La vie après les Khmers Rouges: Le développement humain au Cambodge à travers le sport

Par Nicolas Roulier

Logo de la Siem Reap Hotels & Tourism Football League Source: Facebook Siem Reap Hotels & Tourism Football League

Le 17 avril 1975, les Khmers rouges ont pris possession de Phnom Penh, la capitale du Royaume du Cambodge. Le Royaume, ayant obtenu son indépendance de la France en 1953, a été sous le joug du régime de Pol Pot jusqu’en 1978. Durant cette période, la population a diminué de 1,5 million soit une perte d’un cinquième de la population[1]. Cette diminution drastique s’explique par la volonté du régime khmer rouge de créer un système communiste agraire ce qui a entraîné des famines importantes et le génocide perpétré par le gouvernement à l’encontre des professionnels et intellectuels. Cette perte importante de ressource humaine et matérielle a fait en sorte que le Cambodge, autrefois un des leaders de la région dans le domaine du développement du sport, a perdu en quelques années tous les progrès économiques et sociaux effectués durant les décennies précédentes. C’est seulement durant les années 1990, après les accords de paix de Paris en 1991, que le Cambodge a pu commencer à rattraper le retard causé par la dictature communiste de Pol Pot tant sur le plan économique que social et sportif, notamment en travaillant à la reconstruction des infrastructures sportives[2].

 

Le sport : un outil de développement ?

Logo pour la journée internationale du sport pour la paix et le développement montrant les buts en terme de développements durables à atteindre pour 2030 grâce aux sports Source: sportanddev.org

Le sport est un outil utilisé par l’ONU et différentes ONG pour régler les problèmes locaux, régionaux et nationaux de développement humain ou de sécurité[3] et est une facette importante de l’aide humanitaire dans les pays en développement[4]. L’ONU a intégré pleinement le sport dans ses initiatives visant à atteindre les objectifs du millénaire[5]. Des initiatives utilisant le sport comme outil de développement et de paix sont présentes à travers le globe principalement en Afrique et au Moyen-Orient[6]. Ces initiatives utilisent le sport pour aider les jeunes dans une situation de précarité à obtenir une éducation et à subvenir aux besoins de base. Le sport représente souvent l’un des seuls vecteurs de mobilité sociale dans ces pays avec l’éducation, le sportif ayant eu une carrière internationale redonne beaucoup à leur pays d’origine ce qui permet d’aider au développement de leur pays[7]. D’autres initiatives se concentrent plutôt sur la résolution de conflit ethnique, religieux ou culturel grâce aux sports notamment en Cisjordanie et en Israël où les initiatives du genre cherchent à créer des contacts entre les Palestiniens et les Israéliens et à forger des relations amicales entre ces deux populations[8]. Ces initiatives utilisent le fait que le sport est un excellent moteur pour l’inclusion et la création de liens interpersonnelles[9]. Malgré les résultats positifs des différentes initiatives mises en place par l’ONU et les ONG, le développement par le sport n’est pas une méthode infaillible, le développement est possible, mais pas assuré, tout dépend des contextes locaux[10].

 

Le développement humain dans la province du Siem Reap : Hôtel, Football et éducation

Le niveau de développement humain au Cambodge est bas, les indicateurs comme le taux d’alphabétisation et le taux d’enrôlement scolaire sont faibles, même par rapport aux autres pays de la région. Le Royaume voit l’éducation comme étant le meilleur moyen d’assurer le futur et le développement économique du pays. L’État khmer voit aussi le sport comme un moteur important de développement au point où l’association entre l’éducation et le sport pour le développement est inscrite dans la constitution[11]. Les gouvernements locaux et nationaux jouent un rôle important dans la promotion du sport et la création d’initiative sportive[12].

