La colonisation française par le contrôle de l’éducation au Vietnam

Par Débora Yi

Le Vietnam est le premier et le plus grand pays francophone de l’Asie, suite à sa colonisation par la France au début du 20e siècle. Trois films français ont été tournés dans ce pays en 1992 : Indochine, Dien Bien Phu et L’Amant[1].

Catherine Deroche et Nguyen Thi Kim Ngan

Catherine Deroche et Nguyen Thi Kim Ngan https://en.vietnamplus.vn

 

Carte de l'Indochine française

Carte de l’Indochine française https://data.bnf.fr/fr/11395405

En 2018, environ 600 000 Vietnamiens parlaient couramment le français, c’est-à-dire moins de 1% de la population[2]. À vrai dire, une assimilation du peuple vietnamien à la culture française s’est déroulée par la transformation du système d’éducation initial, qui avait pour but de transmettre la culture du Vietnam aux élèves. Dans l’enseignement supérieur, les examens se basent sur les textes classiques de Confucius, afin de former des bureaucrates lettrés. D’ailleurs, il était fréquent que ces candidats enseignent dans les écoles. Ainsi, les Français ont découvert à leur arrivée au Vietnam une population éduquée, influencée par la culture chinoise[3].

Un système d’éducation français

Pour coloniser ce peuple, les Français ont mis en place un nouveau système d’éducation sous leur contrôle. En 1917, les écoles existantes ont subi une amélioration, et des écoles occidentales sont devenues accessibles aux Vietnamiens suite au vote de la loi sur l’éducation. En fait, ce système d’enseignement obligatoire était semblable à celui des écoles françaises, mais sans y avoir de préparation pour des études universitaires. Alors, cette éducation avait comme objectif de faire respecter la suprématie du pays colonisateur, tout en freinant le développement culturel du pays colonisé. Le but principal était de réprimer la formation de jeunes « indigènes » cultivés, qui pourraient devenir un risque pour les Français. Dans ce système scolaire où l’enseignement était en langue française, il n’y avait pas de sciences dans le programme des écoles secondaires, mais des travaux manuels étaient plutôt enseignés. Les élèves avec un talent pour ces travaux étaient poussés à occuper des métiers artisanaux[4].

 

Des études en France difficiles

En 1921, une nouvelle règle a été créée : les étudiants vietnamiens devraient recevoir l’autorisation du gouverneur général pour faire des études universitaires en France. Puis, en 1924, il est devenu nécessaire de préparer onze documents officiels valides pour les étudiants désirant étudier à l’étranger. Bref, la France voulait à tout prix réduire les chances de former de nouveaux intellectuels vietnamiens. Pour avoir accès à une meilleure éducation, des étudiants vietnamiens sont allés en Chine et au Japon pour poursuivre leurs études. Bien sûr, un petit nombre d’étudiants ont réussi à se rendre en France, mais depuis 1929, ils devaient faire face à des contrôles de police[5].

 

Une « vietnamisation » de la population

Rizières au Vietnam

Rizières au Vietnam https://www.travelsense.asia

À partir des années 1930, il y avait environ 1 500 étudiants vietnamiens qui faisaient leurs études en France.  Cependant, une « vietnamisation » de la population peut être remarquée depuis cette période : la direction générale de l’instruction publique d’Indochine a publié un pamphlet qui conseillait les parents vietnamiens à ne pas envoyer leurs enfants étudier en France. Selon la direction, une éducation égale à l’Europe était assurée au Vietnam. D’autre part, il y avait de plus en plus de cours de langue et de littérature vietnamienne offerts dans les écoles du Vietnam, ainsi que des cours sur l’histoire et la géographie de l’Indochine et de l’Asie. Les manuels scolaires contenaient des textes représentant de manière positive la vie rurale et les coutumes vietnamiennes, dont les travaux manuels et la culture du riz. Plus encore, les manuels d’histoire présentaient la Chine comme un pays en désordre, alors que la France était illustrée comme pacificatrice, ayant établi l’ordre au Vietnam[6].

 

Les écoles indochinoises

Université indochinoise à Hanoi

Université indochinoise à Hanoi https://www.flickr.com

En 1933, les étudiants vietnamiens ont été exclus des écoles françaises de la colonie par l’instruction publique d’Indochine. Ainsi, dans les écoles réservées aux « indigènes », la langue française a graduellement diminué, et en 1936, les écoles primaires n’enseignent plus le français. Malgré que les étudiants vietnamiens aient été officiellement admis dans les écoles supérieures de la colonie réservées aux Français en 1934, l’administration coloniale et les sciences militaires restaient des disciplines hors de leur portée. De plus, les Vietnamiens gradués de ces écoles pouvaient rarement trouver des postes correspondant à leurs compétences. D’ailleurs, il y avait une université indochinoise dans la colonie que les élites vietnamiens fréquentaient, mais la qualité d’enseignement différait évidemment avec les écoles de la France. Par exemple, les médecins ayant gradué au Vietnam ne pouvaient pas trouver de métier en France. Bref, les intellectuels vietnamiens étaient confinés dans leur pays, sous le contrôle de l’administration française[7].

 

[1] Jennar, Raoul. 1997.

[2] Gouvernement de la France. 2018.

[3] Lebovics, Herman. Traduit par Chantal Testa. 1991.

[4] Lebovics, Herman. Traduit par Chantal Testa. 1991.

[5] Lebovics, Herman. Traduit par Chantal Testa. 1991.

[6] Lebovics, Herman. Traduit par Chantal Testa. 1991.

[7] Lebovics, Herman. Traduit par Chantal Testa. 1991.

 

Bibliographie

Gouvernement de la France. (2018). Discours du Premier ministre devant la communauté française au        Viêtnam. Gouvernement de la France. https://www.gouvernement.fr/partage/10625-discours-du-premier-ministre- devant-la-communaute-francaise-a-ho-chi-minh-ville

Jennar, Raoul. (1997). « La francophonie en Asie : Cambodge, Laos et Viêtnam ». Politique et Sociétés, 16 (1), 119–127. https://doi.org/10.7202/040052ar

Lebovics, Herman, traduit par Chantal Testa. (1991). « Assimilation ou respect des différences? La colonisation du Vietnam, 1920-1930 ». Genèses, 4, 23-43. https://doi.org/10.3406/genes.1991.1061

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