Le rôle de Nguyen Van Vinh et de Pham Quynh dans le développement du quoc ngu et de la littérature vietnamienne

Par Débora Yi

 

Au 19e siècle, le Vietnam est sous la colonisation de la France, mais une montée du nationalisme peut être observée chez les Vietnamiens. Nguyen Van Vinh est un des personnages ayant joué un rôle important dans ce mouvement.

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Les traductions de Nguyen Van Vinh et le quoc ngu

Nguyen Van Vinh

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Suite à son voyage en France en 1906 où il a découvert l’influence des beaux-arts dans la société, Nguyen Van Vinh a introduit l’imprimerie occidentale au Vietnam. Il a également fondé avec François-Henri Schneider, imprimeur et associé de la presse vietnamienne, la bibliothèque franco-annamite de vulgarisation en 1910 pour publier des livres en quoc ngu et ainsi enrichir la littérature vietnamienne. Parmi ces livres, Nguyen Van Vinh a réalisé de nombreuses traductions de chefs d’œuvre littéraires européens, dont Les Misérables de Victor Hugo, Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas et Les Fables de La Fontaine[1]. Il a publié ses traductions dans La Revue Indochinoise (Dong Duong Tap Chi, 1913-1916) et dans la collection La Pensée de l’Occident (Au Tay Tu Tuong, 1927)[2]. Comme résultat, un public lisant le quoc ngu s’est de plus en plus développé au Vietnam. Selon Vinh, il est nécessaire de modeler la langue vietnamienne pour qu’elle puisse exprimer des concepts qui sont complexes, tels que scientifiques, économiques, littéraires et culturels. Il a donc publié des articles dans son journal l’Annam Nouveau (1931-1942) sur le besoin d’unifier et de systématiser l’orthographe et la grammaire vietnamienne[3].

 

Pham Quynh et la littérature vietnamienne 

Pham Quynh

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Un autre personnage important est Pham Quynh, qui a reçu une éducation française et confucéenne. Lorsqu’il est devenu journaliste, il a participé à la rédaction de La Revue Indochinoise (Dong Duong Tap Chi) de Nguyen Van Vinh qui a été publiée de 1913 à 1916. Suite à la fin de cette revue, Pham Quynh a publié en 1917 une nouvelle revue intitulée Nam Phong, signifiant « vent du sud » en sino-vietnamien. Celle-ci avait comme objectif le développement de la littérature en langue vietnamienne. D’abord, elle visait à influencer les lettrés qui ont la responsabilité d’éduquer le peuple, conformément à l’idéologie du confucianisme. Selon le journaliste, les œuvres littéraires ont le but de donner un enseignement moral aux individus et à la société. En juillet 1917, le premier numéro de la revue Nam Phong est paru pour faire une place à la langue nationale, le vietnamien. En fait, la prose vietnamienne n’existait pas encore à cette époque, et il fallait la reconnaissance d’une écriture alphabétique pour qu’elle se développe. Donc, il était nécessaire de répandre le quoc ngu pour un usage généralisé par le peuple, afin qu’elle devienne une langue de civilisation. Dans un article publié en février 1919, Pham Quynh a déclaré: «J’ai consacré toute ma ferveur et tout mon amour à la langue maternelle; je me suis longtemps juré de sacrifier ma vie entière à cette tâche: constituer une littérature avec notre langue, arriver à ce que notre pays possède sa littérature nationale indépendante.[4]»

 

Une littérature nationale du Vietnam 

Afin que la langue vietnamienne puisse exprimer des notions techniques, Pham Quynh et ses alliés l’ont enrichie en s’inspirant des modèles chinois et français; ils ont donc inventé des nouveaux mots. Cependant, pour que la langue annamite devienne un outil d’une culture nationale, il y avait la nécessité de créer un dictionnaire, d’unifier sa grammaire, d’emprunter des mots complexes à la langue française et de rédiger des manuels scolaires. Selon Pham Quynh, par le quoc ngu, l’écriture alphabétisée de la langue parlée, le Vietnam retrouverait son âme et son indépendance. Par contre, ce projet était difficile à réaliser durant la colonisation par la France. En fait, l’utilisation de l’écriture romanisée était encouragée par les colonisateurs, mais ils voulaient une francisation du Vietnam, et non son indépendance. Alors, l’« Association pour la formation intellectuelle et morale des Annamites » a été créée en 1919 par les rédacteurs de la revue Nam Phong, avec pour but de répandre leurs idées et l’usage général du quoc ngu. Pour cette association, créer une prose en vietnamien écrit signifiait de donner les moyens au Vietnam de retrouver son indépendance. Ainsi, le slogan de Pham Quynh était: « Restons, soyons nous-mêmes ! ». Il souhaitait développer un héritage national sans chercher ailleurs, de « forger une âme nouvelle » au Vietnam. C’est pourquoi il publie dans la revue Nam Phong en juillet 1931 : « Sans littérature nationale, il ne peut y avoir de culture nationale; sans culture nationale, il ne peut y avoir d’indépendance intellectuelle ; sans indépendance intellectuelle, il ne peut y avoir d’indépendance politique.[5]»

 

[1] Goscha, 2001.

[2] Le, 2008.

[3] Goscha, 2001.

[4] Le Calloc’h, 1985.

[5] Le Calloc’h, 1985.

 

Bibliographie

Goscha, Christopher E. (2001). « “Le barbare moderne”: Nguyen Van Vinh et la    complexité de la modernisation coloniale au Vietnam ». Outre-mers, 88 (332-333), 319-346. https://doi.org/10.3406/outre.2001.3899

Le Calloc’h, Bernard. (1985). « Le rôle de Pham Quynh dans la promotion du quôc ngu et de la littérature vietnamienne moderne ». Revue française d’histoire d’outre- mer, 72 (268), 309-319. https://doi.org/10.3406/outre.1985.2477

Le, Thu Hang. (2008). « Le Viêt Nam, un pays francophone atypique : regard sur l’emprise française sur l’évolution littéraire et journalistique au Viêt Nam depuis la première moitié du XXe siècle ». Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 40/41, 341-350. http://journals.openedition.org/dhfles/498

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