Aux Philippines, la lutte sanglante contre la drogue lancée par le président Rodrigo Duterte en 2016 présente après environ 8 mois un bilan officiel de plus de 7 000 morts (« Halte aux exécutions extrajudiciaires aux Philippines » s. d.).
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme estime que le bilan réel pouvait s’élever à 27 000 décès civils, dont des enfants (Avenue, York, et t 1.212.290.4700 2020).
Une guerre anti-drogue et pro-corruption
Depuis son élection en mai 2016, la démarche politique non-conventionnelles de Duterte a été critiquée sévèrement.
En 2015, on estimait à 1,8 million le nombre de consommateurs de drogues aux Philippines (Cousins 2016, 1). La drogue la plus répandue étant la méthamphétamine, autrement appelé le « shabu », suivie par le cannabis et la cocaïne (« Dangerous Drugs Board » s. d.). Pour répondre au problème de la toxicomanie aux Philippines, le président Duterte a lancé en 2016 une campagne anti-drogue extrémiste et violente promettant de mettre fin à ce problème. Le président a encouragé le public à dénoncer toute personne soupçonnée d’être impliquée dans la consommation ou la distribution de la drogue.
Les autorités locales se sont servies de la guerre contre la drogue comme d’une passerelle qui permettrait de justifier le meurtre de personnes innocentes. Une enquête menée par Human Rights Watch en 2017 conclut que la police philippine a falsifié des fausses preuves afin d’étouffer et camoufler des exécutions extrajudiciaires (Police Fake Evidence in Philippines’ Drug War Killings s. d.). Non seulement, la police a rendue publique une liste de personnes soupçonnées d’être utilisateurs et trafiquants de drogue, mais d’après une étude, il semble qu’il y ait une relation entre les personnes qui figurent sur cette liste et celles tuées par la police et les miliciens (Reyes 2016, 112).
Une guerre contre la pauvreté
Aux Philippines, environ un tiers de la population vit sous le seuil de la pauvreté (« Philippines. Une lutte sanglante contre la drogue » s. d.). Ce groupe de personne est plus susceptible de tomber dans la drogue comme moyen de s’évader de la réalité ou tout simplement par manque de sensibilisation aux dangers de la drogue. Les ménages les plus pauvres se trouvent parfois obligés de mettre leurs enfants à la rue afin d’assurer des sources de revenu supplémentaires. Une étude a démontré que les enfants des rues ont plus de chances de tomber dans la dépendance (Medina 2016, 164). Ainsi, la lutte anti-drogue de Duterte vise les personnes les plus vulnérables de la société, c’est-à-dire les pauvres mais aussi les enfants (Medina 2016, 163).
Malgré cela, Duterte se montre indifférent envers l’approche non-éthique des autorités locales et maintien sa politique de “tirer pour tuer” tout en protégeant les personnes impliquées dans sa lutte contre la drogue (« Rodrigo Duterte: “I don’t care about human rights” » s. d.).
Duterte : sauveteur des Philippines ?
Condamnées par la communauté internationale, les politiques anti-drogue de Duterte sont entourées de fortes controverses. Les exécutions extrajudiciaires sont considérées comme des violations des droits de l’Homme. Lors d’un discours donné en septembre 2016, Duterte compare sa politique antidrogue au régime d’Adolphe Hitler. Il annonce fièrement qu’il serait « heureux de massacrer (les toxicomanes aux Philippines) » (BBC News 2016). Un chercheur, Danilo Andres Reyes, évoque l’instrumentalisation de la guerre contre la drogue pour propager un sentiment sécuritaire à travers les Philippines (Reyes 2016, 112). Ceci expliquerait le manque d’empathie envers les victimes et la nature explicite, parfois choquante, de ses discours. En effet, il considère que toute personne impliquée dans le trafic ou la consommation de drogues est criminelle et mérite de mourir.
Un avenir inquiétant
Malgré ses politiques maladroites et sans doute reprochables, l’opinion publique philippine est largement favorable au président Duterte qui se positionne comme le défenseur des philippins face à la menace de la drogue. Il symbolise un gouvernement puissant et efficace dans sa façon de répondre aux problèmes contemporains auxquels font face les Philippines (Simangan 2018, 5). Son mode de leadership tourné vers l’action fait que les philippins accordent de fortes cotes de confiance et de satisfaction au gouvernement de Duterte (Bernstein 2020).
La popularité de Duterte est représentative de la montée d’une nouvelle forme d’autoritarisme à travers le monde. Dans le cas de l’administration de Duterte, ceci se caractérise par une hostilité envers les droits de l’homme et un manque d’empathie. Seul le temps nous dira si cette vague autoritaire présentera une menace à la démocratie.
Par Anouk D.
BIBLIOGRAPHIE
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