 

Deux joueurs se disputant le ballon lors d’un match de SHTFL Source: Facebook Siem Reap Hotels & Tourism Football League

 

La province du Siem Reap est l’une des plus pauvres du Cambodge malgré le fait qu’il s’agit d’un lieu hautement touristique grâce aux temples d’Angkor Wat. 53 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, de 0,32 USD pour les habitants urbains et de 0,27 USD pour les habitants en campagne par jours, décrétés par le gouvernement central. Le sport est sous le contrôle du ministère de l’Éducation, malgré cela dans la province du Siem Reap on retrouve seulement 15 professeurs d’éducation physique pour les 40 000 étudiants de la région. La création et l’implantation d’activité sportive sont difficiles en raison du manque de ressource matérielle, humaine et de budget. Néanmoins, une initiative a été implantée en 2004 dans la région, la Siem Reap Hotel Football League. Cette ligue de football est une ligue amateur pour les employés des différents hôtels de la région, celle-ci vise à créer des relations entre les hôtels et améliorer la qualité du football dans la région. La ligue reçoit une couverture importante dans la région, la finale de la ligue a été présentée au stade provincial devant quelques milliers de spectateurs, en plus d’être diffusée à la télévision nationale. Les organisateurs de la ligue profitent de cette exposition en invitant des étudiants de la région aux matches et en leur donnant des cadeaux aux couleurs de la ligue avec des messages pour la persévérance scolaire. Elle permet de créer des relations entre les participants, mais aussi la population de manière générale ce qui a permis d’amener une solidarité plus importante au sein de la communauté. Elle aide aussi au développement du sport dans la région et au Cambodge de manière générale en améliorant les standards sportifs, les infrastructures et en mobilisant une partie de la mobilisation dans les activités de la ligue. Les retombés de la ligue vont au-delà du plan sportif, la ligue contribue au développement de la région en coopération avec l’industrie hôtelière[13].

 

Joueurs et arbitres de la SHTFL attendant avant le début d’un match Source: Facebook Siem Reap Hotels & Tourism Football League

 

[1] Okada & Young 2012

[2] Okada 2012

[3] Kidd 2013

[4] Jarvie 2011

[5] Sportanddev.org 2009

[6] Svenson & Woods 2017

[7] Jarvie 2011

[8] Okada & Young 2012

[9] Frisby & Ponic 2013

[10] Okada & Young 2012

[11] ibid

[12] Okada 2012

[13] Okada & Young 2012

 

Bibliographie 

Frisby, Wendy, and Pamela Ponic. 2013. “Sport and Social Inclusion.” In Sport Policy in Canada, 24. Ottawa: University of Ottawa Press.

Jarvie, Grant. 2011. “Sport, Development and Aid: Can Sport Make a Difference?” Sport in Society 14 (2): 241–52. https://doi.org/10.1080/17430437.2011.546535.

Kidd, Bruce. 2013. “Canada and Sport for Development and Peace.” In Sport Policy in Canada, 27. Ottawa: University of Ottawa Press.

Okada, Chiaki. 2012. “The Redevelopment of Sport in Cambodia Reflections on a Football Player Who Survived the Khmer Rouge Regime.” In Sports, Peace and Development. Champaign, Illinois: Common Ground Publishing LLC.

Okada, Chiaki, and Kevin Young. 2012. “Sport and Social Development: Promise and Caution from an Incipient Cambodian Football League.” International Review for the Sociology of Sport 47 (1): 5–26. https://doi.org/10.1177/1012690210395526.

sportanddev.org. n.d. “The UN’s Perspective on Sport and Development | Sportanddev.Org.” Accessed April 5, 2021. https://www.sportanddev.org/en/learn-more/what-sport-and-development/uns-perspective-sport-and-development.

Svenson, Per G., and Hilary Woods. 2017. “A Systematic Overview of Sport for Development and Peace Organisations.” Journal of Sport for Development, September. https://jsfd.org/2017/09/20/a-systematic-overview-of-sport-for-development-and-peace-organisations/.

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