mais n’a jamais vu le jour. C’est donc en 1988, que l’ancien président Aquino décide de réformer ce domaine afin de mettre fin au féodalisme, anciennement imposée par la colonisation espagnole. La réorganisation sociale de l’espace devient nécessaire mais avec l’ouverture au commerce mondial, et suivant l’exemple de l’ouverture de son voisin chinois, les autorités favorisent les entreprises privées plutôt que locales . Après une perte de leurs terres en raison de catastrophes climatiques, les paysans doivent ainsi faire face à une dépossession de leurs terres .
Cette dépossession donne ensuite lieu à l’exclusion et la marginalisation croissante de ces paysans. La mondialisation croissante des entreprises permette aux entreprises privées d’exploiter de nombreuses terres et d’imposer la monoculture aux petits agriculteurs. La culture du sucre et de la coco sont donc de plus en plus menacé par ces entreprises, l’exportation de ces matières premières se réduisant petit à petit . Les cultures, dépendant autrefois des municipalités, des provinces voire des régions, sont désormais soumises au commerce mondial. Les acteurs de la production agricole dépendent de l’essor du capitalisme. Ce nouveau modèle économonique discipline désormais l’ensemble des acteurs de la région, des petits agriculteurs aux autorités publiques.
Cependant, ces agriculteurs ne restent pas indemnes face à cette dépossession et exclusion e continuent à se mobiliser pour la revendication de leurs terres. Néanmoins, cet archipel est encore teinté de militarisme. En plus de la perte, de la dépossession, de l’exclusion, la répression figure aussi sur la liste des défis que ces paysans doivent envisager . Abandonner leurs terres est donc nécessaire pour ne pas avoir à subir violence et intimidation de la part des forces armées. Ces paysans déménagent donc dans l’espoir d’avoir un meilleur niveau de vie. Toutefois, la reconstruction sociale est un véritable défi pour ces derniers qui perdent leur seul moyen de subsistance. L’exode vers de grandes villes comme celle de Manille s’avère particulièrement difficile. Le rural doit affronter la discrimination de l’urbain. Par ailleurs, l’urbanisation croissante de ces métropoles soulèvent de nombreux défis tant aux niveau des infrastructures qu’au niveau de la précarité des emplois proposés .
Ces enjeux illustrent dès lors l’impact structurel de la globalisation croissante et de l’interdépendance substantielle de ces différents marchés des pays de la région et du monde .
Une modernisation des infrastructures, une conscientisation de l’environnement pour la prévention des catastrophes climatiques ainsi qu’une meilleure gestion de l’économie locale font partie des solutions à privilégier si le gouvernement philippin veut diminuer la vulnérabilité paysanne aux menaces de la mondialisation.
Bibliographie
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