par Anne-Julie Tremblay
Sept groupes indigènes reconnus, ayant chacun leurs langues différentes, se partagent le territoire de Brunei Darussallam. Les langues parlées à la base par ces groupes ethniques sont le malais du Brunei, le belait, le bisaya, le dusun, le kedayan, le murut et le tutong. On y trouve aussi les groupes ethniques Iban et Kelabit qui ne sont pas natifs de cet endroit, mais sont tout de même présents, tout comme les Chinois qui sont 11.2% des 357, 800 personnes habitant le territoire. De plus, une bonne partie des peuples composant la population du Brunei, soit 19% des personnes, sont des travailleurs étrangers et des expatriés. Les habitants parlent en majorité le malais du Brunei, car ce pays est entouré des territoires malaisiens de Sabah et Sarawak et qu’une forme conservatrice du Malais s’y est installée. De plus, un mélange des populations indigènes qui vivaient isolées l’une de l’autre s’est effectué avec le temps, surtout pendant les 100 dernières années. (Azam Haji-Othman, Noor, James McLellan et David Deterding, 2016, p.11) (Deterding, David et Salbrina Sharbawi, 2013, p.5) (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.51-52)
Figure 1 : Logo du Brunei montrant l’écriture arabe et latine du malais standard
Wikimedia Commons, 2015
Langues natives boudées par leurs locuteurs
Les langues natives, autres que le malais du Brunei, ont vu leur nombre de locuteurs chuter drastiquement et elles sont maintenant considérées comme étant en danger. Les populations sont de plus en plus enclines à apprendre l’anglais et le malais et délaisser leurs langues natives. Le pays a de nombreuses fois parlé de la conservation de ces langues, mais présentement aucun effort n’a vraiment été fait dans ce sens; il n’y a aucune promotion publique de ces langues ni de livre ou autres documents qui permettrait d’apprendre ou de promouvoir ces langues. Les langues natives du Brunei n’ont pas leur place en éducation ce qui n’améliore pas leur statut. (Khemlani David, Maya, Francesco Cavallaro et Paolo Coluzzi, 2009, p.15-16) (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.53)
Le malais du Brunei est utilisé pour parler, mais pour ce qui est des documents officiels et des affiches, ils sont écrits en anglais et en malais standard. Ces affiches sont à la fois écrites en écriture arabe et en écriture latine pour ce qui est du malais. Les plus jeunes ont aussi tendance à alterner entre l’anglais et le dialecte malais de leur choix lorsqu’ils communiquent entre eux. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.53) (Deterding, David et Salbrina Sharbawi, 2013, p.6)
Intégration de l’anglais et du malais dans l’éducation
L’anglais a commencé à s’intégrer au Brunei avec le protectorat anglais de 1888 qui avait envoyé dans ce pays un Anglais en 1906 pour conseiller le sultan. Puis il s’est développé, lorsque de grandes quantités de pétrole ont été découvertes au pays en 1923, devenant un aspect très important de l’économie du pays. En 1928, des cours du soir ont commencé à être instaurés pour les travailleurs de cette industrie qui devaient parler en anglais. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.54)
En 1929, les pouvoirs en place, aidés du conseiller anglais, ont pris des décisions pour améliorer la présence des jeunes à l’école. En même temps, ils ont réalisé que les groupes indigènes ayant tous des langues différentes, il serait difficile d’instaurer une éducation dans chacune de ces langues et ont pris la décision que tous devraient apprendre le malais. La langue a par la suite été intégrée au cursus scolaire, à la société et la question de l’intégration des langues minoritaires au cursus scolaire n’a jamais été soulevée. Les autorités en place ont toutefois eu beaucoup de difficulté à instaurer cette langue comme langue d’éducation, car de nombreux soulèvements ont eu lieu (1962) en plus de conflits avec la Malaisie (1974) ce qui rendait difficile l’accès aux documents et aux outils nécessaires l’apprentissage dans cette langue. À partir de 1984, on a alors commencé a parler davantage d’un système bilingue alliant l’anglais et le malais. Cela plaisait davantage à la population qui trouvait que l’anglais devait avoir une place plus importante dans l’éducation. Présentement, les deux langues sont utilisées en éducation, mais l’anglais prend de plus en plus d’expansion dans le pays. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.55 à 60) (W. Martin, Peter, 1996, p.4-5)
Figure 2 : École St-Andrew au Brunei
Mx.Granger, Wikimedia Commons, 2019
Aujourd’hui, dans les écoles les étudiants alternent régulièrement la langue parlée couramment à la maison soit le malais du Brunei, et les langues d’apprentissage l’anglais et le malais standard. (W. Martin, Peter, 1996, p.5)
Le malais standard comme langue nationale?
En 1959, le malais standard est officiellement devenu la langue nationale du Brunei dans la constitution après qu’un sondage ait été effectué auprès de la population du pays. L’anglais pouvait encore être utilisé dans les documents officiels, mais le gouvernement souhaitait remplacer complètement l’anglais dans ceux-ci. Cette langue restait tout de même une langue d’opportunités. Les rapports gouvernementaux mettaient beaucoup l’emphase sur l’unité de la nation à travers l’éducation et la langue nationale, pour eux, cela était le but à accomplir. (Deterding, David et Salbrina Sharbawi, 2013, p.14) (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009, p.57-58)
Bien qu’aujourd’hui le malais standard soit toujours la langue officielle du Brunei, ses citoyens préfèrent utiliser le malais du Brunei dans leurs conversations et même dans les rencontres plus officielles. L’anglais reste aussi une langue majeure dans ce pays, où une majorité des gens de la nouvelle génération préfère utiliser cette langue plutôt que le malais standard. (W. Martin, Peter, 1996, p.6)
Bibliographie :
Azam Haji-Othman, Noor, James McLellan et David Deterding, 2016, The Use and Status of Language in Brunei Darussalam A Kingdom of Unexpected Linguistic Diversity, Spinger
Deterding, David et Salbrina Sharbawi, 2013, Brunei English: A New Variety in a Multilingual Society, New York London : Springer Dordrecht Heidelberg
Khemlani David, Maya, Francesco Cavallaro et Paolo Coluzzi, 2009, Language Policies – Impact on Language Maintenance and Teaching: Focus on Malaysia, Singapore, Brunei and the Philippines, British Virgin Islands: The Linguistics Journal Press, p.155 à 191
Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009, Mother tongue as bridge language of instruction: policies and experiences in Southeast Asia, Thailand: The Southeast Asian Ministers of Education Organization (SEAMEO) Secretariat
Martin, Peter, 1996, Code-Switching in the Primary Classroom: One Response to the Planned and the Unplanned Language Environment in Brunei, Journal of Multilingual and Multicultural Development
Mx. Granger, «St. Andrew’s School, Brunei» [photo], Février 2019, Wikimedia Commons, réf. du 9 avril 2020, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:St._Andrew%27s_School,_Brunei.jpg
Sans Auteur. «Autoriti Monetari Brunei Darussalam» [photo], Octobre 2015, Wikimedia Commons, réf. du 19 mars 2020, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ambd-logo.jpg