Par Giuliana Côté
La Thaïlande est réputée pour ses plages mais est aussi tristement reconnue à l’étranger pour ses quartiers chauds où la prostitution est reine, image notamment relayée de manière plutôt parodique dans la culture populaire occidentale. Cependant, depuis le début de la pandémie mondiale de la COVID-19, les femmes du monde de la nuit peinent à survivre. Dès janvier 2020, la Thaïlande devient le premier pays extérieur à la Chine infecté par ce fléau sanitaire et dès le commencement du mois d’avril le gouvernement impose l’état d’urgence, mettant en place un couvre-feu, la suspension de tout vol commercial internationale ainsi qu’un confinement pour ne nommer que ces mesures. Que se passe-t-il donc avec celles qui font vivre le tourisme sexuel en Thaïlande? Survivront-elles à cet affront sanitaire ?
Qui sont les travailleurs du sexe en Thaïlande?
Le monde de la nuit attire majoritairement des femmes et regroupe aussi plusieurs membres de la communauté LGBTQ+, dont les fameux Kathoey. Ce milieu semble être un espace permettant aux personnes marginalisés par la société thaïlandaise de pouvoir vivre sans avoir à se cacher (le gouvernement Thai interdit le changement légal de genre). Comme illustré par le tableau ci-dessus, nombreuses sont les femmes qui ont commencé à se prostituer avant d’avoir atteint la majorité (près de 90%), ce qui n’est pas surprenant à la vue du problème majeur que représente la prostitution des enfants en Thaïlande. Une des raisons les plus mentionné pour la prostitution est de pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de ses proches. Ce métier étant simple d’accès et ne nécessitant pas d’étude, nombreuses sont les filles de milieux peu favorisé qui atterrissent dans ce domaine, faute de choix ou prises avec des dettes d’argent assez conséquentes.
La crise actuelle
La situation des travailleuses du sexe en Thaïlande, comme pour de nombreux autres pays d’Asie du Sud-Est, est largement précaire, d’autant plus que ces emplois ne sont pas légalement autorisés, et ce, malgré les 144 000 travailleurs statistiquement identifiés. Étant donné leurs occupations non reconnues, ces travailleurs (près de 40%) n’ont pas d’accès à la sécurité sociale, aux supports financiers et aux supports alimentaires qui sont généralement accessibles au reste de la population. Par conséquent, les prostituées sont obligées de se rabattre sur des ONG pour obtenir une maigre pitance et quelques-unes n’ont guère le choix de continuer de se vendre auprès des locaux, baissant leurs tarifs pour une clientèle plus pauvre et mettant leurs vies en jeu plus qu’à l’habitude.
De plus, comme mentionné par plusieurs chercheurs en santé, la précarité de la situation actuelle risque d’exacerber les problèmes de santé mentale dont souffrent déjà certains travailleurs et l’incapacité d’avoir accès à un revenu peut forcer des prostitués à exercer leur métier tout en étant infecté, au risque de tout perdre. Le cas des prostituées sans papiers n’est aussi pas anodin et complique bien la tâche du dépistage ,étant donné qu’une signalisation d’infection chez les prostituées aux autorités sur place pourrait causer le renvoi de celles-ci dans leurs pays d’origine. Finalement, des données indiquent que les gens affligés par le SIDA, nombreux dans le travail du sexe en conséquence de leur activité, seraient beaucoup plus à risque de complications liées à la COVID-19, créant une possible hécatombe à court terme.
Une question d’éthique
Cela dit, le travail du sexe est une véritable mine d’or, ayant rapporté au pays de 4 à 10 % du PIB d’après l’organisme Empower Foundation. La première vague de la pandémie a largement arrêté le tourisme, ce qui a mené a une récession économique. Étant donné les retombées financière conséquentes de ce secteur pour la Thaïlande, ainsi que les actions peu concrètes du gouvernement pour arrêter ce type de commerce, en comparaison avec l’aide apportée à ces travailleurs, nous devons nous questionner sur l’intégrité du gouvernement en place. En effet, la prostitution en Thaïlande ainsi que les touristes attirés par ces transactions n’ont jamais été un secret. La pratique de cette activé existera toujours, alors, autant l’encadrer concrètement et offrir des services pouvant aider les travailleuses du monde de la nuit à s’en sortir.
Bibliographie
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