Taïwan – Le cinéma de Hou Hsiao Hsien

Par Étienne Barre

En 1989, un cinéaste taïwanais au nom de Hou Hsiao Hsien va venir changer la société taïwanaise en gagnant le Lion d’Or lors de la Mostra de Venise. Le Lion d’Or est un prix hautement reconnu sur la scène mondiale du cinéma. L’impact de sa victoire aura des répercussions sur la politique taïwanaise et également sur la culture. Hou Hsiao Hsien remporte ce prix pour son film La Cité des douleurs sortie la même année en 1989. Le film aborde un sujet très difficile pour les taïwanais : la période de la terreur blanche des années 1947 à 1987.

 

Colonisation

Taïwan a un bon bagage de changement au niveau politique et culturel au fil des années. Ce pays restera indépendant jusqu’à l’arrivée des japonais en 1895. À partir de ce moment, le pays devient sous tutelle japonaise pendant 50 ans. Lors de la domination japonaise, l’île de Taïwan va vivre une industrialisation majeure. Malgré les révoltes et la réticence du peuple taïwanais, la domination japonaise se fera plus délicate que sous la République de Chine. À leur défaite en 1945, le Japon perd son contrôle de l’île et la République de Chine prend le contrôle. Ce changement de pouvoir va frapper les taïwanais et mettra le feu sous le mouvement nationaliste. En 1947, un conflit se terminera en sang pour les taïwanais. Il s’agit du massacre du 28 février, également appelé l’incident 228.  Par la suite, une période difficile, appelée la terreur blanche, durera pendant des décennies. Durant celle-ci, des milliers de taïwanais seront tués. La terreur blanche sera une période très oppressive pour les taïwanais. Ils n’auront pas de liberté d’expressions et seront confinés dans un système très limitant. Cette oppression est également  fortement ressentie dans les arts visuels, spécialement au cinéma. Les cinéastes taïwanais de l’époque seront limités à faire, entre autres, des oeuvres autobiographiques, puisque ces dernières échappent plus facilement aux censures imposées.

 

Un cinéma délicat

Hou Hsiao Hsien est un réalisateur taïwanais très populaire à Taïwan et sur la scène mondiale. Son film La Cité des douleurs a été le déclencheur de son succès. Après la victoire de son film au festival de film de Venise, une vague de répercussions se sont fait sentir à Taïwan. À son épicentre, la question de censure. Hou Hsiao Hsien a réussi à éviter la censure grâce à deux choses. La première est que le producteur du film était situé au Japon, donc il a réussi à éviter la censure taïwanaise. La deuxième est le style de cinéma de Hou Hsiao Hsien. Après la victoire d’un film subversif taïwanais qui dénonçait cette période noire de l’histoire taïwanaise, le gouvernement en place est coincé. Comment pénaliser un réalisateur et son film maintenant connu à travers le monde ? Le film sera donc la première oeuvre critique et ouvrira le passage pour plusieurs autres. En voyant cela, un nouveau mouvement chez les jeunes taïwanais va naitre : un mouvement axé sur la liberté d’expression dans les arts.

Le cinéma d’Hou Hsiao Hsien a quelque chose de bien particulier et sa victoire n’est pas due à la chance. Au lieu de critiquer concrètement à l’écran, Hou Hsiao Hsien utilise le off-screen. Autrement dit, ce qui se situe à l’extérieur du cadre de l’image au cinéma. Il va utiliser cette zone sans images et sans sons pour y mettre les éléments problématiques. Le réalisateur taïwanais se concentre seulement sur les intérieurs. Par exemple, l’intérieur de la maison, la cellule familiale, les sentiments et les émotions des personnages. Hou Hsiao Hsien préfère se pencher sur les réactions et le mode de vie dans ses films. Dans la Cité des douleurs, le film se passe principalement dans la cellule familiale du personnage principale. Les personnages seront montrés en train de vivre les effets de la terreur blanche, sans jamais voir de violence. Ce style de cinéma est tout de même critique, mais le présente de manière beaucoup plus délicate.

 

Bibliographie

Berry, Michael. 2005. « Hou Hsiao-hsien with Chu T’ien-wen: Words and Images » dans Speaking in Images. New York : Columbia University Press, p. 234-271.

Udden, James. 2018. No Man an Island: The Cinema of Hou Hsiao-hsien. Hong Kong : Hong Kong University Press, p. 87-131.

Vladimir. Stolojan. « Justice transitionnelle et mémoires historiques à Taiwan », Perspectives chinoises, 2017/2 | 2017, 29-37.

 

 

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